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Sur les traces des hadjis, entre Djeddah, La Mecque et Arafat
Voyage initiatique aux lieux-saints de l'islam
Publié dans El Watan le 17 - 01 - 2007

Quand allons-nous sortir d'ici ? » Amar, un nouveau venu à La Mecque, s'impatiente dans le hall de l'aéroport de Djeddah où sont parqués depuis quelques heures déjà quelques milliers de personnes en ce 25 décembre 2006.
Il regrette presque d'être là, tellement l'attente devient harassante. Pour cause, cela fait déjà deux heures et demie depuis que l'avion de la Lufthansa l'a déposé ici à Madinate El Hadjadj (c'est comme cela qu'on a baptisé l'aéroport réservé aux pèlerins), mais les formalités de débarquement n'en finissent pas. Une première mauvaise surprise pour Amar et ces milliers de fidèles qui en appellera d'autres. Les préposés saoudiens aux guichets, eux, ne perdent pas leur sang-froid. Rodés à ce travail, ils ne sont nullement impressionnés par les foules. L'exercice s'apparente à un simple jeu d'enfants. Pour les futurs hadjis, c'est plutôt la première épreuve – physique et bureaucratique – d'un pèlerinage dont ils découvrent les aléas et les tracas. A commencer par la confiscation des passeports par les autorités aéroportuaires saoudiennes pour le contrôle. Les hadjis doivent maintenant attendre jusqu'à 4 heures pour pouvoir récupérer le précieux document. Déjà fortement éreintés par le voyage, ils doivent encore patienter sous des tentes glaciales avec comme seuls habits les deux foulards blancs avec lesquels ils se couvrent le corps comme le veulent la tradition et les recommandation du hadj. 23h30. La récupération des passeports est vécue comme une délivrance. Mais à quel prix ! Les novices découvrent qu'ils doivent s'acquitter de la rondelette somme de 1020 rials, l'équivalent de 240 euros, représentant les frais des « prestations » offertes aux hadjis. L'accueil est donc cuisant pour beaucoup de pèlerins dont le moral en prend un sacré coup. « Déjà qu'ils nous ont déplumés ici à l'aéroport, on se demande de quoi sera fait demain… », fit un Algérien visiblement irrité par ce sacrifice financier inattendu. Mais contre mauvaise fortune il fait bon cœur, pour ne pas oublier ce pourquoi il est là. Le cauchemar de nos vieux pèlerins continuera jusqu'à 3h, quand enfin un bus, devant les acheminer à La Mecque, est mis à leur disposition. Terriblement fatigués, ils sont pratiquement tous tombés dans les bras de Morphée durant les 80 km séparant Djeddah de Makkah. Deuxième mauvaise surprise, les pèlerins devront voir leurs passeports confisqués, pour de vrai cette fois-ci, du moins jusqu'à la fin du pèlerinage. A la place, ils ont eu droit à des cartes de hadj et des colliers où sont portées les coordonnées des intermédiaires (moutawafin) censés guider leurs pas du début jusqu'à la fin. Si les pèlerins titulaires d'un passeport hadj ont la chance d'être conduits jusqu'à leurs hôtels de résidence par bus (les Algériens à eux seuls occupent 75 hôtels…), les hadjis dits « libres » ne doivent compter que sur leurs propres moyens. Ceci est valable pour l'hébergement et le transport. Comme la majorité des établissements est déjà réquisitionnée, il est difficile de trouver une chambre où « ranger ses os » à 10 km de Makkah. Bien qu'elle dispose d'un parc hôtelier dense (environ 2000 structures), la ville sainte a du mal à héberger ces bataillons ininterrompus de pèlerins qui viennent des quatre coins du monde. Certains Algériens ne se sont pas posé trop de questions en allant poser leurs bagages dans l'esplanade même de la sainte mosquée (Masdjid Al Haram). « Après tout, je suis venu accomplir le hadj et non pas pour habiter dans un 5 étoiles… c'est aussi cela l'épreuve ! » Kamel, un jeune de 29 ans, originaire de Khemis El Khechna, prend la chose avec beaucoup d'amusement. Après avoir déposé sa valise au siège de la mission algérienne (El Biâatha), il se dirige tout droit vers le Haram pour accomplir « Tawaf Al Qoudoum » (le tour de la Kâaba).
