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L'Ahmadiya, l'islam interdit !
La campagne contre ce groupe religieux s'amplifie
Publié dans El Watan le 12 - 04 - 2017

Pourtant garantie par la Constitution, la liberté de culte et de son exercice sont mis à mal par la campagne de harcèlement judiciaire et religieux qui cible les adeptes de l'Ahmadiya. La désignation d'un groupe religieux à la vindicte populaire risque d'ouvrir la voie à un conflit religieux.
Placés du mauvais côté de la barrière religieuse, les adeptes algériens de la doctrine ahmadie traversent les pires moments de leur existence. Persécutions des plus folles et arrestations en masse. Depuis six mois maintenant, ils vivent dans la peur d'un lendemain incertain. Pas une semaine ne passe sans que l'on entende parler du «démantèlement d'un réseau ahmadi et l'arrestation de ses adeptes», selon la formule policière consacrée. Comme s'il s'agissait de bandes de criminels ou de trafiquants. Le tout est escorté d'une campagne médiatique à charge qui voue aux gémonies des citoyens dont le seul tort est d'avoir choisi librement leur croyance. Une campagne systématique de «nettoyage religieux».
Au feu les maudits ! Près d'une quarantaine de personnes appartenant à cette école religieuse sont condamnées à des peines de prison ferme et pas moins de 250 autres dont des femmes sont sous le régime de contrôle judiciaire. Dans presque toutes les wilayas du pays, les adeptes de la doctrine ahmadie sont poursuivis. C'est la croix et la bannière. Et c'est le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, qui prend les devant de la scène pour «valider» la thèse selon laquelle les Ahmadis «appartiennent à un cercle non musulman.
Cette secte se situe en dehors de l'islam. Les préceptes de cette secte ne sont pas islamiques et portent plutôt préjudice aux bases mêmes de cette religion», avait-il déclaré sur les ondes de la Radio nationale le 23 février passé. Il s'est s'appuyé sur une étrange fatwa du Conseil du fiqh algérien qui s'est réuni le 17 février 2017 dans la wilaya de Laghouat, qui pourtant n'a pas autorité à prononcer un tel avis «juridique». Mohamed Aïssa décide alors de l'excommunication des Algériens qui clament leur islamité. Il fait de l'ahmadiya sa cible et de ses adeptes des hérétiques qu'il faut combattre à défaut de les ramener «au droit chemin». «Non, vous n'êtes pas des musulmans», leur dénie Mohamed Aïssa.
Chantre de la tolérance, de dialogue et d'ouverture inspiré par «l'islam de Cordoue», Mohamed Aïssa a-t-il muté ? Pourquoi ce soudain et aventureux revirement du ministre qui mène depuis quelques mois une guerre «sainte» contre eux ? Est-il investi du pouvoir de sonder le cœur et l'esprit des hommes et des femmes ? De quoi les Ahmadis sont-ils coupables pour leur infliger une expiation implacable ? Appartenir à un courant religieux dont un des principes est la non-violence est-il un délit ?
En stigmatisant un groupe de citoyens algériens pour raison d'appartenance à un rite religieux, les désignant à la vindicte populaire et au lynchage médiatique est un précédent grave avec le risque d'ouvrir la voie à une guerre de religions aux conséquences incontrôlables. Implantée en Algérie depuis les années quatre-vingts, l'Ahmadiya dont la non-violence est un de ses fondements n'a pas été classée ni par le ministère des Affaires religieuses ni par celui de l'Intérieur comme une «secte» à interdire.
Même si les adeptes ahmadis étaient sous la loupe des services de renseignement, mais sans aller jusqu'aux intimidations. Il a fallu attendre fin 2016 pour voir surgir brusquement un discours contre cette doctrine. «Sous l'emprise des salafistes conquérants, le ministère des Affaires religieuses a été poussé à mener campagne contre les Ahmadis.
Les salafistes takfiristes sont à l'origine de cette campagne dans le but d'occuper l'opinion publique et les autorités politiques et de détourner les regards sur le vrai danger qui est celui des salafistes radicaux eux-mêmes qui sèment la fitna dans la société», nous confie un cadre des Affaires religieuses.
Il ajoute que le ministère a chargé «un conseiller connu pour ses opinions salafistes dures de mener le travail dans les wilayas du pays». Une sorte d'«autorité de la promotion de la vertu et la prévention du vice» s'est mise en place pour mettre les Ahmadis au ban de la société, suivie d'une mise sur le banc des accusés des tribunaux.
Une démarche qui place les autorités de l'Etat en porte-à-faux avec ses propres lois. «D'abord, les Ahmadis sont des musulmans, les cibler par des campagnes religieuses constitue une dérive dans les valeurs de la République et de l'esprit de la constitution qui garantit non seulement la liberté de culte, mais surtout la liberté de son exercice. Aucune personne et aucune autorité n'ont la légitimité juridique ou légale d'excommunier.
Faut-il rappeler que nous ne sommes pas dans un Etat théocratique, mais que nous vivons sous le régime d'un Etat civil», juge un autre cadre du ministère des Affaires religieuses. L'ancien ministre des Affaires religieuses, Abdellah Ghlamallah, qui dirige actuellement le Haut conseil islamique, aurait exprimé son opposition à la démarche de l'actuel ministre sur le traitement du dossier des Ahmadis.
