Les accidents de la route sont de nos jours l'une des premières causes de décès. Ce fléau des temps modernes est pris au sérieux par les spécialistes de la prévention routière. Si les causes matérielles ne sont pas négligées, il n'en demeure pas moins que l'élément humain reste de loin le principal coupable. Rares sont les chauffeurs de véhicule à ne jamais avoir outrepassé le code de la route. Mohamed Kichou est natif d'Azzefoun. Il aura été - sa vie professionnelle durant - un conducteur de bus sans reproche. Son record est éloquent : 45 ans de conduite sans aucun problème excepté les inévitables pannes de moteur. Au crépuscule de sa vie, il avouait ignorer totalement le monde grouillant des procès-verbaux et des bureaux d'agences d'assurance. Quelle est donc cette recette magique qui l'a amené à dompter de la sorte les caprices des routes chaotiques d'Algérie ? « Le bon conducteur est celui qui aime son véhicule. Il ne le malmène jamais avec ces pointes de vitesse impromptues et inutiles. Il m'arrive de passer des heures entières à bichonner mon bus. » Une réponse qui sonne encore dans les oreilles de ceux qui l'ont connu. En effet, ce gentleman du volant nous a quittés cette année sans avoir eu le temps de savourer sa retraite prise deux ans auparavant. Les nombreux passagers qui ont eu à emprunter le mythique bus Oiseau blanc d'Azzefoun à Alger des années 1950 et 1960 ou les Satac et SNTV des années 1970 - 1980 garderont de lui le souvenir d'un conducteur hors pair. Au volant, ses sens sont toujours aux aguets, ses gestes calculés avec prudence afin de rendre la vitesse uniforme. Avec Kichou, la longue série de virages en épingle à cheveux reliant Fréha à Azzefoun est avalée sans accroc presque avec douceur. Le respect dont il jouissait de son vivant se lisait le jour de son enterrement.
