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En bon citoyen du monde, Tarik Chekchak au chevet des pôles
L'année polaire internationale 2007-2008 s'est ouverte le 1er mars à Paris (France)
Publié dans El Watan le 04 - 03 - 2007

Tarik ! Un Algérien, ou plutôt un Franco-Algérien travaillant en Arctique et en Antarctique, c'est quand même singulier ?
Ecoutez, je suis très fier de mes racines, mais je me considère, de manière très forte, comme un véritable citoyen du monde. J'ai eu la chance de naître entre deux cultures. J'ai grandi en Algérie, jusqu'à mon bac. Je suis parti pour continuer mes études et je considère que je suis un privilégié à ce niveau-là. J'ai toujours eu une passion qui était celle de la mer, de l'environnement. Et très naturellement, j'ai trouvé tout ce que je cherchais, aussi, dans les milieux polaires. Je considère qu'en tant qu'Algérien, je suis aussi un peu l'exemple. Ce ne sont pas des milieux accessibles uniquement à une certaine catégorie d'habitants de la Terre qui seraient juste Occidentaux, comme cela a été longtemps le cas. Moi, j'aimerais bien être une tête de pont quelque part. Pas uniquement pour les Algériens, même si je suis très fier d'être un représentant de l'Algérie indirectement, mais simplement comme citoyen de la Terre qui s'approprie un espace appartenant, finalement, à la terre entière, et pas simplement à certains pays. Alors, être fier de ses racines, savoir où sont ses racines, mais avoir, comme un arbre, les branches bien épanouies au soleil, ouvertes au vent et à la différence. Moi, j'aimerais être dans cet esprit-là. Un passager avec aucun drapeau, qui va rencontrer des gens, témoigner, faire vivre des passions, allumer quelques passions chez d'autres. On m'a transmis un flambeau, j'ai eu des passions qui se sont éveillées en moi, grâce à Cousteau, d'ailleurs je travaille avec la Fondation Cousteau. Grâce, également, à quelques rencontres dans ma vie. Et si je pouvais, moi aussi, éveiller à travers mes expériences polaires quelque désir d'en savoir plus ou de découvrir plus chez des jeunes et des moins jeunes, eh bien, je serais amplement récompensé !
Comment a commencé votre lien avec les pôles Nord et Sud ?
La première fois que j'ai découvert le milieu arctique, c'était en 1989, juste après mon bac. J'étais monté en stop jusqu'au cap Nord, au fin fond de la Norvège, et j'étais complètement ébloui, déjà, par la toundra, les fjords… Et en faisant du stop, j'ai rencontré des gens formidables, les premiers habitants des régions polaires, les Lapons qui ont été très accueillants avec moi. Cette découverte des grands espaces m'a rappelé ce que j'avais découvert dans le désert du Sahara : l'humilité des gens, une dimension presque mystique d'approcher le territoire, très proche de ce que j'avais découvert dans le Sahara. Ce fut mon premier contact avec les milieux polaires et, depuis, le virus ne m'a jamais lâché.
Au point d'organiser, régulièrement, à bord d'un grand bateau, le Grigory Mikheev, des expéditions à destination de l'Arctique, surtout, et de l'Antarctique pour des écotouristes auxquels vous faites découvrir ces immenses déserts de glace ?
Il faut dire que j'ai eu une formation, au départ, en écologie et en biologie marine. J'ai fait mes études au Canada où j'ai eu, donc, plusieurs fois l'occasion d'aller dans le Grand Nord canadien. Là, j'ai perfectionné mon savoir sur ces régions-là. Puis, en 2000, j'ai adhéré à une association, le Groupe de recherche en écologie arctique, en France. On a monté une expédition pour aller faire des études scientifiques dans le Grand Nord canadien. Ensuite, de fil en aiguille, je me suis retrouvé d'abord en tant que guide-conférencier à bord de bateaux polaires qui emmenaient des touristes dans ces régions retirées. Puis, je suis passé chef d'expédition assez rapidement finalement. Depuis 8 ans maintenant, je le fais tous les ans en tant que chef d'expédition sur des bateaux scientifiques russes, comme le Grigory Mikheev, qui sont utilisés une partie de l'année pour faire de la science et une autre partie pour accueillir des écotouristes qui veulent découvrir les régions polaires. J'ai une équipe de plusieurs naturalistes avec moi. Je travaille aussi pour l'équipe Cousteau, mais j'ai tellement été passionné par les régions polaires que je lui ai demandé, avant qu'elle m'engage, de garder, au moins, une partie de l'année, c'est-à-dire l'été, mes voyages et mes activités polaires. L'équipe a accepté avec enthousiasme, sans aucun problème. Je continue donc à faire ça chaque été, alors qu'avant je le faisais tout au long de l'année.