Tribunaux d'inquisition
L'implication de Mohamed Aïssa et de son institution dans la campagne contre ce groupe religieux enlève à l'autorité judiciaire l'argument selon lequel les Ahmadis seraient présumés coupables de porter atteinte à l'ordre public. Sont-ils poursuivis pour délit légal ou de conscience ? Une confusion qui place les juges dans des situations délicates.
Si dans certains cas les Ahmadis sont poursuivis pour «appartenance à une association non autorisée et collecte de fonds sans autorisation», dans bien d'autres cas les juges enquêtent sur la croyance des Ahmadis. Deux personnes arrêtées à Sidi Bel Abbès ont été condamnées à trois de prison ferme pour «atteinte à la personne du Prophète. Cela relève de l'absurde, condamner des musulmans pour avoir attenté au Prophète», enrage un des avocats des condamnés. Des témoignages des personnes mises en cause racontent des scènes dignes de l'inquisition.
«Le juge m'a demandé ce qui ne me plaît pas dans le rite malékite, si je fais la prière ou pas, combien de ‘‘rakaate'' pour telle ou telle prière…», raconte un Ahmadi qui se dit choqué d'être interrogé sur sa foi religieuse. Lors d'un autre procès tenu dimanche passé à Mostaganem où quatre personnes ont été interpellées pour appartenance au courant ahmadi, le juge a déclaré que «l'article de la constitution dit que l'islam est religion de l'Etat et que seul l'islam sunnite est autorisé». Il a demandé à un des accusés de lui citer le nombre de ‘‘rakaate'' pour chaque prière.
Pis, il a demandé si Jésus a été assassiné ou s'il a été élevé au cieux ! Au tribunal de Sétif, un procureur est allé jusqu'à demander à un Ahmadi de se repentir. L'accusé lui a rétorqué vainement qu'il est bel et bien musulman et qu'il reconnaît le Prophète et les cinq piliers de l'islam. A Oran, la direction des affaires religieuses s'est même constituée partie civile dans un procès jugeant des personnes d'obédience ahmadie. D'autres témoignages rapportent que même les services de sécurité ont des attitudes qui vont au-delà de leurs prérogatives.
«Lors de mon arrestation, un policier m'avait interpellé sur un ton religieux : ‘‘Tu n'écoute pas ce que disent les muftis pour que tu puisse suivre une secte déviante !''», témoigne un jeune Ahmadi placé sous contrôle judiciaire. «Ce qui est inquiétant dans cette affaire, c'est que le ministre des Affaires religieuses s'appuie sur des fatwas pour justifier les poursuites contre ces Algériens qui ont choisi d'adhérer à un courant religieux», s'inquiète le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, Noureddine Benisaad.
«Manifestement, il y aune campagne religieuse qui cible ce mouvement. Il ne s'agit pas d'affaires qui relèvent du code pénal ou d'atteinte à l'ordre public, l'implication du ministre des Affaires religieuses le prouve. Nous sommes dans un Etat civil régi par des lois positives et non pas par des fatwas. Il y a là une dérive dangereuse. Nous, au sein de la Ligue, nous considérons que cette affaire porte atteinte à la liberté de culte, une liberté pourtant protégée par la Constitution et la ratification des pactes internationaux en la matière. Il faut rapidement élargir et laisser tranquilles ces Algériens qui n'ont fait de mal à personne», peste le président de la Laddh.
Contrairement à l'idée répandue selon laquelle les Ahmadis activent clandestinement et «échappent aux radars», ils ont sollicité du ministère de l'Intérieur l'autorisation de création d'une association. Un siège a té construit dans la région de Larbaâ (Blida). Une demande classée sans suite. «Nous sommes dans une situation où l'Etat veut remplacer le clergé et cela donne de l'Inquisition du moyen-âge. Au XXIe siècle, on ne peut plus emprisonner les idées», fait remarquer Saïd Djabelkhir, chercheur en religion. Au harcèlement religieux et judiciaire s'ajoutent les pressions sociales.
«En raison de la propagande médiatique qui nos présente comme des éléments dangereux, nous subissons des pressions de toutes sortes : dans le milieu professionnel et dans nos familles également. Même pour louer un logement, c'est devenu impossible. Une partie de la société nous voit comme des pestiférés alors que nous ne faisons du mal à personne», se désole un Ahmadi qui a perdu le bail de son logement de location.
Cernés de toutes parts, les fidèles ahmadis s'inquiètent pour leur sort et s'interrogent sur leur avenir et se demandent jusqu'où ira-t-on dans la campagne de dénigrement. «Mohamed Aïssa est en train de mener une guerre par procuration. Alors que dans beaucoup de pays musulmans ce courant ne pose pas de problème, chez nous on cherche à s'aligner sur la position de l'Arabie saoudite qui, faut-il le rappeler, a instruit toutes ses représentations diplomatiques dans le monde musulman de faire campagne contre les Ahmadis et tout faire pour stopper leur propagation», met en garde un ancien cadre du ministère des Affaires religieuses.
Il suggère l'ouverture d'un dialogue avec les adeptes ahmadis et «éviter le piège de la privation de liberté». En somme, en cherchant à instaurer le «référent religieux national», le ministère des Affaires religieuses cherche à se lancer dans une «croisade» dont il ne mesure pas les conséquences. Après les Ahmadis, va-t-il s'attaquer aux chiites ? Les réseaux salafistes qui semblent dicter insidieusement la ligne de conduite préparent déjà le terrain à une guerre de religion.


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