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Quand l'histoire...
Sidi Aïch. un livre, des lycéens et L'émotion en direct
Publié dans El Watan le 18 - 11 - 2017

Moment sublime. «Ce que vous me faites vivre aujourd'hui, je ne l'oublierai jamais. Je partirai avec dans ma tombe…».
C'est par ces mots que s'exprime le vénérable Rachid Benzema, debout, la gorge nouée, les bras ouverts comme s'il voulait par ce geste prendre dans ses bras tous les élèves du lycée Taous Amrouche de Sidi Aïch qui l'ont invité en cette veille du 1er novembre à venir présenter son livre, Mémoire Vive. Le long parcours d'un enfant de la Soummam pour la liberté et la
dignité.
Dès le seuil de l'amphithéâtre, une salve d'applaudissements a retenti, interminable. Rachid Benzema ne s'y attendait pas. Emu, il faillit vaciller. Le personnage central d'une histoire que les lycéennes et lycéens avaient lu, étudié et aimé, était incarné, là devant eux ! A 85 ans, il était accueilli comme un héros dans ce lycée, lui qui, modestement, humblement, avait raconté son histoire dans ce livre.
«Rien d'héroïque» a-t-il toujours martelé, pas de grandes batailles dans lesquelles à lui seul il aurait abattu un régiment de l'armée coloniale. Non, juste l'histoire d'un enfant de la Soummam qui a grandi dans une Kabylie «hurlant de misère» dans les années 1940. L'histoire d'un petit orphelin marqué à vie par la mort de sa mère, son héroïne.
L'histoire d'un enfant qui, seul, arpentera les chemins de la vallée de la Soummam fuyant ceux qui ont fait du mal à son héroïne ; qui survivra auprès de compagnons de rue, les Yaouleds de la grande ville d'Alger ; qui ira de ferme en ferme à la recherche de petits boulots, pires travaux forcés pour un enfant de son âge mais aussi pour tous les autres compatriotes, ouvriers agricoles chez le colon. Adolescent, il connaîtra aussi ses premiers émois amoureux puis réalisera que son histoire, faite de privations, d'injustices, de brimades, était aussi celle de son peuple.
Adolescent, il embarque un jour dans la cale d'un bateau remplie d'hommes allant vendre leur force de travail outre-mer. Il atterrit à Saint-Etienne, travaille à l'usine, s'esquinte les poumons à force d'inhaler des poussières d'acier et s'engage dans le FLN pour la libération du pays. S'en suivent les arrestations, la torture, les camps qui ne feront que le renforcer dans son combat pour l'indépendance du pays.
Ce récit, les élèves du lycée Taous Amrouche le connaissaient dans ses moindres détails. Ils ont tous lu le livre. Ils l'avaient tous entre les mains parce que leur admirable enseignante, Zahia Chelbi, qui était tombée par hasard sur ce livre en avait été bouleversée et avait décidé de partager son émotion avec ses élèves. Mais pas seulement. Elle en a fait un outil pédagogique et une leçon sur la grande histoire de la Libération nationale dans la vallée de la Soummam.
Elle ne faisait d'ailleurs que se conformer aux programmes d'enseignement. Le proviseur du lycée, Faouzi Lassouani, comprend l'intérêt d'une rencontre des élèves avec l'auteur. C'est ainsi que le lundi 30 octobre, celui-ci arrive dans un lycée qui l'attend, le connaît et va honorer le militant et l'homme sincère qui a écrit sa guerre de Libération nationale avec des mots qu'ils ont compris, affirment les lycéens.
De mémoire «d'enfants de la guerre» que nous sommes, jamais une commémoration du 1er Novembre ne nous a autant donné de raisons d'espérer. Les élèves posaient des questions à celui qu'ils appelaient Da Rachid : des questions sur ses amours, ses souffrances, sa mère, la guerre, l'indépendance. Les questions fusaient, précises, multiples. Ils étaient curieux, avides d'en savoir plus comme s'ils découvraient d'où ils venaient, à quelle histoire ils appartenaient. Benzema répondait à toutes les questions que posaient ceux qu'il appelait «mes enfants», rougissait parfois, souriait, s'étranglait la voix à des moments.