Quel est, alors, votre rôle avec vos écotouristes ?
Je suis, à bord, celui qui va décider de l'itinéraire, avec le capitaine qui est, bien sûr, toujours le seul maître à bord quand la sécurité du navire est en jeu. Mais, c'est quand même moi qui décide de l'itinéraire, à quel moment on va choisir de s'arrêter, à quel endroit, de façon à maximiser l'expérience des écotouristes en fonction de leurs désirs scientifiques, ou pour une simple découverte. Il y a beaucoup d'excursions à terre et de sorties en zodiac. On insiste pour que les gens repartent avec une compréhension de ce que sont les milieux polaires et on tente de les sensibiliser, aussi, aux problématiques de ces milieux.
Des milieux exceptionnels, par leur faune aussi où l'ours blanc, que vous connaissez si bien, trône dans ce désert de glace qui, comme tous les déserts, est à la fois merveilleux et fragile.
Il y a beaucoup de gens qui pensent que l'ours blanc est un gros nounours (sourires...), mais en fait, c'est un vrai prédateur. L'ours blanc peut être potentiellement très dangereux et tant mieux ! Cela nous ramène à une certaine humilité. Un ours blanc peut considérer un homme comme une proie. Et je peux vous dire que quand vous voyez ça dans l'œil d'un animal, ça fait bizarre ! C'est un animal qui, quand il est dans son milieu et qu'il est bien nourri, n'est absolument pas dangereux, parce qu'il n'a pas besoin de venir chercher une nourriture qu'il ne connaît pas, comme tout animal sauvage. Pour l'ours, la mauvaise saison, c'est l'été quand la banquise diminue (la bonne saison c'est l'hiver où il peut chasser les phoques), il y a alors certains ours qui se retrouvent bloqués sur la terre et qui souffrent de la faim. Et ceux-là peuvent être dangereux, dans le sens où ils sentent votre odeur et peuvent vous considérer comme une proie. Et comme c'est un milieu très difficile, ce ne sont pas des animaux qui vont venir vous tourner autour pendant une demi-heure avant d'essayer de vous attaquer. Ils vont peut-être même se cacher et arriver sur vous le plus vite possible pour vous tuer, parce que c'est comme ça qu'ils tuent un phoque. Comme avec mes écotouristes, nous faisons pas mal d'excursions à terre, je dois malheureusement porter un fusil, au cas où ! Pour défendre notre vie s'il y a un cas d'attaque. Mais, bien sûr, on fait tout pour éviter ce genre de situation, car je serais le plus malheureux des hommes si je devais tirer sur un ours. Parce qu'après tout, on vient sur leur territoire. Et nous, ce qu'on veut, c'est pouvoir observer cet animal extraordinaire sans le mettre en danger. Maintenant, le territoire est un terrain tellement accidenté qu'il peut arriver, malgré tout, qu'on en n'ai pas vu un et que, tout d'un coup, il y ait une tête d'ours ! Ça m'est déjà arrivé, plusieurs fois et, Dieu merci, j'ai eu juste à tirer en l'air, et ça a suffi pour l'éloigner. C'est un animal sauvage qui reste un prédateur qu'il faut respecter. II y a des cas où l'on peut profiter de la présence d'un ours. S'il est à terre, on utilise le zodiac pour s'approcher du rivage et l'on profite donc d'observations impeccables, en sécurité, et pour nous et pour l'ours, puisqu' un ours ne va jamais s'attaquer à un zodiac. Et il y a la condition idéale, c'est de le rencontrer dans son royaume qui est la banquise où là, on est à bord du bateau et on peut avoir des scènes extraordinaires où l'ours s'approche du bateau, parce qu'il est animal très curieux et très intelligent. En fait, on ne sait plus qui observe qui ! Et là, ce sont des moments fascinants ! Je vais dans la banquise, personnellement aussi, en espérant bien ce genre de rencontre. La banquise c'est une ambiance extraordinaire en tant que telle, mais alors, quand on a, en plus, un ours blanc, là c'est vraiment magique, puisque c'est le roi de la banquise ! II y a aussi, bien sûr, les autres animaux : beaucoup d'oiseaux marins, comme les pingouins qui sont différents des manchots qui, eux, vivent en antarctique. Les pingouins peuvent encore voler, alors que les manchots ont perdu cette capacité. II y a aussi un petit, petit pingouin que l'on appelle le « Mergule nain » qui lui a la taille minimale pour pouvoir à la fois nager et voler. Et puis, il y a les phoques parmi les mammifères marins, les extraordinaires narvals qu'on appelle aussi les licornes de mer avec leurs grandes dents très très longues et torsadées. Ce sont des animaux absolument fascinants qui ont peuplé, d'ailleurs, les légendes des marins pendant des siècles. II faut savoir que les dents de narvals faisaient partie des trésors royaux : on leur prêtait des vertus alchimiques d'anti-poison, quand on avait des dents de narval, on imaginait que cela appartenait à un cheval que l'on a appelé, donc, la licorne. Cette fameuse licorne que l'on retrouve aussi bien dans les cultures perse, musulman qu'occidentale.
