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L'OAS, le côté obscur d'une armée en déroute
Les deniers jours du colonialisme français en Algérie
Publié dans El Watan le 03 - 07 - 2008

Insidieusement, tel le sable poudreux et sournois charrié par un puissant simoun, l'idée que c'est le FLN qui a chassé les Européens d'Algérie s'est insinuée partout, et s'est installée à perpétuelle demeure dans les esprits, portée par des ouvrages souvent présumés « sérieux », écrits par des historiens putatifs, « crédibles », pour ne pas dire « auteurs impartiaux », qui ont, jusqu'ici, abordé la question, s'il en est d'« absolument objectifs » et de « totalement désintéressés ».
Un peu comme le mythe grotesque du massacre de 150 000 harkis au lendemain de l'indépendance. C'est, autrement dit, la fameuse parabole du « mensonge mille fois répété » qui devient une vérité. Pourtant, dans le souvenir des uns comme des autres – les uns étant forcément les Algériens – il ne fait pas de doute que ce terrifiant slogan « la valise ou le cercueil », est né de l'esprit démentiel des sicaires regroupés au sein de l'OAS par le général Raoul Salan, sinistre birbe, criminel, assisté de condottieres glanés ici et là dans la souille du colonialisme crépusculaire. Château-Jobert, Degueldre, Demarquez, Gardes, Godart, Lagaillarde, Pérez, Susini, Ronda, Vaudrey et des centaines d'autres assassins patentés, jouissant de complicités au sein de l'administration, des services spéciaux, de l'armée, de la police, de la gendarmerie, par eux équipés, ont déchaîné leurs milices contre les populations civiles, bien avant le 19 mars et l'entrée en application des accords d'Evian. L'OAS, créature de la haine, est une abomination extrême, droit sortie du ventre de la guerre.
Seule, elle est apte à enfanter une telle répugnance. On date souvent, et à tort, la naissance de cette entreprise diabolique à la période qui a succédé à la tentative du putsch avorté d'avril 1961, fomentée par « un quarteron de généraux en retraite » : Challe, Jouhaud, Salan, Zeller, pour ne pas les nommer. En réalité, l'OAS est née avant le désastreux pronunciamiento. Les exécuteurs des « commandos delta » n'étaient que les effroyables donataires de leurs aînés comme la main rouge, le comité des quarante, les groupes du club Charles Martel, etc. Dès le mois de janvier 1961, les nervis les plus politisés, cornaqués par le général Raoul Salan, 62 ans, flanqué de quelques affidés comme Jean-Jacques Susini ou Pierre Lagaillarde, lesquels se sont distingués durant tout le conflit par leur activisme et leur cruauté, ont emmanché le projet. Enforcis de quelques parlementaires de l'honorable Assemblée nationale française, dans « la clandestinité » mais sous le soleil, chez Bahamonde Franco, caudillo de la très catholique Espagne, qui leur a offert l'hospitalité, ils avaient pactisé au bas de ce qu'ils ont appelé « les accords de Madrid ». La presse de l'époque ne s'en était pas fait l'écho.
Est-ce parce que le secret était hermétiquement scellé, ou alors les conciliabules ibériques d'un général pensionné, aigri et d'un tout-fou comme le député Pierre Poujade, géniteur politique du tortionnaire Jean-Marie Le Pen, ne méritaient pas une brève, pas même au bas d'une page de gauche ? Si cette dernière hypothèse a prévalu, on en mesurera après coup l'étendue de l'erreur car, de ces escapades madrilènes serait née la noire monstruosité qui ne s'appelait pas encore l'Organisation armée secrète (OAS). Cependant, le 15 janvier 1961, un porte-parole de Joseph Ortiz, cafetier de son état, poujadiste de religion, impliqué, Ô paradoxe ! dans l'attentat au bazooka du 16 janvier 1957 qui visait le général… Salan, alors commandant de la 10e région militaire, annonçait la création d'un « Gouvernement provisoire de l'Algérie française ». Le 4 mars, un premier tract distribué à Alger, révélait la naissance d'une « armée secrète ». Deux jours après, apparaissaient sur les murs de la ville blanche, les trois sinistres lettres : O - A - S. Le 9 mars, un autre tract annonçait urbi et orbi que « l'union sacrée » était réalisée, le document donnait même la composition de l'organisation.