Sept tours et marée blanche
Ici, les « clandos » sont légion. Les cabas et les valises accrochés sur les barreaux des portails du Haram, des centaines de hadjis issus de différentes nationalités, avec femmes et bagages et souvent en famille, élisent « domicile » devant la maison de Dieu. Bien que les autorités saoudiennes aient expressément interdit aux hadjis de dormir dans et autour de l'enceinte du Haram, ces derniers bravent allégrement le rigorisme de la police de Sa Majesté et s'installent là, H 24, 7 jours sur 7, au nez et à la barbe des serviteurs de « Khadim Al Haramayn » (Serviteurs des deux Lieux-Saints (La Mecque et Médine). A la veille du stationnement au mont Arafat, les pèlerins se bousculent près de la Kaâba pour accomplir le « Tawaf » et le « Sa'iy » pour être à jour. L'esplanade de la Kaâba ne désemplit pas. Des dizaines, voire des centaines de milliers jouent des coudes pour faire les sept tours de la Kaâba. L'impressionnante foule se meut péniblement. C'est à peine si on pouvait faire un pas. Femmes, hommes, vieillards et même des enfants se mêlent et se bousculent incroyablement dans un espace aussi réduit. Tout le monde arborant la même tenue (Libass Al Ihram), le spectacle de cette marée… blanche est saisissant, vu de loin. A l'heure du zénith, les nerfs lâchent. Certains s'oublient en se surprenant à proférer des jurons contre untel qui les a bousculés ou déséquilibrés. Nous avions même assisté à de vraies prises de bec où des hadjis en sont arrivés aux mains en plein Tawaf. Les bousculades éclatent, notamment à l'approche du « Hadjar Al Assouad » (La pierre noire) que le pèlerin doit embrasser. Craignant de ne pas accomplir ce rite, certains font carrément étalage de leurs biceps pour arriver à leurs fins. Bien qu'une fetwa autorise le hadji à saluer la pierre de loin, les pèlerins n'en ont visiblement le cœur net que lorsque ils auront fourré leur tête dans le trou…Les Afghans et les Pakistanais, qui sont très nombreux ici, se livrent même à une espèce de monopolisation du Hadjar, en restant là, collés à la pierre jusqu'à ce qu'ils aient fait défiler les leurs ! Les vieux non accompagnés, mais surtout pas forts pour s'y approcher, se contentent d'un salut de la main, de loin. Pis encore, certains se livrent à des pratiques à la limite du paganisme, à l'image de ceux qui s'agglutinent sur les murs de la Kâaba en y collant leurs joues et pleurant à chaudes larmes. D'autres s'accrochent même au tissu noir soyeux qui recouvre la Kaâba, pourtant suspendu à une telle hauteur qu'il n'est pas à la portée des mains. Mais le délire pousse les gens à sauter pour le tirer vers le bas, afin d'obtenir davantage de rédemption, croient-ils. Cette minorité de bigots, qui se recrutent parmi les Pakistanais, les Turcs et même des Egyptiens, se montre insensible aux incessants « Haram a Hadj ! Haram a Hadj ! », lancés par la foule qui suit avec dégoût ces comportements qu'elle assimile volontiers a des « koufriate » (des actes hérétiques). Cette frénésie, qui fait perdre leur sang-froid à des milliers de pèlerins, se vérifie également devant la porte de la Kaâba (Al Moultazam) et « Erokn Al Yamani ». Les mêmes bousculades et les mêmes scènes de délire frisant la schizophrénie sont observées à chaque Tawaf. Le self-control et la spiritualité cèdent quasi fatalement la place à des affrontements verbaux et, parfois, on en arrive même aux mains.