Votre expérience des pôles vous montre continuellement la fragilité extrême de ces milieux, et vous fait observer que c'est bien là que se mesurent le plus, les changements climatiques sur la planète et leurs impacts !?
Eh bien, vous savez, comme moi, qu'on parle beaucoup des impacts des changements globaux. II faut savoir que les espèces des milieux arctiques s'adaptent à partir du moment où elles ont une température qui n'est quand même pas trop élevée. On parle, alors « d'espèces arctiques » : ce sont des espèces capables de survivre dans un environnement qui est au-dessous de ce qu'on appelle « l'isotherme 10° celsius ». C'est, en fait, la température du mois le plus chaud, c'est-à-dire le mois de juillet qui ne dépasse pas, en moyenne, 10°celsius. Et on se rend compte que cet isotherme 10° celsius est une limite qui correspond très bien, par exemple, à la limite des arbres. Quand on rentre dans le haut arctique, il n'y a plus d'arbres : c'est la toundra. Cette température délimite donc très très bien ce qu'on appelle « un milieu polaire », en tout cas le haut-arctique. Et maintenant, il y a dans les pôles de façon très brusque, par rapport à l'histoire de la terre, des changements climatiques, induits par l'homme, qui provoquent de gros bouleversements, en termes de variations de températures, aussi bien dans les milieux terrestre que marin, puisque les deux sont liés. Les oiseaux marins, par exemple, doivent nicher sur les milieux terrestres et c'est extraordinaire de constater comment une région , qui peut être très très désertique en termes de végétation, va tout d'un coup, exploser de vert, simplement parce qu'il y a une colonie d'oiseaux marins à un endroit. C'est-à-dire qu'en fait, il y a un transfert d'énergie de la mer vers la terre par les déjections des oiseaux, et donc il y a une toundra qui se crée à cet endroit là, pas ailleurs. Et à partir de là, il y a toute une faune comme les oies, comme d'autres oiseaux qui ne sont pas marins, ou encore comme les rennes qui peuvent venir s'installer : c'est tout l'éco-système terrestre qui peut en profiter, grâce au couplage mer-terre. Alors, maintenant que l' on a des bouleversemenrts climatiques importants, eh bien, il y a des introductions de nouvelles espèces, qui n'étaient pas dans le milieu polaire et qui mènent une compétition avec les espèces autochtones, c'est-à-dire endémiques. Ainsi, l'exemple du renard polaire qui recule dans certains endroits par rapport au renard roux qui vient prendre sa place. Ces changements climatiques ont aussi d'autres impacts très importants sur les océans : c'est la banquise qui recule ! Une fonte de la banquise très importante ! 75% de l'océan arctique sont normalement recouverts d'une banquise permanente, compacte, que l'on appelle l'« Icepack », composé d'une glace de mer vieille de plusieurs années. Et d'année en année, cette banquise permanente, qui reste même en été, se réduit à vue d'œil, cela a des conséquences gigantesques notamment sur l'ours polaire qui a besoin de la banquise pour chasser les phoques en se cachant et qui grâce à sa blancheur se confond avec celle de la glace. Les populations des phoques ont besoin, aussi, de la banquise pour se reproduire, puisque les bébés phoques ne sont pas capables de vivre dans l'eau. L'impact est aussi sur les humains, puisque les Inuits eux-mêmes ont besoin de la banquise pour chasser. etc. Cela pour les impacts locaux. Il y a aussi des impacts globaux des changements climatiques, puisque les pôles jouent le rôle de « thermo-régulateurs » de la Terre. Il faut savoir qu'une surface terrestre va refléter à peu près 9 à 10% de la lumière du soleil, alors qu'une surface de neige ou de glace en reflétera jusqu'à 90%. C'est ce qu'on appelle « l'albédo ». Si vous avez donc une disparition de surface de glace, celle des mers ou celle des glaciers, vous avec une diminution de l'albédo. Donc, plus d'énergie solaire qui est gardée, donc une amplification du phénomène de changement thermique et d'augmentation de la température moyenne de la terre avec des conséquences sur la circulation atmosphérique et océanique. C'est-à-dire, aussi, des conséquences gigantesques sur la météo qu'on peut avoir dans nos régions.
