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17 ans en prison, ça marque forcément…
Mohamed Saïd Mazouzi. Militant de la cause nationale, ancien ministre
Publié dans El Watan le 31 - 05 - 2007

Le monde est fait ainsi, loi suprême et funeste ! Comme l'ombre d'un songe au bout de peu d'instant Ce qui charme s'en va, ce qui fait peine reste La rose vit une heure, et le cyprès cent ans. Théophile Gautier
A travers la fente de ses yeux malicieux, il scrute pour nous son passé, sans aller dans les détails. « Ce serait trop long », prévient-il. C'est qu'il a beaucoup de choses à raconter, cet épris de justice, prisonnier de guerre pendant 17 ans, mais qui a gardé le moral et ses convictions. Son passé, il le laisse filer par bribes retenues au gré des jeux de sa mémoire.
Il est né le 29 juin 1924 à La Casbah. Son père, Ali, était caïd, fils de caïd à Makouda, commune mixte de Tigzirt-sur-Mer. Avec sa modestie non feinte, il évoque, par petites touches, ses parents. « Mon père était sollicité par son paternel, selon la volonté du douar, pour devenir caïd à sa place. Il n'en a pas voulu car il n'était pas fait pour ça. Il a fait le lycée Bugeaud, travaillé dans les domaines et a eu une jeunesse studieuse. Ainsi, il a emmené son épouse chez son beau-père, à l'époque muphti d'Alger, Bennacer cheikh Arezki, afin de se soustraire au desiderata du arch. Mais il a fini par accéder au vœu des siens. Je suis né donc à Alger, mais, comme mon grand-père maternel s'est installé à Dellys, je l'ai rejoint pour y décrocher mon certificat d'études en 1937, avant de rejoindre le lycée Bugeaud d'Alger, puis le lycée de Ben Aknoun. Mais, au bout de deux années, on nous a renvoyés dans nos douars. La Deuxième Guerre mondiale venait d'éclater et le lycée occupé par la 19e Région militaire. »
Adolescent, déjà…
Mohamed Saïd dut retourner à Tizi Ouzou où il ne fit que la moitié de l'année scolaire au Collège moderne de la ville. C'est là qu'il connut ses amis, Omar Oussedik, Ali Laimèche, Mohamed Lamrani, entre autres. A l'adolescence, la politique se chargea de lui montrer le chemin du militantisme. Comment ce jeune, avide de savoir, en est arrivé là ? « C'est simple. Le monde était en guerre, toute la planète était en ébullition. On était confrontés à un bouleversement mondial qui nous a touchés de plein fouet. On a vite pris conscience, car on ne pouvait rester les bras croisés, nous les colonisés, les indigènes soumis à des lois spécifiques. On ne jouissait pas de nos droits et de nos libertés. C'était suffisant pour nous révolter. » Lors du débarquement américain de 1942, le déplacement du lycée Fromentin à Tizi Ouzou a engendré le renvoi de tous les élèves du collège de la ville qui prirent conscience de leur sous-statut et de leur « infériorité. » C'est ainsi que les jeunes adhérèrent massivement au mouvement des SMA, école du nationalisme, puis approchèrent les politiques. « C'est comme cela que j'ai connu Salah Louanchi. Au village, j'ai adhéré au PPA grâce à une connaissance de la famille, Mahmoudi, qui exerçait comme docker à Alger et habitait Bab Dzira. Aussi, comme le militant responsable de la région, Zerouali, m'approcha, il me trouva préparé. J'ai commencé à organiser les cellules des militants du PPA. Etant donné ma condition de fils de caïd, il fallait être doublement discret pour que cela ne tombe pas dans les oreilles de mon père, caïd. C'était une gymnastique terrible. Mais, j'ai pu progressivement étendre les cellules dans les douars de Makouda, Sidi Naâmane, Tigzirt… C'est dans ces circonstances que j'ai connu Omar Boudaoud, au début de l'année 1945, qui sera, par la suite, responsable du FLN en Europe. Puis, est arrivé le 8 mai 1945 et « l'affaire de l'ordre et du contre-ordre. » Cette date signifiait pour nous une certaine délivrance. Quand les gens défilaient pour la paix recouvrée, dans la joie, nos manifestants étaient massacrés. Nous n'avions pas d'informations