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Adel Abderrezak. Enseignant universitaire, ancien porte-parole du CNES et ex-membre de la commission Benzaghou
« Sans visibilité sérieuse des gouvernants, l'université continuera de s'enfoncer »
Publié dans El Watan le 01 - 07 - 2007

Quelle signification donnez-vous aux mauvaises places réservées aux universités algériennes dans les classements internationaux ?
Cela signifie que l'université algérienne traverse une crise structurelle depuis les années 1980, c'est-à-dire depuis l'essoufflement des réformes du regretté Benyahia. En 20 ans, nous avons connu des réformes bricolées, des réformettes sans lendemain ou des réformes « copier coller » comme celles actuellement du LMD dont le gâchis est incalculable. En fait, sans débat, sans concertation et sans visibilité sérieuse de la part des gouvernants, l'université continuera à s'enfoncer. Ceci dit, tout classement global et mondial présente certaines ambiguïtés qui caricaturent de fait le positionnement de certaines universités. Les contextes historiques, les parcours spécifiques de chaque université, l'arrière-plan économique, l'investissement éducatif et la part de la « dépense » recherche dans le PNB, tout ça pèse sur la situation de l'université. En fait, tous ces éléments renvoient au politique, c'est-à-dire à la capacité du pouvoir politique de comprendre puis entreprendre en s'appuyant sur les interfaces institutionnels configurés par la culture démocratique, en associant les acteurs universitaires et sociaux et en assumant un vrai débat sur un vrai projet éducatif. En Algérie, c'est la bêtise qui a prévalu, c'est l'autoritarisme administratif qui manage l'excellence et l'intelligence et c'est une gouvernance imbécile qui continue à prévaloir dans le champ universitaire où ambition, prédation et médiocrité académique sont les règles Entre la 39e place de l'université de Tlemcen et la 93e de l'INI sur les 100 universités classées dans le continent africain, il y a vraiment matière à réfléchir et à vite réagir.
En tant que témoin privilégié de l'évolution de la sphère universitaire ces dix dernières années et acteur de premier plan, quel constat faites-vous de la réalité universitaire ?
La réalité est complexe et en même temps désespérée. Une démographie étudiante qui approche le million qui fait peur alors que c'est un atout pour l'Algérie. Un système d'enseignement basé sur trois systèmes d'études et de diplômes, le nouveau système LMD, le système de la licence classique et le système d'études dans les filières médicales supposées protégées. Un corps enseignant (18 000 universitaires environ) dont une part importante atteint l'âge formel de la retraite et avec un déficit de 15 000 enseignants. Un corps enseignant dévalorisé, destructuré et fonctionnarisé à outrance assurant souvent une fonction de garderie universitaire au regard du peu de motivation des étudiants désespérés par le peu d'horizons professionnels Une recherche universitaire « dépensière » construite autour du consommable et d'inflation de laboratoires (près de 400) où ni pensée critique ni recherche appliquée ne sont vraiment présentes. Une soixantaine d'établissements universitaires où des universités régionales souffrent du poids des structures, des effectifs, d'une administration omnipotente et des centres universitaires qui restent ligotés par le « localisme social » et qui se scolarise à outrance. Il y a dans nos universités beaucoup de potentialités académiques et technologiques. Il y a des enseignants chercheurs cotés au niveau international, qui résistent par le travail et qui s'accrochent. Il y a des étudiants qui ont vraiment envie de s'en sortir malgré l'adversité ambiante et qui s'accrochent à internet et à la parole « religiosée » de leur enseignant. Il y a une corporation enseignante qui tente de revaloriser son métier et qui résiste à l'acharnement des pouvoirs publics à ignorer leurs préoccupations socioprofessionnelles par des grèves longues, dures et certainement pas toujours populaires au niveau de l'opinion publique. Il reste qu'il faut des responsables attentifs, qui écoutent et qui soient capables de débats, de concertation et de décisions en phase avec les attentes des acteurs universitaires et de la société. C'est le point de départ à toute réforme universitaire qui a besoin d'être radicale, concertée et intégrée à un projet de développement économique, industriel et technologique autonome qui ne soit pas rythmée par la mondialisation du G9 et des puissants. C'est ce qui explique un peu le bon classement des universités sud-africaines.