Al Kaâba Acharifa : la Qibla de tous les hadjis
Pourtant, les autorités saoudiennes ont distribué à tous les pèlerins un petit livret où sont consignées toutes les règles de bonne conduite et les excès à éviter pour ne pas entamer la sacralité du hadj. Rien n'y fait. Beaucoup appréhendent l'accomplissement « physique » des « Manassik » (rites) comme une espèce d'exploits personnels au détriment de l'objectif spirituel recherché. Il est d'ailleurs loisible d'observer une vieille femme se faire rageusement rudoyer par un homme moins âgé qui l'efface brutalement de son passage. La rahma, ici, n'a pas forcément droit de cité et ce ne sont pas les appels au calme et au respect des lieux lancés à pleins décibels par les haut-parleurs de la sainte mosquée qui dissuaderont cette faune de forcenés qui foncent comme des bulldozers dans la foule. L'image de ces vieux hadjis, haletant de fatigue et le visage suintant de sueur, à la sortie de la Kaâba, renseigne fidèlement sur la terrible épreuve qu'ils viennent de subir. Essoufflés, ils doivent se diriger illico presto vers « Assafa Wal Marwa » pour y accomplir le « Sa'iy ». Ce rite consiste à faire environ 430 m, sept fois en aller-retour, suivant la sunna de Lalla Hadjer, la femme d'Ibrahim Al Khalil, qui faisait le même va-et-vient entre les monts Assafa et Al Marwa dans l'espoir de trouver une âme qui pourrait l'aider à nourrir ou étancher sa soif et celle de son fils Ismaïl. Dans ce long couloir rectiligne, où un espace est aménagé aux handicapés, les pèlerins respirent la quiétude. Point de bousculades, si ce n'est la longueur de la distance à parcourir. N'empêche que certains rusés trouvent un malin plaisir à squatter le couloir des handicapés pour « liquider » l'épreuve en moins de temps, quitte à sacrifier la discipline et l'élévation spirituelle recommandées en pareille circonstance. D'autres encore préfèrent s'allonger dans ces couloirs une fois le rite accompli, créant ainsi un immense bouchon, au grand dam des arrivants qui ont du mal à bouger tant l'espace est bouffé par les « dormeurs ». Les deux rites accomplis, le hadji termine la première manche de son pèlerinage par une partie de plaisir en allant chez le… coiffeur. Tous des Pakistanais, les coiffeurs « cueillent » leurs clients juste au sortir du Haram. De loin, ils vous font des signes de la main. A 5 rials la coupe et 10 rials la « boule à zéro », les coiffeurs amassent sans doute des fortunes durant la saison du hadj. Quand on sait que cette année le nombre de pèlerins dépasse les 4 millions, il est aisé d'estimer les recettes mirobolantes qu'engrangent ces prestataires d'un service dont le hadji ne peut se passer, sous peine de voir son pèlerinage frappé de nullité. Il faut préciser que ces différents rites du Hadj, avec leurs bousculades et leurs foules, se déroulent H 24 et sept jours sur sept, au même temps que les cinq prières quotidiennes que tous les pèlerins accomplissent évidemment dans la sainte mosquée. Sachant qu'une seule prière dans l'enceinte du Haram équivaut à 100 000 prières, aucun hadji ne veut, pour rien au monde, rater ne serait-ce qu'une seule pour quelque motif que ce soit. L'on assiste ainsi à une incroyable foule de 4 millions de personnes qui affluent 5 fois par jour vers la sainte mosquée des quatre coins de La Mecque où sont hébergées les différentes délégations. Tous vêtus de qamis et de gandouras blancs, ces hadjis, dans d'impressionnantes processions et au pas cadencé, s'élancent dans une discipline presque militaire vers le Haram. C'est un spectacle absolument sans pareil. Durant les heures de prière, Makkah tout entière s'immobilise comme dans un moment de solennité. De spiritualité. C'est d'ailleurs le seul moment où cette petite ville sainte respire un peu le calme pour replonger quelques minutes après dans le brouhaha ambiant.
Hedja Wa Ferdja !