de l'organisation. Avec les AML, c'était un véritable raz-de-marée, le peuple a adhéré à ce mouvement de masse que le parti avait du mal à contrôler. En juin 1945, Zerouali avait décidé de répondre aux massacres de l'occupant. Il fallait imaginer des réactions pour rehausser le moral des militants et des populations. Il fallait montrer à l'administration coloniale que les Algériens savaient donner le change et étaient organisés. Aussi, il a été décidé de boycotter les élections, la justice, les marchés… L'administration avait mis en place des milices dans notre région. Il y a eu un attentat contre le bachagha Aït Ali. C'est à la suite de cet acte que j'ai été arrêté, le 15 septembre 1945, pour « complicité de tentative d'assassinat ». Mohamed Saïd a été arrêté, de même que les cadres Hamraoui, Saâdi, Chabni, Beljoud et 16 autres militants de Sidi Naâmane, Ben Thour… Il est incarcéré à Barberousse. La justice française promulgue, en mars, la loi d'amnistie concernant les événements d'Algérie pour les délits d'opinion et une grâce amnistiante pour les crimes et les délits de droit commun. Mais, il fallait être jugé. « Ils ont mis 7 ans pour nous faire passer en justice. Nous n'avons été jugés qu'en 1952, à Blida, avec les éléments de l'OS, puis renvoyés au tribunal de Tizi Ouzou. Il y a eu conflit de juridiction. On m'avait condamné à 20 ans puis transféré en France, aux Baumettes, à la Santé, à Melun, à Clervaux, à Chaumont, retour à Marseille puis à Oran, car il y a eu cassation. Je suis rejugé à Oran, en 1953, avec l'espoir d'être libéré mais ils ont confirmé la peine. Le 2 novembre 1954, j'ai appris le déclenchement de la lutte grâce à mon avocat Thuveny qui a été par la suite liquidé par la Main rouge. D'Oran, je suis transféré à la prison d'El Harrach. Au mois de mars 1955, un détenu me jette un bout de papier. J'ai lu que Ramdane me demande à la cour des douches. J'étais curieux. A 10 h, j'ai vu arriver quelqu'un dont j'ai entendu parler mais que je n'avais jamais vu. C'était Abane Ramdane. Il m'a demandé mon avis sur le déclenchement, sur nos connaissances communes. Comme il allait sortir de prison, je lui ai conseillé de rejoindre son village Azzouza. J'ai eu le bonheur de connaître ce grand monsieur.
De prison en prison…
En 1955, Mohamed Saïd est rejugé au tribunal d'Alger. Après 10 ans de détention, voilà que la sentence tombe, plus lourde : lLa perpétuité. En 1956, il est transféré à El Asnam. Juste après le voyage de de Gaulle à Alger, en 1958, il est de nouveau jugé à Alger et la « perpét » est confirmée. Il est de nouveau pensionnaire d'El Harrach, en 1959, jusqu'en 1962 où il goûte, enfin, à la liberté. 17 ans de privations, de prison en prison, cela a sans doute marqué le plus vieux prisonnier de guerre. « Dieu nous a donné la patience. En prison, j'ai connu beaucoup de cadres : Dahlab, Yazid, Abane… Je n'ai pas été livré à moi-même à ressasser ma pénible situation ! Certes, j'ai eu des creux au moment des scissions, des divisions au sein du parti. Heureusement, le 1er Novembre a fait taire toutes les dissensions du mouvement national. » En 1962, M. Mazouzi est nommé coordinateur de la fédération FLN de Tizi Ouzou. En 1964, il est élu membre du FLN et membre du bureau du congrès, à l'issue duquel il est désigné président de la commission des organisations de masse jusqu'en 1965. En 1966, Boumediène lui force la main pour être wali de Tizi Ouzou, poste qu'il occupe jusqu'en 1968. Il est ministre du Travail de 1968 à 1977. Puis, Boumediène lui confie le portefeuille des Moudjahidine, en sa qualité de sage et d'ancien, avec la promesse faite par le président d'alors « d'organiser le parti qui est un acquis du peuple et non des personnes ». « Boumediène le pensait sincèrement. Je pense que c'est le plus grand homme d'Etat que l'Algérie a eu. » Après la mort de Boumediène, Mazouzi est rappelé au bureau politique du FLN où il présidera successivement la commission de l'organisation générale et la commission économique et sociale. En 1984, il est évincé du bureau politique, se contentant de sa qualité de membre du Comité central. Au ministère du Travail, Mazouzi a fait venir Kateb Yacine, « un homme immense, un génie. Pour l'intégrer au ministère, il a fallu créer un service spécial, l'Action culturelle, où il exerçait avec son ami Issiakhem. On lui donnait une mensualité, mais il nous l'a rendue au centuple. »