Vous avez été porte-parole du CNES, quelle est, d'après vous, la place que réserve le système d'enseignement au corps enseignant ?
Je fais partie de la génération recrutée dans les années 1970 et qui a connu les moments d'utopie, de floraison d'idées et de débats qui ont assis les bases intellectuelles de notre formation universitaire. Cette utopie a disparu de l'université et du pays. C'est ce qui manque pour donner du sens aux études, à l'enseignement mais aussi à la culture universitaire. Dans un pays du tiers-monde comme l'Algérie, sans utopie, il reste le sous-développement, les enjeux de pouvoir, les archaïsmes sociaux et traditionnels, les jeux de carrières, les stratégies de prédation et les logiques de « lumpénisation » de nos universités où la vulgarité ambiante est l'un des indicateurs les plus visibles L'université est dévalorisée parce qu'elle ne représente aucun intérêt pour le pouvoir politique réel, aucun enjeu particulier, aucune fonction stratégique que celle de réguler des flux étudiants en transit, de donner l'illusion d'horizons sociaux pour nos jeunes étudiants. En Algérie, la richesse est dans la rente et la rente est à Hassi Messaoud où les métiers et les technologies sont fournis par le marché mondial. L'industrie des villes, déstructurée depuis les années 1980, est en voie d'être privatisée après que son délabrement ait été programmé alors qu'elle est le terrain de légitimation de la recherche scientifique et technique. Il reste le business où tout le monde peut s'y mettre, y compris les universitaires, où ni valeur ajoutée, ni productivité, ni révolution scientifique et technique n'ont de place. Depuis que les commerçants du Hamiz, ceux de Aïn Fakroun ou, plus civilisés (?), ceux des coffee shop de Sidi Yahia ont pris le dessus, il est difficile de crédibiliser la formation universitaire et de lui donner un sens qui ne soit pas seulement diplômant. Mon expérience du CNES étalée sur plusieurs grandes luttes qu'on a menées m'a permis de saisir l'indifférence délibérée des pouvoirs publics envers l'université et envers les enseignants. Il n'y avait aucune volonté de se préoccuper de l'université ni des universitaires. Seule inquiétude des autorités, les flux étudiants dont les réactions peuvent prendre des formes émeutières. Sans trop caricaturer, l'université est une garderie où l'étudiant mûrit dans l'inconsistance avec un diplôme en fin de séjour, où l'enseignant s'évertue à enseigner sans trop y croire avec un statut de fonctionnaire dévalorisant et où l'administration joue le rôle du parti au pouvoir chargé d'encadrer, de réguler, d'aseptiser et d'anesthésier tout ce qui peut être à contre-courant en s'appuyant sur des relais étudiants, enseignants et sur une réglementation autoritariste.
Le sous-encadrement, la gestion bureaucratique de l'université, l'arabisation à tous bouts de champ, les flux importants d'étudiants,… le contexte sécuritaire et socioéconomique… de nombreuses raisons ont été avancées par certains de vos collègues pour expliquer l'état dans lequel végète l'université... pourquoi, selon vous, les différentes politiques, les « réformes », n'ont pas pu apporter des réponses efficaces à la crise ?