Le spectacle se reproduit juste après, sur le chemin de retour vers les hôtels. C'est comme cela que sont rythmées les journées, ici à Makkah, où les commerces ne ferment presque jamais, à l'exception des heures de prière. Pendant ce temps, le Tawaf autour de la Kaâba continue et les bousculades avec. Certains habitués des lieux ont trouvé une belle parade pour éviter de se mêler à la foule en allant effectuer le Tawaf sur la terrasse du Haram surplombant la Kaâba. « Je me permets même de faire de petites foulées tellement il n'y a pas beaucoup de monde en haut », confie Rachid, un cadre retraité du ministère des Transports, heureux d'avoir trouvé l'astuce qui lui a permis d'accomplir les rites sans encombres. Eh oui, en plus du fait que la terrasse est pratiquement déserte, elle offre une vue imprenable sur tout le Haram, notamment la Kaâba. Cette catégorie de pèlerins, qui ne peut se mêler à la foule pour une raison ou une autre, fait agréablement sienne l'adage bien de chez nous : « Hedja wa ferdja ! ». Les hadjis, les novices surtout, ne sont pas pour autant au bout de leurs peines. Le stationnement au mont Arafat et le déplacement vers Muzdalifah et Mina en montagne, avec les conditions d'hébergement tout juste supportables, sont très redoutés. 30 décembre. Une gigantesque file de… 45 000 autocars s'élance dès l'aube vers Arafat. Pare-chocs contre pare-chocs, cette chaîne de bus mettra plusieurs heures pour couvrir les 8 km environ qui séparent Makkah de Arafat. Aussitôt les bagages déposés dans les campements réservés à chaque pays, les pèlerins escaladent en masse, de nuit, la petite colline au sommet de laquelle est érigée la stèle du mont Arafat. Là aussi, les pratiques païennes refont surface. Des centaines de hadjis s'agrippent autour de ce symbole peint en blanc et s'épanchent de « daâwate » à pleins poumons et se mettent à y… graver leurs noms au feutre noir. Ceux qui n'ont pu s'y approcher s'acharnent sur les rochers de cette montagne en y inscrivant également leurs noms. Pendant ce temps, le mitraillage des flashes bat son plein pour immortaliser ces moments d'intenses émotions. Les caméscopes et autres gadgets ont été évidemment mis à contribution, donnant ainsi une dimension moderne à un rite datant de plus de 14 siècles…
Arafat, ou le mont de piété
Beaucoup de pèlerins, comme dans une sorte de transe, ont préféré passer la nuit sur la colline, bravant le terrible froid. Vu d'en bas, le mont Arafat paraissait comme s'il était recouvert d'une couche de neige, tellement la foule de hadjis vêtue de blanc a pris d'assaut le moindre centimètre carré. Le même décor est observé le lendemain alors que le soleil tapait vraiment fort. A l'heure de la prière du vendredi, la ferveur des hadjis a redoublé quand ils apprennent que la coïncidence du stationnement de Arafat avec la prière du vendredi, qui ne survient « qu'une fois par dix ou quinze ans », équivaut à 70 hedja (pèlerinage) pour tous ceux qui ont la chance de s'y trouver. Le sermon a d'ailleurs tourné essentiellement autour de ce thème et les fidèles sont invités à multiplier les prières et les implorations puisque le bon Dieu exauce volontiers les vœux de ceux qui le sollicitent en ce jour béni. 17h tapantes. L'émotion et la ferveur religieuse atteignent leur comble. Tout le monde se met dans la peau d'un faible qui s'agenouille devant Dieu pour demander pardon. Dans chaque coin de rue, sur la colline ou dans les tentes, les hadjis se répandent en invocations. Cette atmosphère de piété faite de récitation du saint Coran et d'imploration de la volonté divine vous donne cette impression de vivre le jour du jugement dernier… Au coucher du soleil, les quatre millions de hadjis se ruèrent vers Muzdalifah pour y accomplir les deux prières du Maghreb et d'El Icha en même