C'est-à-dire aussi que, comme vous le dites, les pôles Nord et Sud nous concernent tous ! C'est pourquoi vous avez lancé une opération qui s'appelle L'ambassade des pôles ?
Il y a toute une époque du XVIe au XIXe siècles qu'on appelait l'époque des grands explorateurs des régions polaires, les Henri Houston, William Barents, Shakelton, Scoot, etc. qui ont fait partie de la course aux découvertes, pour des raisons, d'ailleurs d'ouverture mais aussi économiques. C'étaient les grandes puissances coloniales de l'époque qui cherchaient un accès aux ressources nouvelles, comme la chasse baleinière pour extraire l'huile de baleine qui avait une importance économique considérable, équivalente au pétrole de nos jours, notamment pour éclairer les rues. Il y a eu donc, à cette époque, beaucoup de découvertes, en Arctique notamment, avec ce qu'on appelait « le passage du Nord-Ouest » vers l'Asie, certaines routes commerciales étant coupées par les courants. Il y a eu donc beaucoup d'explorations faites à cette période-là, et de grandes découvertes. Mais il y avait aussi des gens qui vivaient là depuis des générations. Et alors, ça m'a toujours un peu choqué qu'on parle de « découverte » ! Qui découvre qu'à ce moment-là, étant donné qu'il y a des humains qui vivent dans cet endroit ? Il y a eu, donc, une mentalité très centrée sur l'Occident et quand même, un manque de communication sur les régions polaires, même aujourd'hui. Très souvent, aujourd'hui encore, on met en avance ce côté explorateur et aventurier, en oubliant qu'il y a des peuples qui vivent là en Arctique surtout, comme les Inuits, puisqu'en Antarctique, qui est un peu spécial, il n'y a pas de populations qui vivent. Avec L'ambassade des pôles que j'ai montée avec un partenaire, Karim Lap, nous utilisons l'un des bateaux sur lequel je suis chef d'expédition et qui s'appelle le Grigory Mikheev et qui appartient à l'institut d'hydrologie de Saint- Petersbourg, pour en faire d'une ambassade itinérante, un forum, un lieu de rencontres entre des citoyens du monde entier, des décideurs, des journalistes, mais aussi des enfants qui auront gagné un concours pédagogique et aussi des représentants des communautés polaires. Le but est que tous ces gens-là se rencontrent et qu'on ait une autre approche, mais plutôt celle d'un esprit d'égalité. Les populations des pôles sont des gens qui ont des choses à dire, qui sont organisées politiquement et qui ont beaucoup à dire sur les impacts des changements climatiques. Certains inuits ont même porté plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme par rapport aux impacts qu'ont sur leur vie les changements climatiques.
Comment se déroulera le programme de L'ambassade des pôles ?
Il faut savoir que notre bateau ambassadeur lance son programme dans le cadre de l'année 2007-2008 qui est l'année internationale des pôles. Nous avons prévu quatre expéditions, durant 2007, à bord du bateau dans l'Arctique. Des expéditions qui iront d'Islande au Spitsberg, en passant par le Groenland et l'Arctique canadien où l'on va rencontrer des communautés polaires. Mais aussi, nous avons prévu toute une série d'événements qui seront organisés dans les grandes villes du monde, à commencer par Paris. Des expositions sont prévues, des gens parmi les communautés polaires sont invités pour qu'ils viennent nous expliquer un peu leurs conditions de vie, comment ils voient leur avenir, faire découvrir aussi leur art et leur cultur. Quelque chose aussi qui est très importante : il s'agit également pour nous d'initier des échanges entre des écoles, puisque les générations futures auront en charge les choses, d'ici peu. Et donc cette idée, pour nous, d'un concours pédagogique qui permettrait à certains élèves à travers le monde de rejoindre le bateau. C'est un concours qui me tient beaucoup à cœur et qui ne va pas être simplement pour des enfants des pays occidentaux mais aussi pour les enfants algériens, d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud. Des représentants, en somme de tous ces espaces du monde qui iront à bord de notre bateau, vers ces pôles-là qui sont nos pôles, les pôles de notre planète. Ce ne sont pas un terrain de jeu juste pour quelques scientifiques ou quelques explorateurs occidentaux.
