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Palette d'alphabet
Hamza Bounoua. Un artiste algérien dans le Golfe
Publié dans El Watan le 10 - 04 - 2008

Pendant près d'un siècle, Paris fut la destination incontournable des peintres algériens. C'est dans cette ville que l'avant-garde de la peinture nationale développa son embryon, au contact vivifiant des nouvelles tendances universelles et en rupture avec l'orientalisme qui prévalait en Algérie.
Ainsi, dans les années cinquante, Issiakhem, Khadda, Mesli, Guermaz, Benanteur et d'autres vinrent porter sur les rives de la Seine leur soif de nouveauté et leur désir d'exprimer l'aspiration à l'indépendance. En 1947, Baya, à peine adolescente, avait vu ses œuvres exposées dans la prestigieuse Galerie Maeght. Cette attraction de la capitale française n'est pas près de cesser chez les créateurs algériens comme chez leurs pairs du monde entier. Depuis quelques années pourtant, quelques artistes algériens investissent d'autres lieux. On a vu ainsi Driss Ouaddahi prendre ses quartiers à Düsseldorf, à partir de laquelle il fait rayonner son travail jusqu'aux Etats-Unis, ou encore Zineb Sedira s'installer à Londres. Cette diversification géo-artistique correspond aussi à une certaine décentralisation des places fortes de l'art. En élisant domicile à Koweït, où il vit et travaille depuis près de six ans, Hamza Bounoua a inauguré la direction des pays du Golfe qui connaissent désormais une dynamique artistique reconnue. En une décennie environ, les pays de la région, notamment les Emirats arabes unis, ont réussi à se positionner sur le marché mondial de l'art. Leurs biennales d'art, salons et expositions sont désormais courues, y compris par les artistes européens, américains et asiatiques. Bien sûr, l'argent du pétrole est à la base de ce déploiement et correspond aussi au désir d'investissement ou de prestige de riches collectionneurs. Mais ce serait caricaturer une situation où l'on voit s'ouvrir d'innombrables galeries privées et salles de vente et où l'art contemporain, parfois le plus audacieux, trouve des espaces d'expression et de promotion. On y note d'ailleurs l'émergence d'artistes locaux émérites où les femmes ne sont pas en reste. C'est cette effervescence que Hamza Bounoua est allé chercher et qui lui réussit. En décembre 2006, il a reçu à Koweït le grand prix de la biennale internationale El Khourafi de l'art arabe contemporain, première distinction d'importance dans un palmarès qui comprenait jusque-là des récompenses plus modestes. Né à Alger en 1979, Hamza Bounoua a étudié à l'Ecole supérieure des Beaux-arts d'Alger, prenant le risque d'arrêter ses études à un an du diplôme et celui de vivre de son art. Il se rendra même un moment au Brésil pour y tenter l'aventure. En 1999, ses œuvres sont à Londres, Beyrouth ainsi qu'à Bahreïn et au Koweït, où il engage ses premières relations avec les milieux artistiques de la région. C 'est l'année aussi où se tient à Marseille sa première exposition personnelle, la deuxième ayant eu lieu en 2002 à la galerie Esma d'Alger, en duo avec le Grec Simankis. En neuf ans, en comptant la présente exposition, il a donc à son actif sept expositions individuelles, ce qui atteste d'une production régulière comme de l'intérêt des professionnels à son égard. A titre individuel, il s'est produit aussi au Brésil, au Canada et deux fois au Koweït. Sa présence dans des expositions collectives est centrée sur le Golfe et le Moyen-Orient mais on le retrouve aussi sur les catalogues de