Parallèlement, le verdict de clémence prononcé en mars 1961 en faveur des insurgés de la semaine des barricades de janvier et février 1960, a enhardi les candidats à l'aventure hystérique. Le procès jugeait les émeutiers anti-gaullistes favorables au général Massu. Ce dernier, paladin hiératique du petit peuple de Bab el Oued, nimbé de ses succès contre les réseaux du FLN à Alger, durant et après la grève des huit jours, (janvier à octobre 1957), venait d'être précipité dans la disgrâce et muté outre-Rhin par de Gaulle pour propos « séditieux » critiquant en termes peu civils, dans le creux de l'oreille d'un journaliste… allemand de surcroît, la politique algérienne du chef de l'Etat. Malgré les 22 morts et la cinquantaine de blessés du 24 janvier 1960, premier jour des manifestations, mais sans doute pour calmer le jeu, les magistrats ont opté pour une sentence indulgente. Cette magnanimité (dont les Algériens n'ont jamais bénéficié), n'a pas été étrangère au recrutement dans la meute, d'une flopée de cocardiers récidivistes, impunis mais vindicatifs. On a très vite et même trop vitement, qualifié les membres de ces phalanges de « soldats du désespoir », pour ainsi en justifier la violence. Ce sont des « soldats perdus », les « victimisait »-on, comme pour les absoudre de leurs actes de desperados. « C'est plus fort qu'eux, ils perdent leur pays ! »
Rien de plus faux !
Le FLN qui se battait depuis sept ans et trois mois ne leur enlevait pas l'Algérie. Il voulait simplement la rendre à tous les Algériens, pour peu qu'ils s'affirment en tant que tels, conformément à l'appel du 1er novembre 1954 ! Celui-ci, en effet, offrait aux Français de demeurer en Algérie et de choisir de rester Français, auquel cas ils seraient « de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur » ou d'opter « pour la nationalité algérienne et, dans ce cas, [(ils)] seront considérés comme tels en droits et en devoirs ». Pour la petite histoire, la mère de Jean Jacques Susini, qui n'est du reste en rien responsable des agissements de son sectateur de fils, est restée chez elle à Alger, jusqu'en 1968 ! A notre connaissance, aucun « cannibale » n'est venu au petit matin lui proposer des petits oignons, des carottes et du persil. « Nous sommes peut-être les seuls parmi les colonisés qui voient la possibilité de vivre avec leurs anciens colonisateurs », déclarait en novembre 1961 Saâd Dahlab, alors ministre des Affaires étrangères. « Ce que nous leur demandons, poursuivait-il, c'est de ne plus se considérer comme des super citoyens. Nous sommes décidés à leur accorder tous les droits qui leur permettront de s'épanouir en Algérie, même s'ils ne veulent pas être Algériens (...) Il est inconcevable de parler de démocratie, de paix, de justice si nous avons l'intention d'opprimer une minorité qui n'est pas d'origine arabe. Nous voulons que les Français qui veulent garder leurs particularismes soient entièrement libres ». Mais voilà, « les soldats du désespoir » qui se sont autoproclamés représentants – de gré ou de force – de la communauté européenne d'Algérie, n'étaient pas partageux.
Cette « armée » des ténèbres a animé et pris une part active à la machination qui visait du 21 au 25 avril 1961, rien de moins que le renversement du gouvernement du général de Gaulle et le chambard de tout son chantier. Mais l'homme qu'ils avaient eux-mêmes porté au pinacle lors de la kermesse du 13 mai 1958, en fait un coup de force de l'armée, déguisé en « retour de l'enfant prodige », ne s'en laissa pas conter et dans une exhortation pathétique – dont il maîtrise les ficelles – il en a appelé à l'esprit patriotique du peuple de France et au caractère républicain de son armée pour « barrer la route » aux factieux « avant de les réduire ». Aussitôt l'échec de la mutinerie consommé, la bête s'est tapie, attendant une heure plus propice. Elle ne restera pas longtemps en immersion. Son délire meurtrier va se déchaîner à mesure que se dessine l'issue inéluctable du combat du peuple algérien.
L'OAS agira comme une soupape, elle régulait la colère de tous ceux qui se sont estimés floués par de Gaulle. Car, la majorité des Européens d'Algérie ne se sont jamais résolus à l'idée que c'est la guerre qui a été faite au colonialisme qui a fini par triompher du système inique et saper les bases de la domination. Ceux que l'on appelait les pieds-noirs, se sont persuadés avec, bien sûr, un coup de pouce de l'appareil idéologique gaulliste, que c'est le chevaleresque et munificent « général-président » qui, dans un irréfrénable élan de bonté à l'endroit des Algériens, leur a fait don d'une colonie, trahissant ainsi les Européens qui avaient placé en lui une confiance infinie. Dans leur aveuglement égocentrique et leur refus de tout dialogue avec les Algériens, depuis que leurs aïeux ont foulé la plage de Sidi Fredj, 132 années avant, ils se sont interdit de regarder en face le peuple réel de ce pays, de s'asseoir, comme on dit, vison-visu et parler.