L'Algérie avec l'enfant algérien sont donc impliqués dans l'action d'ambassadeur ?
Notre action L'ambassade des pôles a été sélectionnée par le comité international de l'année polaire. L'idée du concours, c'est effectivement pouvoir, ici en Algérie, réserver une place ou deux à bord du bateau pour des élèves algériens qui auront montré leur intérêt ou leur créativité par rapport aux régions polaires. Cela ne va pas être forcément quelque chose basée sur un esprit professoral, c'est aussi un concours qui peu être artistique. C'est un projet qui montrera la créativité et la capacité de mobilisation dont sont capables nos jeunes. Et c'est cela qu'on voudra. Les jeunes Algériens qui seront désignés seront les ambassadeurs, à ce moment-là, qui viendront découvrir ces régions polaires qui leur appartiennent, comme au reste de l'humanité.
Lors de vos expéditions estivales, vous ne manquez pas d'impliquer vos écotouristes dans le nettoyage de certaines régions de l'Arctique, une action que vous menez avec le gouvernement de Spitsberg que poursuivra L'ambassade des pôles...
Le Spitsberg est un archipel situé très haut dans l'Arctique. Ce sont les dernières terres avant le pôle nord. Il est sous l'influence des courants marins, notamment sous l'influence du Golfe Stream qui ramène avec lui, parfois des déchets de nos modes de consommation en Occident ou en Amérique. C'est incroyable de voir, dans ces espaces vierges polaires, les traces malheureuses de l'humain, à travers des sachets en plastique, des bouchons de bouteille, des morceaux de filets de pêche qui sont très dangereux pour la faune. Il faut savoir, par exemple, qu'un sachet en plastique, c'est souvent pris par les dauphins, les phoques, les tortues et les poissons pour des méduses, et donc ils les mangent et s'étouffent. C'est pas fini, parce que une fois l'animal mort après sa décomposition, le sachet, lui, est toujours dans l'environnement et peut faire encore beaucoup de mal. Je suis donc scandalisé, quand je vois cela. C'est ainsi que pour sensibiliser les gens qui viennent avec nous à bord du bateau, on organise une opération basée sur le volontariat, en collaboration avec le gouvernement du Spitsberg, qui s'appelle le Clinic Svatbardh, c'est-à-dire Nettoyons le Spitsberg. Dans les endroits très reculés, on propose aux gens qui nous accompagnent d'organiser une opération de nettoyage sur les plages souillées par les apports marins. Les déchets seront incinérés à bord, sinon rapportés avec nous pour être correctement traités. Donc, à chaque fois que je mène une expédition, on fait, ensemble au moins une journée d'opération de nettoyage d'une plage. Et à ce propos, un des slogans qu'on a défini dans notre action L'ambassade des pôles : c'est de nos villes à nos pôles, pour faire prendre conscience que ce qu'on fait dans nos villes a aussi un impact sur les pôles. Tout est inter-relié. On est sur la même planète. Ce qu'on fait ici a un impact près de chez nous, mais aussi très loin de chez nous. C'est ainsi que L'ambassade des pôles est aussi une occasion pour des comportements plus citoyens et plus responsables. Jean Costeau a dit un jour : « Ce qu'on appelle le progrès n'est peut-être après tout que le développement d'une erreur. » Que des pays comme l'Algérie aient besoin de se développer, c'est normal, la seule chose, c'est de savoir quel développement on veut. Est-ce qu'on veut refaire les mêmes erreurs faites par nos voisins de la rive nord de la Méditerranée qui regrettent de ne plus avoir d'espaces naturels ? En Algérie et à Tipaza que j'ai visitée, je suis triste de voir qu'on est en train de bétonner certaines parties de nos côtes, alors qu'en Europe on voudrait voir justement chez nous, ce qu'ils n'ont plus chez eux. Donc, au-delà des pôles, c'est vraiment une réflexion citoyenne qu'il faut aussi engager pour réveiller un peu les consciences, pour qu'on agisse au jour le jour, de manière plus responsable.


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