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«Tout système socio-économique a l'entreprise qu'il mérite»
Hacène Merani . Enseignant à l'Université de Annaba, chercheur associé au CRASC
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2017

Hacène Merani est enseignant de sociologie à l'université Badji Mokhtar de Annaba. Chercheur associé au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC), il est l'auteur de plusieurs publications sur les entreprises publiques en Algérie dont, notamment, Les cadres des entreprises publiques en Algérie. Des privilèges au déclassement. Dans cet entretien, il explique la valse des changements à la tête des entreprises publiques, en esquissant le profil du manager d'une entreprise publique d'aujourd'hui.
A quelle logique obéissent les changements que l'on constate ces derniers temps à la tête des entreprises publiques ?
Au vu des difficultés économiques et financières auxquelles fait face actuellement notre pays, dues notamment, mais pas seulement bien sûr, à la chute des prix de pétrole, principale source de revenus pour notre économie, il est permis de croire que les responsables qui ont pris ces décisions cherchent à améliorer la gestion et les résultats des activités de ces entreprises. Mais, et même si on suppose que les critères de compétences managériales avaient été cette fois-ci plus ou moins respectés, on ne le sait pas, ces décisions pourraient-elles suffire pour rendre nos entreprises publiques plus performantes, plus compétitives qu'elles ne le sont aujourd'hui ? Autrement dit, ces décisions pourraient-elles, du jour au lendemain, faire de ces entités de vraies entreprises au sens moderne du terme telles qu'elles le sont dans les pays industriels ou même émergents, où elles constituent des moyens de création réelles de richesses économiques ?
Je crois que cela ne semble pas facile à réaliser.
L'entreprise, rappelons-le, est une des plus importantes institutions de la modernité occidentale. Elle a vu le jour à travers un laborieux processus historiques mené principalement par la classe bourgeoise qui a réussi à provoquer et à encadrer un mouvement de changement à la fois économique, social, culturel, juridique, institutionnel et politique qui a abouti à la création des sociétés industrielles modernes. Les principales nouveautés dans ces sociétés, entre autres la richesse, le statut, le revenu, etc., sont désormais largement définis par le travail et que celui-ci est principalement effectué dans cette nouvelle entité qu'est l'entreprise avec toutes ses caractéristiques.
C'est dans ce sens-là qu'André Gorz parle d'une invention du travail. Même l'expérience des sociétés de l'ex-bloc socialiste, pourtant ayant adopté beaucoup d'aspects de la modernité, n'ont pas réussi économiquement si on les compare sur ce plan avec les pays industriels occidentaux.
Aujourd'hui, seule la Chine a pu réussir à rendre son économie et ses entreprises aussi efficaces que celles des pays industriels occidentaux. Mais peut-on dire que la Chine est encore une économie socialiste ? En ce qui concerne notre pays, que je qualifierai, faute de mieux, comme «traditionalo-périphérique», à l'image de la plupart des pays de la région, ni ce processus, ni un processus qui pourrait lui ressembler n'ont jamais eu lieu en dépit de tout ce qui a été tenté ou réalisé depuis l'indépendance.
Qu'il existe ici ou là quelques expériences réussies, publiques ou privées, ne change pas vraiment l'état général des choses. En plus de la situation économique et sociale déjà difficile que nous vivons, ôtez ce que nous rapporte l'exportation des hydrocarbures et vous aurez une idée sur la situation qui serait la nôtre. C'est pour cette raison que l'on parle, en ce qui concerne notre pays, d'une économie principalement, je suis tenté de dire entièrement, rentière ou de rente.
Pour qu'il y ait une entreprise au sens d'institution socio-économique, certes il faut qu'il y ait, surtout au début, et même toujours, des hommes exceptionnels, novateurs, bref des entrepreneurs engagés, capables de bâtir des entités d'affaires et en même temps de détruire tout ce qui, dans la société traditionnelle, empêche cette institution de s'enraciner dans la société. Que ce soit sur le plan économique ou bien culturel, politique ou juridique, et c'est cela justement qui n'a pas été fait dans notre pays.
C'est d'ailleurs ce qu'a voulu dire l'historien économiste allemand Sombart lorsqu'il a rappelé que si au début c'est l'entrepreneur qui crée la société capitaliste moderne, après, c'est cette dernière qui crée l'entrepreneur. Et c'est pour cette raison que d'aucuns comme Bourdieu insistent sur le fait que l'entrepreneuriat n'est pas une évolution de l'artisanat, mais plutôt une rupture par rapport à lui, même si on peut certes trouver des entreprises de type artisanal. Le monde artisanal et le monde entrepreneurial sont, en ce sens, deux mondes différents, très différents.
Quel est le profil du manager qui règne actuellement dans l'entreprise publique ?
La management, nous dit Omar Aktouf, est le bras armé du capitalisme. Cela peut dire entre autres qu'il ne peut y avoir de vrai manager en dehors d'un système socio-économique où le management est à la fois un outil qui a été forgé et valorisé par ce même système et un moyen essentiel de sa perpétuation. On peut en déduire que tout type de gestion est un moyen de pérenniser le système qui l'engendre. Il ne suffit pas que la société ait, comme le disait Raymond Aron, une économie en soi, et toutes les sociétés humaines en ont une pour qu'il y ait des managers. Pour qu'elle puisse avoir en son sein des managers au sens que l'on trouve dans les pays industriels ou émergents, la société doit avoir une économie pour soi. C'est-à-dire une économie où la performance de l'entreprise devient une nécessité, une valeur positive et donc une règle. Est-ce le cas dans notre pays et pour nos entreprises publiques ? Je crois que non.
