Rencontrée dernièrement au Bastion 23, à Alger, à l'occasion de l'hommage rendu au chantre de La Casbah, Miloud Brahimi, sa fille, Doudja Brahimi, parle de son paternel avec beaucoup d'amour. Elle aborde quelques points qui lui tiennent à cœur. - Que pensez-vous de l'hommage rendu au Bastion 23 à votre défunt père, Himoud Brahim, dit «Momo», à l'occasion du 20e anniversaire de sa disparition ? Ecoutez, j'ai été agréablement surprise par la nombreuse assistance qui connaissaitt très bien mon regretté papa. J'ai essayé, de mon côté, d'inviter toutes les personnes qui le connaissaient le mieux. Je ne voulais pas parler de la spiritualité, parce que je voulais que ce volet soit abordé par un ami de la famille, à savoir, le physicien Redouane Hamza. Il faut dire que nous avons été élévés par la même énergie de Momo. Le père de Redouane a suivi l'énergie de mon père. Moi, franchement, ce que j'aimerais dans cet hommage, c'est que les souhaits et les vœux de mon père que tout le monde appelait «Ami Hamoud» aille jusqu'au bout pour la sauvegarde de La Casbah et du patrimoine. Nous avons, hélas, un patrimoine qui se meurt. Et derrière ce patrimoine, il y a tout un état d'esprit et toute une identité. Il y a toute l'histoire d'Alger. Et ce n'est pas rien. Nous sommes en train de laisser tomber l'histoire d'Alger pour refaire une autre Alger, sans que nos enfants aient des traces. Mon père était le fondateur de la sauvegarde de La Casbah. C'était le premier qui a fait quelque chose pour La Casbah. Il a œuvré, également, avec le journaliste français, Jean René Huleu, et la journaliste et productrice, Marie Odile Delacour, pour le classement de La Casbah par l'Unesco. - Comment était-il en tant que papa ? C'était un papa multi-facettes. Nous avions une éducation presque militaire. Une éducation très religieuse. Une éducation traditionnelle, mais si nous allions à l'école avec des tenues occidentales, quand nous rentrions à la maison, il fallait se mettre dans les règles. Il nous a appris à nous adapter à toutes les situations. Nous avons été éduqués chez les Sœurs. Nous avons appris le Coran à la maison avec mon père. Il nous a appris la prière et le soufisme, ainsi que l'ouverture et l'amour pour l'autre. La vie pour lui était synonyme de sérénité et non pas de conflit. A titre d'exemple, me concernant, je n'aime pas les conflits et l'agressivité. Mon défunt papa nous a appris à être libres. A ne pas recevoir d'ordres de personne, mais ne pas en donner non plus. A ne pas culpabiliser. A respecter l'autre et à se faire respecter. C'était un papa extraordinaire. Je le regrette et je le dirai toute ma vie, j'ai toujours cherché mon père à travers mon mari. Il y a des messages que les parents nous lancent, mais dont nous ne saisissons pas le sens sur le moment. C'est avec le temps que la signification devient évidente. Ces messages ont été auparavant donnés par nos ancêtres. Ces derniers parlaient beaucoup avec les métaphores. - Himoud Brahimi a concouru pour le rôle du film d'aventures américain Tarzan ? Effectivement, après l'indépendance de l'Algérie, mon père, Momo, a concouru pour le rôle de Tarzan contre l'acteur hongrois Johnny Weissmuller. Même si le rôle de Tarzan a failli lui revenir, il a tout de même assuré quelques scènes de doublage, où il devait même se battre contre un lion. Les producteurs trouvaient que ses yeux et cheveux noirs ne ressortaient pas assez à l'écran. - Qu'en est-il du fonds documentaire laissé par votre défunt père Himoud Brahimi ? Mon regretté et tendre père a laissé beaucoup de manuscrits et de messages. Mon père était un grand visionnaire. Il nous disait que vous allez vivre dans un monde similaire à celui dans lequel nous vivons actuellement et que beaucoup de choses se passeront. Il a fait le nécessaire pour La Casbah. Nous, ses enfants, il nous a formatés. Nous allons, peut-être, avec ma famille et les amis de Momo, créer une association portant le nom de mon défunt père. Il est impératif de créer une association afin de réunir les idées. Il y a, également, un nouveau projet qui va bientôt naître. - Justement, ne caressez-vous pas le rêve de rassembler tous ses écrits pour une éventuelle publication ? Momo a écrit plusieurs poèmes, recueillis et édités à titre posthume, notamment Momo, la magie des mots, un recueil paru en 2006 aux éditions Alpha et Momo, les mots, le verbe et les paroles, un autre recueil de textes présentés par Jean-René Huleu, sorti, dernièrement, aux éditions El-Ibriz. J'ai, également, en ma possession tous les doubles de ses écrits. Il y a des écrits qui sont inédits et inconnus, y compris ceux adressés à ma défunte mère. C'est incroyable qu'on parle de Momo, mais c'est inadmissible qu'on ne parle jamais de tous les écrits d'amour que mon père a rédigés pour ma mère adorée. Il a écrit des poèmes sur ma mère qui sont d'une beauté incroyable, en l'appelant «Zahra». Mon pére était un défenseur de la femme et de sa liberté. C'était un homme très généreux. Il était capable de donner sa veste à quelqu'un qui avait froid en hiver. Il a aidé combien de familles pauvres. A titre d'exemple, une maman qui avait un enfant malade et qui n'avait pas l'argent pour le soigner, il l'a envoyée chez des copains médecins ou autres. C'était un homme au sens propre du terme. Il était généreux et noble à la fois. Il incarnait la simplicité et la modestie. - Momo était sur le projet de réalisation d'un nouveau film qui n'a jamais vu le jour ? Effectivement, il s'agit du film Tikibehlakouchine. Le pitch : c'est l'histoire de soldats algériens qui, pendant la Guerre d'Algérie, devaient lutter contre le colonialisme, mais cela faisait un peu la petite vadrouille. C'est un projet qui n'a jamais abouti. J'ai lu le pitch et après le scénario. Je l'ai lu en gros, mais je ne sais pas s'il est encore chez nous. - Sinon, êtes-vous toujours dans le domaine de la danse contemporaine en France ? Sincèrement, je ne peux pas arrêter la danse pour de bon. Mais je dirais que je me suis remise dans mon domaine initial. Je suis à la fois psychanaliste et psychothérapeute. Je m'investis beaucoup plus dans mon métier de médecin. Certes, je donne des cours de danse, mais je ne monte plus de ballets depuis, pratiquement, deux ans. - Quel est votre regard sur la danse contemporaine en Algérie ? Je suis une danseuse classique et je porte un regard critique sur tout ce qui se fait en matière de danse contemporaine. Je dirais qu'en Algérie, c'est un bon début. Il faut que cela continue. Je trouve que la danse, c'est le mouvement. Ce qui est bien dans la danse, c'est que l'image et la danse se rejoignent.