manifestations en Angleterre, en Bosnie, en Chine... Dans ses tribulations, il a toujours tenu à garder un lien avec l'Algérie, profitant régulièrement de ses séjours au pays pour confier quelques œuvres à des galeries privées. Ainsi, son évolution a pu être un peu suivie ici. Fort de son succès sous d'autres cieux, Bounoua ne joue pas cependant au retour de l'enfant prodigue. D'un naturel très réservé, il laisse transparaître sa joie que l'Algérie lui ait consacré une exposition aussi importante, la deuxième personnelle au Mama après celle de Malek Salah, fin 2007. Son exposition comprend 72 œuvres typiques de son travail. Formats moyens ou grands, parfois réduits à de longues bandes verticales en séries, peinture acrylique, supports en plexiglas, bois ou papier. Dans le lot, figurent également six volumes en pyramides. Le titre de l'exposition, « L'ascension de la lettre vers le ciel », exprime bien le propos de l'artiste pour lequel il développe tout son talent de composition, de maîtrise des formes, des couleurs et des matières à partir d'un vocabulaire plastique centré sur la calligraphie arabe. Ce faisant, il emprunte la voie tracée par ses prédécesseurs, Mohamed Khadda d'abord, qui donna à la lettre arabe une richesse d'expression plastique inscrite dans la modernité, puis Rachid Koraïchi qui, également calligraphe émérite, effectuant un immense travail de recherche sur les manuscrits, sollicite ce fonds pour des expressions contemporaines qui l'ont propulsé dans les arcanes de l'art mondial. D'autres Algériens travaillent sur la calligraphie mais, en termes de générations d'artistes, il semble bien que Khadda, pour la première, Koraïchi pour la seconde et Bounoua, pour la troisième, dessinent une ligne de constance. Constance mais aussi filiation car si, ni Khadda, ni Koraïchi n'ont enseigné à Bounoua, il est patent que son œuvre se situe entre ces deux références. Khadda utilisait la lettre arabe comme une sorte de fil conducteur. Il en liait la richesse, la souplesse et la liberté à d'autres éléments. Ainsi, les racines d'oliviers qui marquèrent son enfance, le travail d'imprimeur dans sa jeunesse ainsi que son attachement au monde végétal et minéral, le conduisirent à donner de l'épaisseur à ses compositions et à travailler d'abord en tant que peintre. Il était en cela inscrit dans l'avant-garde des années cinquante, notamment l'abstraction lyrique, qui conservait dans un discours pictural radicalement nouveau les techniques des pré-modernes, voire des classiques, dans le traitement et l'apposition des couleurs, avec une fidélité à la toile et au cadre. Il était un homme du pinceau et cet outil dominait chez lui, y compris dans les éléments calligraphiques. Koraïchi, lui aussi de son époque, s'est inscrit dans une double tendance. La première est celle d'une peinture contemporaine qui rompt avec les techniques et supports classiques (chevalet, toile, pinceau, huile) pour nouer des rapprochements avec le graphisme. La deuxième est celle d'une réaffirmation des arts traditionnels anciens, liée à la mouvance postcoloniale et la recherche de la diversité culturelle, avec une expression plastique identitaire et spirituelle. Chez Koraïchi, plus que chez Khadda, la lettre se distingue clairement, peut se lire même, et dans son travail, si le pinceau n'est pas absent, il doit partager avec le qalam ou la plume, ses surfaces colorées étant souvent en à-plats, ses supports étant plus divers, libérés de la toile, pour aller vers les papiers, la céramique, les tissages mêmes.