Ce sont effectivement des facteurs de crise de l'université parmi d'autres qu'on a évoqués en partie, mais des facteurs structurants dans la crise et qui l'ont installée dans la durée. Les réformes ont justement abordé la question des flux, la question des programmes, la question des carrières et des normes de travail de façon superficielle, sans débat, en cédant au lobbying mandarinal, en refusant d'aller au fond des choses, c'est-à-dire la question du profil scientifique et intellectuel de l'étudiant, la question de l'arabisation et des langues d'enseignement, la question de la gestion démocratique de l'université, le statut spécifique de l'enseignant-chercheur, la place de l'université dans l'économie et la société, etc. Courageusement lancés et bien négociés, ces débats peuvent projeter l'université dans un sursaut salutaire. La lucidité des pouvoirs publics est aussi importante que la rage de changer les choses des étudiants et enseignants. La Commission nationale de réforme de l'éducation (CNRE) a eu des débats très intéressants sur le devenir de l'université mais n'ont pas été transcrits dans le rapport final. C'est le LMD qui sera imposé sans débat à la communauté universitaire alors qu'il n'était même pas suggéré par la CNRE. Le CNES avait engagé des réflexions lors de sa conférence nationale à Bel Abbès en 1999 et proposé des pistes de travail aux différents ministres qui se sont succédé mais sans résultat. Bref, la question de la réforme de l'université est d'abord un problème démocratique et la question démocratique en Algérie est le champ où se dénoueront beaucoup de problèmes structurels de l'université et du pays.
La modicité du budget alloué à l'université et à la recherche (0,1% du PNB) est-il un frein au développement de l'université ?
Oui, dans la mesure où ils sont dérisoires par rapport aux normes universelles (Unesco) et encore plus bas que certains pays africains plus démunis financièrement que l'Algérie. Ceci renvoie en partie à la déconsidération de l'université dans les enjeux économiques, politiques ou même sociétaux dans notre pays. Ceci dit, l'argent public ventilé aux universités est géré dans une opacité totale avec un pouvoir quasi-absolu aux responsables d'établissements, de laboratoires etc. L'université est un marché énorme dans le consommable informatique et chimique, dans la papeterie, dans l'équipement scientifique lourd et tous ses marchés méritent un regard très critique de la part des instances de contrôle du Trésor et de l'Etat. Le frein au développement de l'université est aussi bien financier que l'opacité qui, dans ces cas- là, pousse aux mauvais choix et à une utilisation rarement efficiente de l'argent public.
Quand l'université est évoquée, on parle de 200 000 diplômés universitaires chaque année, un nombre que le marché du travail n'arrive pas à absorber...
L'université n'est pas un centre de formation professionnelle et sa fonction diplômante n'est pas de caser ses diplômés ni de professionnaliser ses diplômes à tous les niveaux. Ceci ne signifie pas qu'elle doit s'en désintéresser. L'université n'est pas responsable directement de la réalité du marché du travail. Existe-t-il vraiment ? Le secteur économique public a été le seul recruteur privilégié des diplômés universitaires. Qu'en reste-t-il ? Le secteur privé a encore une part négligeable alors que les entreprises étrangères privilégient leurs propres cadres ou recrutent de plus en plus mais dans une proportion aussi modeste que leurs activités. La première fonction de l'université est d'enseigner les fondamentaux de la connaissance et de la vie qui permettent au jeune scolarisé de mûrir avec un SMIC scientifique, culturel et intellectuel qui le rend apte à la vie active et sociale. L'université participe à l'accumulation scientifique et technologique d'une société pour que le développement soit possible sans être un facteur vulgairement instrumentalisé par l'économie. Tous les changements sont possibles sauf enterrer cette fonction. Seul un projet de développement économique et industriel sérieux s'appuyant sur les sciences et la pensée peut ouvrir des horizons pour nos diplômés d'aujourd'hui et de demain.
La crise économique explique-t-elle à elle seule cette situation, ou serait-ce aussi dû à la sous-qualification de ces universitaires ? Quelle valeur donnez-vous au diplôme universitaire algérien ?
La sous-qualification des universitaires est réelle mais ne doit pas être décontextualisée. Le niveau dérisoire des salaires comparativement à d'autres pays y compris nos voisins, la démotivation, la « désintellectualisation » de la société et de ses élites entamée avant même la décennie noire, la faiblesse tragique de la lecture, de l'écriture et de l'édition, le fonctionnement bloquant des universités sont autant de facteurs de déqualification. Mais tout cela reste relatif car dans cette adversité qui dure, il manque aux universitaires des espaces intellectuels qui soient moins régulés par les enjeux de carrières et les logiques de CV. Seul un renouveau démocratique dans notre pays peut relancer cela avec toutes les implications positives sur les enseignants et les étudiants.


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