L'énergie qui se dégageait de cet amphithéâtre plein à craquer lui a fait dire : «Mes enfants, je vous le dis du fond du cœur, malgré mes 85 ans aujourd'hui, j'ai le sentiment de naître une seconde fois...»
Quand au bout de plus de trois heures de débat, de lecture d'extraits, de brouhaha parfois, de silence aussi, de larmes et de fortes ovations, de «selfies» et de dédicaces, nous avons rejoint la cour du lycée, le livre était encore là : tous les murs de cette grande cour était recouvert de petites affiches dans lesquelles étaient consignés, avec une écriture très appliquée, des extraits choisis de Mémoire Vive…
Un travail précieux ! Durant plus d'une heure, Da Rachid a lu chaque extrait (à haute voix parfois) comme s'il les découvrait pour la première fois… La «transmission», ce mot si galvaudé a pris tout son sens ce jour-là au lycée Taous Amrouche de Sidi Aïch. Et si, justement, la transmission passait par la lecture, le travail collectif, la rencontre et beaucoup d'amour ? C'est cela que nous avons appris dans cet établissement vivant où les valeurs de l'histoire et les bienfaits de la lecture sont honorés.
Da Rachid est revenu sur Alger avec, sous le bras, un grand album offert par le lycée dans lequel chacun de ses membres (lycéens, enseignants, administratifs et même le proviseur) avait consigné son ressenti sur le livre. Fortement ému, le vieux combattant les remercia ainsi : «Ce cadeau que vous me faites, je le garderai précieusement et je le laisserai en héritage à mes enfants et petits-enfants qui en prendront soin pour toujours.» En conclusion de son livre, Da Rachid a écrit : «Quels que soient les sacrifices consentis par les hommes et les femmes de ma génération, l'avenir appartient aux jeunes.
C'est à eux que mon récit est dédié...» Il y affirmait aussi : «… et si enfin, ma génération ouvrait la porte de la liberté et cessait de douter des capacités de notre jeunesse à prendre sa destinée en main ! Nous n'avions pas vingt ans, quand, nous, nous avons pris les armes pour libérer le pays…» Ce 30 octobre 2017, au lycée Taous Amrouche de Sidi Aïch, Rachid Benzema a rencontré cette belle jeunesse dont il n'a jamais douté et à laquelle il continue de croire avec une belle ardeur.
La journée n'en était pas pour autant finie. Elle devait se prolonger au village d'El Flaye.
Il fallait grimper le flanc de la montagne à l'ouest de la Soummam pour arriver dans ce lieu modeste, chaleureux ou le livre s'évertue à avoir sa place. L'association El Flaye Savoir et Patrimoine, une équipe d'hommes et de femmes, dont l'infatigable Zahia Chelbi, passionaria du livre, y privilégie la lecture en tentant contre vents et marées d'enrichir le fonds de la bibliothèque par des achats ou des dons d'individus ou d'associations et de renforcer la culture livresque des habitants du village et notamment des enfants et des jeunes.
La soirée se prolongea très tard. L'irréductible enfant de la Soummam, Da Rachid, se sentant chez lui, au milieu des siens, était intarissable. Les larmes discrètes sur ces visages adultes disaient à elles seules l'intensité du moment… Cette journée a révélé le besoin immense pour les jeunes et moins jeunes, de connaître l'histoire, d'en débattre, d'échanger loin de tout pathos et surtout de tout recours à la langue de bois. Besoin d'en savoir plus sur les hommes et les femmes qui ont libéré le pays. Besoin irrépressible de «savoir pour mieux construire et se construire…»

Mémoire Vive ; le long parcours d'un enfant de la Soummam pour la liberté et la dignité. Editions Dar El Othmania, Alger, 2014.


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