Déraison du raisonnement
Dans le travail de Bounoua, on retrouve mêlées les deux approches précédentes avec peut-être une inclination vers l'approche Khadda. Sur une même œuvre peuvent se côtoyer la propension vers la peinture (épaisseur des couleurs, mélanges de celles-ci…), vers le graphisme (à-plats, traits rectilignes…) et vers l'utilisation de supports divers (bois, papier, plexiglas, verre). En cela, il s'intègre dans une histoire artistique nationale (mais pas seulement), qui l'interpelle. Il montre son désir d'absorber l'ensemble du parcours de la calligraphie dans la peinture (ou du moins, ses éléments marquants) en produisant une expression nouvelle, propre à son talent, par ailleurs immense. Une des richesses de son travail réside dans la confrontation d'espaces obscurs et de percées lumineuses (couleurs éclatantes) qui provoquent autant d'effets visuels que de réflexion sur sa représentation de la lettre. Il sublime celle-ci mais la place en situation de déséquilibre, voire de danger, comme dans ses œuvres où elle côtoie des numéros de séries, typiques des emballages industriels. Dans ce combat entre ténèbres et clartés, il projette ses mouvements calligraphiques avec brio, suggérant la fin d'un monde, celui de l'écriture manuscrite et de la multiplicité des sens au profit d'une uniformisation mondiale. Tantôt les lettres se plient aux carcans rectilignes, tantôt elles s'en échappent. Ses représentations humaines par les lettres, présentes déjà dans la plus ancienne tradition musulmane, mais réinterprétées chez les peintres arabes contemporains, soulignent à la fois une vision religieuse (l'homme en tant que création divine), un élan mystique (l'élévation de soi par l'écriture, support de spiritualité) et une préoccupation éthique (l'homme menacé de perdre l'écriture manuscrite au profit de standards). Un rythme intense se dégage de ces œuvres et, contrairement à notre confrère Yacine Idjer (Un imaginaire coloré et savoureux. in Info-Soir, 27/03/08), nous ne pensons pas qu'il s'agisse là d'une « démarche artistique consistant à privilégier plus l'aspect décoratif » qu'un « raisonnement intellectuel visant à favoriser la recherche esthétique et thématique ». Cette vision débouche d'ailleurs sur un verdict impitoyable : « En somme, l'art de Hamza Bounoua s'avère manifestement superfétatoire. C'est un art qui, relevant du folklore, revêt un caractère commercial ». Tout artiste et créateur se retrouve, et ce, depuis les origines, confronté à la question vitale de sa subsistance. Vivre de son art est un exercice périlleux que même les grands maîtres ont dû subir. Les exemples sont légion de tentations, renoncements ou faiblesses qui rendent l'artiste à sa simple dimension humaine. Mais la recherche d'effets esthétiques qui, sans doute, vise aussi à se positionner sur le marché de l'art, n'est pas réductible à de viles considérations. L'art est avant tout le domaine du beau et même une œuvre à l'inspiration aussi tragique que « Guernica » de Picasso, n'aurait pas marqué son temps sans ses immenses qualités esthétiques. Il y a certes plus qu'une nuance entre l'esthétique et le décoratif que notre confrère a le mérite de souligner. Se résume-t-elle pour autant à l'absence d'un « raisonnement intellectuel » qui souvent tue l'art en le privant de ses élans ou en le contraignant à n'être que la transposition plastique d'un discours ? Le raisonnement relève plutôt du travail de la critique dans sa liberté d'apporter une interprétation ou une lecture des œuvres. Hamza Bounoua présente « le handicap » de ne pas savoir parler de sa peinture, ni surtout de l'intellectualiser, ce qu'il partage avec la plupart des artistes. On peut souligner ici que Khadda était un des rares artistes capable d'écrire et d'analyser sa démarche. Il baignait dans un univers intellectuel lié autant à son engagement nationaliste qu'à ses opinions politiques. De même, Koraïchi se distingue par une approche formulée de son travail, lié à son éthique et à la revendication d'une spiritualité. Le premier est né en 1930, le second en 1947, dix-sept ans après le premier, et Bounoua en 1979, soit dix-sept ans après l'indépendance ! En ce sens, il est représentatif aussi de sa génération, passée au moule de l'école fondamentale où l'on apprenait à ne pas s'exprimer. Qu'il n'ait pas les mots ou les concepts pour dire ses œuvres ne peut lui être reproché. Qu'il ait eu le talent et le courage de s'affirmer par l'art est au moins méritoire. Disposer d'une grande exposition dans un lieu institutionnel de son pays ne peut que l'encourager à ne pas céder au diktat des collectionneurs du Golfe ou d'ailleurs et, la réussite lui souriant maintenant, à s'engager dans l'approfondissement et le renouvellement de sa production. En art, toute excellence pose le terrible défi de son dépassement.
Exposition « L'ascension de la lettre vers le ciel » de Hamza Bounoua. MAMA. 25, rue Larbi Ben M'hidi. Alger. Jusqu'au 24 avril. Entrée libre.


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