temps. Commence alors la très longue marche de près de 12 km que les 45 000 bus parcourront au bout de… 17 heures. Un bouchon surréaliste se forme tout le long du trajet. Au moins deux millions de personnes ont préféré y aller à pied. « On dirait que c'est le jour du Hachr » (jour du jugement), commente notre confrère d'El Khabar, visiblement impressionné par cette innombrable foule blanche qui s'étend à perte de vue en ce début de soirée. Glacées de froid au milieu de ce nulle part et terriblement fatiguées, les foules avancent péniblement. Dans le noir de la nuit, beaucoup de vieux ont perdu leurs vieilles… Arrivés à Muzdalifah, tout le monde est exténué. On accomplit les deux prières et on s'en va aussitôt ramasser les sept pierres pour lapider Satan le lendemain, comme le veut la Sunna. Muzdalifah, où les hadjis doivent obligatoirement passer la première partie de la nuit avant de gagner Mina, s'est transformé en un immense bivouac à ciel ouvert. Certains intrépides ont même pris d'assaut la montagne pour s'y réfugier. Des images qui rappellent l'épopée du Prophète (QSSL), telle que décrite par Mostapha Al Aqad dans son chef d'œuvre Errissala (Le Message). Des Algériens ont évité intelligemment cette grande marche et ses aléas en sollicitant les services de propriétaires de 4x4 qui, moyennant 20 rials, vous déposent 5 minutes après à Muzdalifah. Incontestablement, l'épreuve de la marche entre Arafat et Muzdalifah est la plus terrible pour tous les pèlerins qui en garderont les séquelles pour tout le reste du hadj. Le « bilan » est, en effet, terrifiant avec des millions de grippés et des dizaines de milliers d'égarés (etta'ihin) et des dizaines de morts. Les missions ne pouvaient rien faire pour canaliser leurs ressortissants devant toute cette oumma de fidèles de tous les pays du monde qui se confondent et se mélangent dans un joyeux vacarme. Mais, ici, il n'y a pas que de la joie. Des milliers d'hommes ont pleuré à chaudes larmes d'avoir égaré leurs femmes et vice-versa. Un simple répit, et hop ! On ne voit aucune trace du conjoint, de l'ami ou simplement de l'accompagnateur. Imaginer donc le sort d'un vieux de 90 ans, analphabète, qui se retrouve subitement seul au milieu d'une marée blanche de 2 millions de personnes !
Faut-il renvoyer la Biâatha… ?
Des cas comme celui-là se comptent par milliers. Certains n'y ont malheureusement pas pu surmonter l'épreuve. Ils seront enterrés le lendemain à Mina. D'autres arrivent 24 heures plus tard et dans quel état ! Ayant fait des milliers de kilomètres pour venir ici chercher une place au Paradis, des dizaines de vieux vivront l'enfer entre Muzdalifah et Mina. Et le cauchemar n'est pas terminé pour eux, puisqu'ils ne trouveront pas forcément une place dans une tente, bien qu'ils soient légalement catalogués dans les listes de la Biâatha nationale. Et pour cause, beaucoup de clandestins ont squatté les campements réservés à l'Algérie, sans que les responsables de la mission puissent faire quoi que ce soit. Les hadjis algériens, qui ont fait confiance à des agences privées algériennes et étrangères, sont abandonnés en rase… montagne. A l'exception de quelques agences, à l'image de Nadjah et Numidia, qui ont rempli convenablement leurs contrats avec les pèlerins en étant aux petits soins avec eux, le reste a brillé par une non-assistance à vieux en danger. Autre anomalie, les pèlerins éprouvent toutes les peines du monde à repérer les campements de l'Algérie au milieu d'un millier d'autres. Alors que les autres pays, arabes notamment, ont soigneusement décoré les leurs à coups de ballons à leurs couleurs nationales lancés dans le ciel pour guider les pas des pèlerins et autres immenses emblèmes nationaux drapant toutes les façades des campements, les Algériens sont réduits à chercher vainement, au