Régulation du commerce extérieur ne signifie pas « autorisations administratives »    Un financement de 200 millions DA pour la réhabilitation des foggaras    La Chine cible deux banques de l'UE en représailles aux sanctions liées à la Russie    Plus de 100 000 personnes déplacées    Violences et crimes de guerre contre les Alaouites    Premier League : une enquête ouverte après les injures racistes sur le Ghanéen Antoine Semenyo    CHAN-2024 Le Madagascar qualifié pour les quarts de finale    Ligue 1 : JSK-USMA, MCA-CRB reportés    Un bébé de 21 mois décède dans un parc de loisirs après avoir été fauché par un train de jeux    Dix jours sans eau, un scandale !    Une femme sauvée in extremis d'une mort certaine après avoir été fauchée par une voiture    El Ksour, un joyau millénaire qui défie le temps    Denzel Washington dans le dernier film de Spike Lee    La comédienne Nouria, de la scène à l'éternité    Tremblement de terre dans la wilaya de Tébessa : pas de dégâts enregistrés    Chute d'un bus dans l'Oued El Harrach: Merad rend visite aux familles des victimes à Boumerdès pour présenter les condoléances    Sahara occidental : le groupe de travail chargé du dossier des ressources naturelles tient son conseil constitutif    Para-judo: l'Algérie participe avec cinq athlètes au Grand Prix du Caire-2025    Athlétisme: l'Algérien Abdelbasset El Hamel en 2e place au marathon d'Alula en Arabie Saoudite    Football: Mise en place d'une filiale de Sonatrach pour l'exploitation du stade "Ali La Pointe" de Douera    Guerre de libération nationale: le chahid Mokhtar Kritli, un exemple de sacrifice pour la patrie    Tizi-Ouzou: la splendeur de la nature et les sites touristiques séduisent les vacanciers    Ghaza: le nombre de blessés a triplé depuis mai et le système sanitaire n'est plus qu'un fragile squelette    La plupart des enfants de Ghaza risquent de mourir s'ils ne reçoivent pas de soins immédiats    Canicule attendue lundi et mardi dans plusieurs wilayas    CHAN 2024: premier entraînement de la sélection algérienne à Nairobi    Hydrocarbures: signature de deux conventions d'études entre Alnaft et Occidental    Chute d'un bus dans l'Oued El Harrach: le Premier ministre au chevet des blessés à l'hôpital Salim Zemirli    Chute d'un bus dans l'Oued El-Harrach: l'Algérie reçoit les condoléances de l'Ukraine    Chute d'un bus à Oued El Harrach: l'ANIRA décide la suspension de quatre établissements exploitant le service de communication audiovisuelle    Le président de la République décrète un deuil national d'un jour    Le plan d'urgence et de secours a été d'une efficacité totale    Quelle est la situation de la coopération Algérie/Italie ?    Décès du réalisateur Nourredine Benamar    Le président du HCI tient au Caire des discussions avec le SG de la Commission internationale des Miracles scientifiques dans le Coran et la Sunna    L'UIPA souligne l'importance du rôle des jeunes    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La Casbah, les bombes et les seringues
Damerdji Mohamed. 82 ans, ancien militant de la cause nationale, activiste social et culturel
Publié dans El Watan le 21 - 09 - 2017

«Sans justice, il n'y a que des partis, des oppresseurs et des victimes.» Napoléon
En ces moments troublés emplis de doutes et d'incertitudes, lorsqu'on se retrourne pour contempler l'histoire, surtout contemporaine de notre pays, il se trouve des obstacles pour en boucher la perspective. Heureusement qu'il y a encore des «vétérans», acteurs vivants pour rétablir les faits souvent dénaturés par l'histoire sélective officielle. Car si l'histoire n'est pas falsifiée, elle est omise. Dans les deux cas, le forfait est impardonnable.
Parmi ces vétérans, Damerdji Mohamed, authentique militant, qui nous parle avec sincérité de son parcours tourmenté, de sa vie conscrée aux luttes sans calculs. Sans en attendre quoi que ce soit en retour, si ce n'est le bonheur d'avoir atteint l'objectif de mettre à genoux un joug oppresseur si pesant. Damerdji Mohamed, une figure du vieil Alger, enfant de La Casbah, issu d'une famille bien connue qui a essaimé à travers l'Algérie. Qu'en est-il au juste de sa petite famille ?
Enfant de la Casbah
Son visage trahit une profonde modestie et ses lunette épaisses ne peuvent masquer un regard étonné. Il ne revient pas à tout le monde de brandir son courage dans un contexte aussi contraignant fait de peurs et de suspicions. Il ne revient pas à tout le monde de vivre avec autant de conviction et de sincérité et qui n'a jamais songé à s'élever au-dessus des autres. Il sait que le temps qui passe est joyeux quand on choisit de rester soi-même. Autant dire que Mohamed vieillit sans changer.