Le jaillissement tragique et brutal de ce troisième acteur qu'était l'OAS au sein d'un conflit saisissant d'horreur, en a troublé plus d'un et tout portait à croire que si cette chose n'était pas la création du gouvernement français, celui-ci ne manquait pas de s'en servir. « Je crois que de Gaulle se sert de l'OAS comme d'un instrument de pression contre nous », déclarait Saâd Dahlab à un journaliste italien de l'Unita. Pour le commandant Azeddine, qui a mené le combat pied à pied contre cette organisation à Alger, « l'OAS a été suscitée, aidée et protégée par de hauts personnages de l'Etat. Nourrie des diatribes de Debré dans Le courrier de la colère, tenue en laisse par le pouvoir gaulliste comme une force parallèle de maintien de l'ordre… » C'est dire si les reîtres qui mettaient à feu et à sang le pays, particulièrement Alger et Oran, où la population d'origine européenne était majoritaire, bénéficiaient de la longanimité des autorités tant ici qu'à Paris. Après la promulgation des accords de cessez-le feu, l'histoire va s'accélérer et gagner en tragédie.
La cessation des combats qui venait d'être proclamée par le GPRA et le gouvernement français sur l'ensemble du territoire algérien, et qui sanctionnait de longues et âpres négociations ne réglait pas un méchant démêlé entre voisins, mais il mettait un terme, du moins le croyait-on, à la guerre de décolonisation la plus violente du XXe siècle. De sa férocité sans pareille, a giclé la monstruosité dont on ne mesurera jamais assez la bestialité, tant fut intense et glacial son acharnement assassin, obscure et glauque son inhumanité. Devant cette fureur sanguinaire, pressentant sans doute l'approfondissement inévitable du drame, le GPRA avait dépêché, secrètement, du moins à l'insu de l'autorité coloniale, dès les dernières semaines de l'année 1961, une avant-garde de cadres de l'ALN. Des hommes aguerris, placés sous la direction du commandant Azeddine, ancien chef du prestigieux commando Ali Khodja (wilaya IV - zone 1), membre du CNRA et de l'état-major général. Ils se sont appliqués à organiser le combat contre cette conspiration génocidaire, calquée sur les pires organisations nazies que l'humanité, dont des milliers d'Algériens, avait eu à combattre durant la Seconde Guerre mondiale.
La réactivation de la zone autonome d'Alger (ZAA) s'est avérée une heureuse résolution. L'OAS existait, elle activait depuis plusieurs mois, puisqu'il sera dénombré 5682 attentats, tous attribués à cette organisation, entre le 1er mai 1961 et le 31 janvier 1962 ! Ils auront coûté la vie à des centaines d'innocents et blessé des milliers de personnes et ceci avant la proclamation des accords d'Evian. Ces derniers n'avaient rien prévu concernant l'OAS. Aucun dispositif de lutte contre ces extrémistes n'avait été imaginé. Trois mois séparaient le cessez-le-feu du référendum. Qui allait protéger les populations civiles de la furie destructrice ? La force locale ? Inefficace, elle était cantonnée à Rocher Noir (Boumerdès). La police, la gendarmerie, l'armée françaises ? Tous ces corps étaient gangrenés. Les « barbouzes » ? Ils protégeaient les intérêts politiques de l'Elysée. Leur envoi, écrit Si Azeddine, « correspond à un triple objectif : écraser un mouvement séditieux qui ose braver les "grandeurs élyséennes" ; polariser l'attention de l'opinion publique sur la lutte menée par ces brigades anti-OAS et par là même classant au second plan la lutte du peuple algérien sous la houlette du FLN ; faire valoir l'idée que l'indépendance serait accordée par le gaullisme après l'écrasement de l'OAS, gaullisme qui, se posant ainsi en sauveur, jettera les bases d'une politique néo-colonialiste. C'est encore une fois le paternalisme de la carotte et du bâton ».
La ZAA rallumée, avait la double mission politique et militaire d'accompagner les Algériens jusqu'à l'indépendance. Il ne s'agissait pas d'un dispositif de combat ainsi que Benyoucef Ben Khedda définissait la première Zone autonome décidée par le Congrès de la Soummam qui avait mené, sous la conduite de Yacef Saâdi, « La Bataille d'Alger ». Sa résurrection visait grâce à une poignée d'officiers de terrain, tous issus de l'ALN, à organiser les populations pour qu'elles se prennent en charge, afin d'administrer leur vie quotidienne. Gérer la capitale, assurer les approvisionnements en denrées alimentaires, dispenser soins, médication, porter secours, maintenir l'ordre, garantir la protection. Il fallait également dissuader, par la riposte ferme, les commandos fascistes déterminés à appliquer la politique de la terre brûlée en espérant en leur for intérieur un soulèvement des Algériens qui ferait capoter les fragiles accords d'Evian et fournirait un prétexte à une intervention militaire massive. Massacrant sans distinction y compris des Européens, en Algérie et en France, semant la confusion dans les esprits, l'OAS a achevé de diviser irrémédiablement l'Algérie en communautés distinctes, séparation largement entamée par la violence de la guerre. Cette organisation de jusqu'au-boutistes a fait aux Européens dont elle réclamait la représentativité, qu'il s'agissait d'une fièvre coutumière et que « le temps béni de l'Algérie coloniale » n'était pas mort, mais qu'il fallait juste en faire payer le prix aux empêcheurs de coloniser en rond. Comme en 1945, comme avant quoi ! Trop tard, dès les premiers jours d'avril, un des plus remarquables exodes du vingtième siècle commençait à partir des rivages d'Algérie.