Mon ami Kateb Yacine
Au moment des débats sur la charte de 1976, Yacine a clairement dit ce qu'il pensait, ce qui a déplu aux autorités. « Boumediène, sans méchanceté aucune, m'a chargé de lui dire : “Kateb, contente-toi d'écrire, tu le fais si bien, tu ne sais pas parler.” Après quoi, Kateb a ri à pleines gorges : “Ce qu'il dit est juste. Il a parfaitement raison.” » En 1988, Mazouzi décide de démissionner du FLN en son âme et conscience. Une ère est passée. « Ce système a fait son temps, avait-il écrit à Mehri. Il faut que le FLN se dissolve. Remisons-le comme un des meilleurs acquis de ce peuple », avait-il suggéré. A ce jour, il est loin de la politique, sauf l'intermède de Boudiaf où il fut membre du CCN. De cette période, il garde des souvenirs sombres. « C'était la descente aux enfers. Aucun pays au monde n'a vécu ce qu'a vécu l'Algérie. C'était la destruction systématique. Nous avons eu l'opportunité de donner notre point de vue sur cette période tragique. « Celui qui nous détruit, nous le détruirons Le peuple est le seul détenteur de la légitimité perenne. Il n'y a pas de famille révolutionnaire. Ces termes qui créent la division sortent du néant. Il y a le peuple et sa révolution. Il faut revenir à la rationalité, au bon sens. L'Algérie doit vivre avec son temps dans la modernité. » Evoquant les récentes élections législatives : « Le peuple n'y a pas adhéré. Si 65% des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes, c'est qu'il y a problème. Aux responsables de faire les analyses nécessaires, non pour leurs calculs personnels ou partisans, mais pour trouver les solutions nécessaires au pays. » Optimiste pour l'Algérie ? « Je le suis de tempérament. » Mohamed Saïd se revendique homme de gauche. Comment peut-on ne pas l'être quand on a vécu ce qu'il a vécu ? « On ne peut pas être musulman si l'on n'éprouve pas ce sentiment de solidarité et de fraternité envers les autres. C'est le socle de la construction d'une nation. J'ai le sens du partage et puis mes lectures diverses me permettent une ouverture d'esprit. La vie m'a beaucoup appris. Je n'ai pas fait les universités. Je n'ai jamais imaginé, un jour, être ministre. L'Algérie m'a donné mille fois ce que j'ai fait pour elle », résume ce militant convaincu, dont la modestie et le dévouement sont les qualités premières. Il a évoqué son parcours, sans rancœur, avec vivacité parfois, avec verve mais sans aigreur et sans ressentiment. Et cela est aussi une marque de l'homme qui se dit nationaliste jusqu'au bout des ongles…
PARCOURS
Né le 29 juin 1924 à Alger, d'un père caïd . Etudes primaires à Dellys. Secondaires à Tizi Ouzou et à Alger. Adhère au PPA en 1943. Il est chargé d'organiser le parti en Kabylie. Zerouali le contacte et lui demande de structurer le secteur de Dellys. Il participe activement au développement des AML. Après l'attentat visant le bachagha Aït Ali près de Tigzirt, il est arrêté le 15 septembre 1945 avec plusieurs militants. Le 9 novembre de la même année, il est inculpé pour tentative d'assassinat et d'atteinte à la sûreté de l'Etat et écroué à Barberousse. Il restera en prison de 1945 à 1962. A l'indépendance, après plusieurs postes importants au sein du parti, il est nommé wali de Tizi Ouzou, puis ministre du Travail et des Moudjahidine. En 1988, il se retire de la politique, avec une parenthèse, membre du CCN, après avoir été sollicité par Boudiaf, en 1992.


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