«Ma fille Radia, professeur à l'EPAU, qui s'intéresse à l'histoire, a fait des recherches qui l'ont éclairée sur la filiation familiale. Le nom Damerdji, (en turc Demerci) signifie forgeron ou haddad. En plus des Feuillets d'Alger écrits par M. Klein en 1910, qui évoquent Damerdji, Oukil, qui avait sa maison mitoyenne à celle du Dey Hussein, et les origines de ce patronyme, d'autres sources indiquent que l'administration coloniale française avait tranché un litige d'un architecte italien au détriment de Damerdji Mohamed Ben Ahmed, entrepreneur en batiment.
Celui-ci manifesta son refus de vivre dans un pays où règne l'injustice, en décidant de quitter l'Algérie vers 1890, pour se rendre en Turquie avec sa femme et ses six enfants. Il s'établit à Smyrne (Izmir) où il exerça son métier d'architecte auprès de la municipalité de cette ville. En 1896 est né M'hamed Ouali. Peu après, son père Mohamed Ben Ahmed décède.
En 1899, la famille Damerdji, agrandie de son dernier- né, M'hamed Ouali, âgé alors de 3 ans, quitte la Turquie accompagné du frère du défunt, venu spécialement d'Algérie pour ramener au pays la famille de son frère. Cette dernière s'établit à La Casbah d'Alger, puis à Saint- Eugène (actuel Bologhine).» M'hamed Ouali fit ses études primaires à l'école Sarouy, puis à la médersa d'Alger. muni de ses diplômes, il exerça comme instituteur, puis comme Adel.
Très pieux, il était membre de l'Association des Oulémas et admirateur de l'Emir Khaled. «Mon grand-père s'appelait Kaddour Ben Mohamed Ben Ahmed, qui était âgé de 34 ans en 1890 et vivait à Alger. Il serait le fils de l'Oukil. Mon père Boualem, détenteur du certificat d'études à M'cid Fatah, était pointeur au port d'Alger.
C'était un père de famille attentionné, aimant, qui n'a jamais levé la main sur quiconque, jamais une parole déplacée ou un mot plus haut que l'autre. Moi, j'ai quitté l'école de la Rampe Valée à 13 ans. J'étais en fin d'études, il fallait aider mon père, souvent malade, et soutenir ma famille dont les revenus étaient fort modestes. Mon père, qui était client à la pharmacie Benallegue, bien connue au 16 rue Marengo, a proposé au pharmacien de m'embaucher en tant que coursier.
Ce qu'il fit. On commencait à 7h30 par le nettoyage et on terminait le travail tard le soir. Mon métier consistait à faire de longues courses chez les grossistes, en utilisant le tramway vert des Trois Horloges jusqu'au chemin Yusuf. Parfois, je faisais cette distance à pied. Il m'arrivait aussi de transporter sur une charette des quantités de lait guigoz, très demandé à l'époque et commercialisé par les officines.
Aussi, tout en étant coursier, j'apprenais à être préparateur de médicaments. A 18 ans, je faisais déjà des préparations magistrales et galéniques, c'était une grande responsabilité. Il fallait connaître tous les produits chimiques, les teintures et les élixirs. Je faisais des injections souvent gratuitement au domicile des malades. La lutte de Libération à laquelle j'ai adhéré spontanément a bouleversé le cours de ma vie.
En 1955, j'avais 20 ans, j'ai été contacté par Achir Mohamed qui était mon voisin pour m'intégrer au Nidham. Vers la fin de 1956, il me proposa une autre mission : celle de rencontrer un militant malade et réfugié à la grande Mosquée d'Alger. C'était Ahmed Chaïb, dit Loghrab, — qui s'appelle en réalité Rouibi. Atteint de tuberculose, il avait un traitement à suivre, dont des injections de Streptomicyne. C'est moi qui lui faisais les injections dans la salle de prière. C'est ce valeureux moudjahid qui m'a proposé d'activer avec lui dans la collecte et l'approvisionnement en médicaments pour les wilayas III et IV.
Comme la demande en médicaments allait crescendo, on a organisé un réseau avec les frères Bentchakal Mohamed, Yahiaoui Abdelmadjid. J'avais aussi des contacts avec Mustapha Bouchouchi, Chergui Rabah, coiffeur, Baghdad le chinois, gargotier. On a dû recourir à des militants hors Casbah, comme Belazouz Mokhtar, infirmier à l'hôpital Mustapha, Saïd Abdiche, Chouiter Mohamed. Les médicaments les plus réclamés étaient les antibiotiques injectables et en comprimés, les hémostatiques buccales et antiseptiques, les désinfectants, les pansements, les compresses et les seringues en verre de l'époque.»
Quatre arrestations
«Ma première arrestation a eu lieu après la grève des huit jours. On m'a gardé dans les bas fonds de l'Amirauté pendant quelques jours. A ma sortie, j'ai repris mon activité en faisant plus attention. Fin 1956, le frère Saci Maouche, dit Moh, qui faisait partie de notre groupe, me sollicita pour lui procurer de la glycérine afin de fabriquer des bombes. C'était très difficile car soumis à un ordonnancier (registre). Il fallait déclarer le produit alors que notre action était essentiellement clandestine. Je lui en ai procuré un kg en falsifiant le registre. Saci avait remis cette «marchandise» à Habib Réda, responsable du FLN à La Casbah. Après la grève, Saci Maouche était recherché.
