La présence des citoyens aux meetings de campagne électorale organisés par les formations politiques et les sondages d'opinion offrent dans les Etats démocratiques les outils d'analyse prospective sur les tendances lourdes d'une consultation électorale, sur la participation et les chances de succès des forces engagées dans la compétition électorale. Chez nous, le remplissage factice des salles par des préposés à l'applaudimètre ne dupe plus personne. Les échos de ces pseudo-militants du jour rapportés par les médias ne sachant ni pourquoi ni pour qui ils sont présents à des meetings de partis se présentant comme de grosses cylindrées sont tout bonnement affligeants et renvoient une image détestable de l'exercice politique en Algérie ! Comment dès lors parier dans ces conditions sur une forte participation électorale au prochain scrutin comme le font, sans trop y croire, les partis du pouvoir et leurs relais médiatiques. Même les institutions sont appelées à la rescousse pour prêcher le devoir électoral, comme l'a fait solennellement le Sénat. Le discrédit de l'acte de voter, qui se nourrit des rendez-vous électoraux ratés successifs entachés de fraude, a poussé les Algériens, toujours plus nombreux, à bouder les urnes. Mais l'élément repoussoir le plus implacable de la démobilisation de l'électorat réside incontestablement dans la gestion chaotique des communes qui nourrit chez le citoyen le sentiment de plus en plus largement partagé qu'il n'y a rien à attendre d'un scrutin joué d'avance et de candidats qui ne pensent qu'à se remplir les poches. Le contexte de crise et de désespérance, dans lequel est installé durablement le pays, offre un terreau fertile pour l'élargissement des rangs des partisans du boycott. La participation électorale ou le boycott est un acte politique majeur. Ce n'est pas seulement une affaire technique de sensibilisation, de pédagogie et de mobilisation de l'électorat conditionnée par l'organisation d'une bruyante campagne électorale. La légitimité des institutions, de la base au sommet, qui fonde un Etat démocratique, est le seul gage à même de créer cette culture de la citoyenneté et de la démocratie participative qui passe par la voie des urnes libres et libérées. Le taux particulièrement élevé de l'abstention enregistré lors du dernier scrutin des législatives a faussé tous les calculs, mis à nu les combines électorales du pouvoir et fait voler en éclats le mythe entretenu à coups de bourrage et de trituration des chiffres sur l'adhésion supposée de la population au processus électoral présentée comme une légitimation démocratique au pouvoir en place. Contrairement aux précédents votes marqués par des appels au boycott d'une partie de la classe politique et de la société civile, pour le prochain scrutin des locales, seul l'ancien parti dissous, pariant certainement sur une large désertion des bureaux de vote, a appelé les citoyens à ne pas se rendre aux urnes dans un souci évident de récupérer politiquement la symbolique de l'abstention. «Votez pour qui vous voulez, mais allez voter massivement» : cet appel (d'air) du secrétaire général du FLN, le Dr Ould Abbès qui s'est fait violence sur une chaîne de télévision privée en s'élevant au-dessus des égoïsmes partisans, résume toute l'inquiétude du pouvoir quant à la question insondable de la participation électorale au prochain scrutin.