Il y a des voix qui ne s'éteignent jamais. Elles traversent le temps, chargées d'émotion, de fierté et de souvenirs. Celle de Youcef Abdjaoui appartient à cette lignée rare : une voix née des montagnes d'Akfadou, empreinte de mélancolie et d'espérance, qui a su porter la chanson Kabylee bien au-delà des frontières. Né le 16 décembre 1932 à Aït Allouane, dans la commune d'Akfadou (Kabylie), Youcef Abdjaoui, de son vrai nom Mohand-Arezki Aliouche, fait partie de ces artistes qui ont marqué durablement la mémoire musicale algérienne. Chanteur, compositeur et musicien d'expression kabyle, il a su, au fil des décennies, transformer son art en un véritable langage de résistance, de tendresse et d'humanité. C'est très jeune qu'il découvre sa passion pour la musique. Repéré par Cheikh Sadek Abdjaoui, il fait ses premiers pas sur les ondes de Radio Soummam, l'une des premières stations régionales qui diffusait déjà dès 1947. Cette première expérience lui ouvre la voie : dix ans plus tard, en 1958, il enregistre à Alger son premier disque, un recueil de chansons inspirées du quotidien, des amours contrariées et des épreuves de la vie. Ce succès l'amène à rejoindre l'orchestre d'Amraoui Missoum, où il s'impose non seulement comme chanteur, mais aussi comme instrumentiste accompli, maîtrisant la mandole et la guitare sèche. Lorsque éclate la Guerre de libération nationale, Youcef Abdjaoui choisit son camp : celui de la parole et de la musique au service de la liberté. Il rejoint la troupe du chanteur engagé Farid Ali, avec laquelle il se produit à travers l'Europe pour soutenir la cause algérienne. Il aimait répéter avec conviction: « Les uns font la guerre avec des fusils, moi je la fais avec ma guitare » Après l'indépendance, il retourne en Algérie et prend la direction d'un orchestre de variétés kabyles à la Radio nationale, sur la Chaîne II, où il restera jusqu'en 1969. Fidèle à ses racines, il s'attache à faire rayonner la culture de ses ancêtres à travers des compositions alliant poésie, émotion et conscience sociale. À la fin des années 1960, il repart s'installer en France, où il poursuit sa carrière artistique tout en gardant un lien fort avec son public algérien. En près de trois décennies de création, Youcef Abdjaoui chante tour à tour l'amour perdu, la jeunesse, l'espoir, mais aussi la dignité, la patrie et les blessures de la vie. Ses chansons, empreintes de sincérité, sont autant de fragments de son parcours personnel et de celui de tout un peuple. Miné par la maladie, Youcef Abdjaoui s'éteint le 24 octobre 1996 à Paris, laissant derrière lui une œuvre sincère et vibrante. Ses mélodies continuent de résonner comme le témoignage d'un homme pour qui la musique fut à la fois refuge, arme et héritage.