Tant que la performance et l'efficacité économiques ne sont pas la raison d'être des dirigeants que l'on nomme ou que l'on recrute dans ces entités, tant que la raison d'être est d'ordre administratif, politique, etc., tant que l'entité elle-même ne répond pas aux critères de l'entreprise, le profil des ses dirigeants, de ses cadres aura toujours tendance à s'éloigner de celui du manager. Il y aura toujours, comme l'a dit Omar Bakhti, des cadres qui ne jouent pas le rôle de cadre au sens économique et managérial du terme.
Cela ne veut nullement dire qu'au sein de ces entités économiques il n'existe pas de cadres qui possèdent des compétences au sens managérial d'encadrement. Ces cadres existent. Mais c'est la nature même de leur mission, les conditions de leur travail, les objectifs réels et non théoriques ou même légaux qu'ils sont tenus de réaliser qui les éloignent quotidiennement de la ligne de conduite managériale, d'où le phénomène de marginalisation des cadres ou des compétences dont on entend beaucoup parler dans nos entreprises publiques. Dans l'expérience algérienne, et dès le début, les entreprises publiques n'ont pas été fondées pour être économiquement efficaces, même si dans les textes on parle de rentabilité, de productivité, etc. La question, on ne le répétera jamais assez, est loin d'être une question de texte. C'est une question de société et du système à la fois économique, culturel, institutionnel et bien sûr politique que cette société fonde et met en place pour s'orienter et se gouverner.
Les cadres des entreprises publiques sont-ils juridiquement protégés ?
Sincèrement, je crois qu'un juriste serait mieux placé pour répondre à cette question. Toutefois, on peut saisir l'occasion que nous donne cette question pour poser le problème de la sanction du cadre dans l'entreprise, dans les deux sens, positive ou négative, et son rôle dans l'émergence ou non de dirigeants compétents à la tête et au sein de nos entreprises publiques. Autrement dit, les politiques et les mécanismes jusque-là adoptés et appliqués dans ces entreprises permettent-ils vraiment d'avoir des managers et des entreprises économiquement et techniquement efficaces et performantes. Au vu des principes qui régissent, comme on l'a dit plus haut, la création, les objectifs et le fonctionnement de ces entreprises et au vu de ce que l'on pourrait constater sur le terrain, la réponse est généralement négative.
Tenez, par exemple, la fameuse opération «mains propres» des années 1990. On peut légitimement poser certaines questions à son sujet avant de juger si une telle opération visait ou aurait pu aboutir ou non à l'amélioration de la gestion des entreprises publiques. D'abord, comment se fait-il qu'un nombre aussi élevé de gestionnaires, au vu des procès engagés, se trouvant à la tête et au sein d'entreprises souvent très importantes, auraient pu commettre toutes ces erreurs et toutes ces malversations, tout ce temps, sans que les niveaux hiérarchiques supérieurs n'aient pu être au courant ? Cela est-il concevable ?
A ma connaissance, aucun des responsables de ces niveaux-là, de qui dépendaient les nominations des responsables des entreprises publiques n'a été jugé. Cela me rappelle ce qu'a dit un des ex-hauts responsables de l'Etat qu'on a jugé lui aussi pour dilapidations de deniers publics durant la même décennie. Lorsque le juge lui avait demandé pourquoi il s'était permis de dépenser tout cet argent pour financer des achats et des travaux, il lui avait répondu à peu près ceci : «Mais c'est comme cela que l'on précédait. C'était légal».
Ensuite, est-ce que ces procès et ces condamnations ont permis par la suite l'amélioration de la gestion des entreprises publiques ? Je crois que la réponse est nettement non.
Prenons un autre exemple. Le fameux procès dit Khalifa. Encore une fois, on peut se demander quelles étaient les raisons qui ont fait que les instances concernées ne se soient pas manifestées alors que tout ce monde était impliqué et pendant tout ce temps. Souvenez-vous également de ce cas de gestionnaire appelé, à dessein, à témoigner par la présidente du tribunal. Elle lui a demandé de dire pourquoi il avait refusé de mettre les fonds de son entreprise dans les banques du Groupe Khalifa.
Il lui a répondu qu'aucune raison économique ne pouvait justifier ce choix du moment que les banques nationales dans lesquelles se trouvaient les fonds de la société dont il assurait la direction assuraient convenablement leur rôle. Le problème, si je me permets d'appeler cela ainsi, c'est que ce gestionnaire a pu de la sorte sauver l'argent de son entreprise au prix d'une résistance que j'imagine difficile à supporter face à l'exigence de son entourage, voire même de ses responsables, à commencer par les membres de son propre conseil d'administration qui lui avaient recommandé de déposer cet argent dans les banques du Groupe Khalifa avec les conséquence que l'on sait.
Ce que j'essaye de montrer à travers ces exemples, c'est que le système de sanctions mis en application dans les entreprises publiques est loin d'encourager l'émergence des compétences dans le sens managérial du terme. Bien au contraire, on a l'impression que souvent ce sont les moins efficaces qui sont positivement récompensés : nominations, promotions, relations, etc. Alors que les plus performants sont sanctionnés.
C'est le système lui-même dans sa totalité avec ses fondements culturels, institutionnels, etc. qui veut que les choses soient ainsi. Certes, cela n'empêche pas l'émergence de quelques gestionnaires efficaces ou soucieux de la situation de leurs entreprises, mais de façon nécessairement marginale. Tout le monde sait que quelques hirondelles ne feront jamais le printemps. Si donc il nous est permis de dire qu'au bout du compte tout système socio-économique a l'entreprise qu'il mérite, on peut se faire une idée sur ce qu'il faut faire pour se doter d'entreprises capables de jouer leur rôle convenablement. Nous devons d'abord définir les types de société, d'économie, de travail et d'entreprise que l'on veut avoir. Va-t-on réussir dans cette difficile mission ? Seul l'avenir nous le dira.


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