Il est sorti de La Casbah avec sa mère vêtu d'un haïk. Il est venu chez moi. Comme on était une famille nombreuse, 10 personnes dans un réduit de 2 pièces minuscules, c'est Achir mon voisin qui l'a hébergé en attendant son transfert à la cache de Djamaâ El Kébir. Pendant toute cette période, on n'a pas cessé de livrer les médicaments réclamés par le Nidham. Moi, j'ai fait l'objet de 4 arrestations durant l'année 1957.
Le 2 août 1957, dans la matinée, je reçois un émissaire à la pharmacie qui voulait parler à Si Mohamed (moi-même) de la part de Boualem Tapioka, de son vrai nom Kadache, qui était au maquis de la wilaya IV comme commissaire politique. Il me remit une lettre dans laquelle il me demandait de lui procurer un produit chimique pour empoisonner les chiens qui protégeaient un campement militaire. Je lui ai envoyé une bonne quantité d'arsenic. Le hasard a voulu qu'on se rencontre à la terrasse du Palais Klein chez les Zouaves lors de mon arrestation. Il venait d'être incarcéré à son tour. C'était un lieu de torture, de sévices et d'humiliations. Je peux dire qu'on a subi les pires atrocités, sans compter la torture morale qui peut rendre fou.
Deux mois après le Palais Klein, dont on est sortis meurtris et exsangues, je me suis retrouvé de nouveau dans la cour de la prison de Barberousse avec Tapioka. On a discuté de la mission (réussie) qu'il m'avait confiée. Il m'a dit un mot que je garde toujours, c'est Tapioka qui parle, : «Le commandant Si Lakhdar de la Wilaya IV m'a dit : si un jour tu rencontres Si Mohamed, tu le remercieras pour l'action qu'il a menée et aussi pour son engagement''. Ce jour-là où j'ai livré le fameux produit, je ne l'oublierai jamais, c'était le 20 août et cela coïncidait avec mon mariage !»
Désenchanté, désabusé
Mohamed regrette que ce volet de la lutte, à savoir les services de santé et l'apport des personnels y afférents, n'ait pas été assez mis en évidence, comme aussi la participation d'hommes engagés qui n'étaient pas d'origine algérienne. Ainsi en est-il du pharmacien juif Cherqui, qui s'est impliqué dans la lutte à nos côtés en mettant à contribution sa pharmacie de la rue Sadi Carnot, près de l'hôpital Mustapha.
Damerdji a fait des séjours qui l'ont marqué physiquement lors de ses arrestations au Palais Klein, à l'Amirauté, à la Corniche d'Alger, à la Villa de Birtraria, à l'école des Tagarins qui se trouve près de Fort l'Empereur, au centre de tri de Ben Aknoun et à Beni Messous jusqu'au début 1959. «J'ai été condamné à 6 mois de prison que j'ai purgés à Barberousse.
A ma sortie, j'ai été accueilli par les gendarmes dans leur Jeep qui m'ont kidnappé. Je croyais à ma mort imminente, car les kidnappés avaient presque tous disparu. J'étais heureux à Beni Messous où ils m'ont emmené et où j'ai écopé de 6 mois. Libéré, un pharmacien, Aziz Hamoutene, m'a proposé de travailler avec lui. J'ai repris le contact avec d'autres militants jusqu'à l'indépendance.» La Casbah d'aujourd'hui n'enchante guère notre vieil ami désabusé.
«C'était une ville où il y avait la joie de vivre, la convivialité, la solidarité. C'est déplorable aujourd'hui de voir cette cité chargée d'histoire et d'émotions décrépir, laissée aux quatre vents. A l'époque, malgré les contraintes, on était très pauvres mais heureux. Il y avait une envie de côtoyer toutes ces communautés bigarrées dans une symbiose extraordinaire. A l'époque, on s'interpellait en faisant allusion aux quartiers, mais pas à l'origine des gens. Il est dommage que La Casbah au poids symbolique sentimental qui n'a pas de prix soit galvaudée. Et El Hadj El Anka et Fadila Dziria, et Momo, et Amar Ezzahi et Bencheneb et Bensemaïa, et…».
Mohamed active au sein de l'Association des Amis de la Rampe Louni, présidée par Aït Aoudia Lounès, qui a à son actif de belles choses, comme l'organisation d'activités culturelles de niveau au Palais El Minzah qui servait d'antre et de fief culturel mis à leur disposition par le mécène Marouf, que Dieu ait son âme. Depuis sa disparition, le Palais, joyau d'architecture arabo-mauresque, a changé de vocation pour devenir un bloc administratif froid et impersonnel racheté par l'ONDA.
Même la vocation de la médersa qui lui fait face est perdue depuis longtemps. Ses portes sont hermétiquement fermées. Elle qui devait s'ouvrir au quartier en devenant un centre de rayonnement culturel de La Casbah et d'Alger toute entière a été transformée en centre de cours par correspondance ? (sic) Mais que voulez-vous, les «décideurs» en ont décidé ainsi…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.