La peur et l'angoisse s'installent dans le pays avec le retour des tueries de masse qu'aggrave la mise en œuvre de moyens et de méthodes de destruction hautement sophistiqués. Aucune couche de la population ne se sent aujourd'hui épargnée tant est aveugle le recours aux voitures piégées et aux ceintures de kamikaze. Les cadres et les intellectuels redoutent, eux, la réapparition des attentats ciblés, conscients de la haine que vouent les terroristes autant à leur savoir qu'à leur fonction. Le climat pesant d'aujourd'hui rappelle, à bien des égards, celui du début des années 1990. A ce moment-là, l'AIS et le GIA avaient mis à profit le désarroi de la sphère politique, voire sa démission pour installer leur dispositif de guerre destiné à combattre ceux qui refusaient de basculer dans leur camp. Ce scénario semble se rééditer aujourd‘hui, le GSPC surfant autant sur les inconséquences et les compromissions du pouvoir en place que sur l'affaiblissement de la Résistance populaire. Les différentes formes de « main tendue » que sont la Rahma, la Concorde civile et la Réconciliation nationale ont fini par casser le forcing des forces de sécurité amorcé au milieu de la décennie écoulée. Celles-ci sont malgré tout arrivées à stopper la déferlante terroriste s'appuyant sur une remarquable implication de la population. Bien que le prix à payer fût lourd, des dizaines de milliers de morts, des disparus par centaines et de profonds traumatismes psychiques, l'Algérie sortit victorieuse. Elle échappa à « l'afghanisation » que voulurent lui faire subir les islamistes armés mais sans se voir débarrassée du terreau de l'intégrisme. Ce fut la grande erreur des dirigeants politiques dès la fin de la décennie écoulée. Ils ouvrirent grande ouverte la porte aux formations islamistes, généralisèrent le pardon aux terroristes et se voilèrent les yeux devant les manifestations outrancières de l'intégrisme au sein de la société. Entre temps, ils cassèrent la Résistance populaire incarnée notamment par l'opposition démocratique, les femmes, les patriotes, la société civile, etc. Le jeu dangereux des politiciens fit le jeu du GSPC qui, en se mettant aux ordres d'Al Qaïda, opte pour l'extermination de masse. Ce furent les attentats du 11 avril puis ceux du 11 décembre 2007. Le terrorisme frappera encore dans le pays car ses capacités de nuisance restent relativement intactes. Toute l'inquiétude de la population se résume actuellement à cette question : où et quand ? Une inquiétude que les dirigeants politiques ne semblent pas partager. En ne réagissant pas après les attentats de Hydra et de Ben Aknoun, le chef de l'Etat a accentué le sentiment d'abandon de la population. Celle-ci ne comprend pas que sa sécurité passe au second plan après celle du « troisième mandat » présidentiel, comme elle ne comprend pas qu'aucune stratégie de riposte n'ait été décidée dès le lendemain des attentats. Une stratégie dont un des volets ne peut qu'être la prise en charge du volet social des Algériens car le terrorisme se nourrit aussi de la détresse des gens.