Les riches Français se portent bien. C'est ce qu'indique une enquête exclusive menée par l'Ecole de l'économie de Paris. Elle révèle que les grandes fortunes hexagonales ont augmenté leurs revenus de 19 % à 42 % depuis 1981. De Bernard Arnault, président de la société cosmétique LVMH et du journal économique la Tribune à Serge Dassault, patron spécialisé dans l'aéronautique et l'informatique, en passant par Liliane Betancourt, propriétaire de l'entreprise L'Oréal, les fortunes françaises n'ont rien à envier à celles des autres pays d'Europe ou des Etats-Unis, remarque l'enquête. En revanche, cette dernière souligne paradoxalement « l'accroissement constant des inégalités de revenus des français depuis huit ans ». Pour Pascal Chevalier, économiste et chef de la division Revenu à l'Institut français des statistiques, INSEE, il existe, aujourd'hui en France, environ 3500 familles riches dont la part du patrimoine peut représenter jusqu'à 40 % de leurs revenus totaux. Le spécialiste estime que « cette augmentation significative des ressources ne vient pas principalement de la spéculation boursière, mais surtout des dividendes, de plus en plus importantes, que versent les entreprises à leurs actionnaires ». Ce qu'on appelle banalement « les parachutes dorés ». Pour sa part, Camille Landais, enseignant à l'Ecole de l'économie de Paris, constate que les salaires des riches ont augmenté de 13 % à 51 %. Il explique cela par une raison simple : le changement de mode de rémunération de cette population qui intègre de plus en plus des bonus, de « stocks options », de grosses primes d'activité et autres cadeaux boursiers et fiscaux offerts en fin d'année. Ce qui fait dire à cet économiste que le « modèle français glisse subrepticement vers le modèle anglo-saxon », connu pour ses inégalités criantes. D'après une autre étude réalisée par une banque d'investissement internationale Merrill Lynch et le cabinet de consultant Capgemini, les avoirs de tous les riches du monde confondus avoisineraient les 5600 milliards de dollars. Pour leur part, selon toujours ces deux organismes, les grandes fortunes financières mondiales ont vu le total de leurs actifs progresser de près de 11 %. En France, Jacques Chirac, qui avait placé son second mandat sous le signe de la lutte contre la fracture sociale, ne semble pas avoir tenu ses promesses. Et si quelques milliers de familles vivent fastueusement, le pays compte, en revanche, environ 7 millions de pauvres et 80 % de la population ne touche que le SMIC (salaire minimum évalué environ à plus de 1200 euros net). Et si le chômage est passé, pour la première fois depuis 1981, sous la barre symbolique de 2 millions de personnes, « il n'en reste pas moins que la population est confrontée à un appauvrissement galopant, accentué par l'avènement de l'euro qui a fait flamber les prix », notent les spécialistes de la consommation.