beau milieu de la nuit, pour localiser les camps n°69, 70, 71, 72, 73, 74 et 75 réservés à l'Algérie. Seuls de petits fanions, accrochés presque timidement sur le fronton de la Biâatha, indiquent que vous êtes bien dans le camp algérien. Au bout de ce « chemin de croix », les hadjis qui ne tiennent plus debout espéraient avoir trouvé enfin un lieu où « ranger leurs os ». Mais c'était compter sans la désorganisation totale des lieux et l'ingénuité des clandos – généralement des jeunes – qui ont pris illégalement possession des lieux. Les représentants de la mission, censés mettre de l'ordre dans la maison, hésitent à montrer leur nez ici. Reconnaissables à leurs gilets bleus portant l'inscription « Mission algérienne de pèlerinage », les organisateurs sont étrangement absents… Et quand un vieux se pointe à la tente où il est normalement affecté, il est surpris de constater qu'il n'y a aucune place, alors qu'il est déjà crevé de fatigue. Beaucoup parmi eux perdent à ce moment-là leur sang-froid et maudissent rageusement la « Biâatha » qui les a laissé tomber. Des centaines d'Algériens – des vieux en majorité – végètent pendant deux jours dans la rue, sans trouver place dans les tentes. Le ventre creux et n'ayant pas dormi depuis deux jours, certains n'ont même pas effectué le rite de la lapidation (Djamarate), tellement ils étaient fatigués d'errer dans la rue. Ils ont bien sûr raté leur hadj à cause de la « Biâatha » qui ne les a pas pris en charge. « Voyez-vous, j'ai payé 50 millions pour moi et ma femme et je n'ai même pas eu de tente ! » Ce vieil homme a du mal à décolérer contre la mission. Comme lui, ils sont nombreux à avoir raté leur hadj faute d'avoir pu lapider Satan à temps, pendant qu'ils étaient en quête d'une place aussi minime soit-elle. Beaucoup d'autres ont fait face à l'adversité d'avoir oublié l'un des piliers du hadj (Djamarate) et, plus grave encore, d'avoir perdu leurs femmes. Tout au long des trois jours passés à Mina, nous avons été témoins des scènes insupportables de ces vieux et ces vieilles qui pleurent à longueur de journée pour la perte d'un proche. Au total, ce sont 14 pèlerins algériens dont le cœur a craqué en trois jours, terrassés par des crises cardiaques. A Mina, tout le monde a pu constater que la « Biâatha » « La Hawla Wala Qouata Laha ». Ce vieux en guenilles, aux lunettes cassées, rencontré de bonheur devant le siège de la mission à Makkah, résume assez fidèlement l'épisode dramatique vécu par plusieurs hadjis algériens. « Dites-moi mon fils, à qui me plaindre. J'ai payé 56 millions, je n'ai pas bénéficié d'une place dans la tente, on m'a volé mon portefeuille et le plus terrible pour moi c'est d'avoir perdu ma femme… ! Comment pourrai-je repartir en Algérie sans ma femme ? Je veux ma femme ! Je veux ma femme ! », s'écrie ce malheureux dont la tenue blanche d'Al Ihram est devenue marron à force de dormir dehors. Ses pieds et ses mains sont parsemés d'ecchymoses et de bleus par le fait des chutes et des bousculades. C'est pour lui, sans doute, la plus terrible mésaventure qu'il a vécue. Lui qui était venu chercher la joie et la bénédiction, comme de nombreux hadjis, regrette presque d'être là si ce n'est qu'il était sur les traces du Prophète (QSSSL). Et quand on y met les pieds une première fois, on y revient presque immanquablement. Cette idée reçue prend ici l'allure d'une vérité presque absolue. Mais en attendant, les hadjis effectuent le rite de la lapidation une deuxième, puis une troisième fois avant de faire le chemin inverse vers Makkah pour le « Tawaf Al Ifadha ». Ils pourront maintenant ôter leurs tenues blanches et faire l'ultime tour de la Kaâba (Tawaf Al Waddaâ) avant de rejoindre l'aéroport pour certains et Médine pour d'autres.


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