L'arrestation du général Salan, portant une moustache de théâtre et les cheveux teints, le 20 avril 1962, au cinquième étage du 23 rue Desfontaines à Alger, sur renseignements fournis à l'administration française par la ZAA, qui les tenait d'une femme de ménage membre de ses réseaux de renseignements, va décupler la férocité et la terreur. Réfugiés dans les quartiers populaires où elles se sont regroupées, et où elles ont organisé leur autodéfense sous le conduite des fidayîn de la ZAA, les Algériens demeuraient néanmoins individuellement vulnérables. C'est ainsi que les tueurs des commandos Delta s'en sont pris aux femmes de ménage, aux pompistes, etc., c'est-à-dire qu'ils ont frappé sur les lieux du travail. Le 2 mai au matin, à l'heure à laquelle les dockers se pressent devant les grilles du port dans l'espoir de décrocher un jeton qui leur fournira une paie journalière, un camion bourré de ferraille explose dans un bruit d'enfer et foudroie 70 malheureux dont le seul crime était d'avoir un impérieux besoin de travailler. Ecœurés et excédés par tant d'horreur accumulée, les Algériens des quartiers de La Casbah, du Climat de France résolus à en découdre ont voulu déferler sur les quartiers européens. Le pire fut évité par les cadres de la ZAA qui ont contenu la colère du peuple d'Alger et désamorcé son désir de vengeance. Le 14 mai, avec l'énergique riposte des fidayîn de la ZAA, la peur change de camp. « L'action ne dure pas plus de dix minutes. A bord de chacune des voitures de la Zone, sont montés trois fidayîn. L'un lance six grenades ; les deux autres armés de pistolets mitrailleurs, rafalent les cibles. Bilan officiel de la délégation générale : dix-sept membres influents de l'OAS tués et trente-cinq blessés, dans les repaires où ils se croyaient à l'abri. On peut multiplier par trois ce chiffre…
Les pieds-noirs sont sidérés de constater l'incapacité des chefs de l'OAS à protéger leurs propres postes de commandement ». Au regard de tout ce qui précède, on a du mal à comprendre ce curieux épisode que constituaient ce qu'on désignait par « accords FLN-OAS ». C'est le président de l'Exécutif provisoire Abderrahmane Farès, qui « redoutait, écrit-il, un affrontement sanglant entre les populations » (quelle neutralité !). C'est donc lui qui a pris l'initiative d'entrer en contact avec le chef des réseaux terroristes Jean-Jacques Susini. Ainsi, l'a-t-il rencontré et a engagé avec lui d'étranges négociations sur des chapitres déjà réglés par les accords d'Evian. Que pouvait donc offrir M. Farès aux assassins ou inversement ? La rumeur, entretenue par les ultras disait qu'ils avaient placé Alger sur un véritable volcan qui peut entrer en éruption au moment choisi par eux, ce que dément énergiquement le commandant Azeddine (voir entretien). Mais, par-delà le mystère qui entoure cette incompréhensible incohérence, on ne peut partager le sentiment de Farès lorsqu'il écrit de Jean Jacques Susini : « Je le sais intelligent et passionné », et lorsqu'il évoque « l'éloquence passionnée » de ce salaud, laquais de la mort.
On ne peut dire à ce monstre sur deux pattes qui a inspiré l'extermination de tant de personnes : « Vous êtes nationalistes algériens à votre manière ». 2200 vies ont été arrachées, chiffre officiel communiqué par l'administration française encore en place entre le 19 mars et la veille de l'indépendance. 2200 morts en moins de trois mois ! 25 morts par jour ; un mort par heure ! Avec des pics de 100 par jour. Et Dieu sait que les chiffres qui ont été communiqués à l'époque étaient loin de traduire la réalité. On ne peut servir du « Mon colonel » à quelque macabre tâcheron comme Gardes. Mais le plus écœurant dans toute cette tragédie, c'est que de l'autre côté de la Méditerranée tous ces terrifiants personnages ont été élevés au rang de héros. Chacun y a sa placette, son square, sa rue, son jardin, dans des villes, des villages, comme un pied de nez à l'histoire.
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Sources. — Saâd Dahlab. Pour l'indépendance de l'Algérie. Mission accomplie. Editions Dahlab. Alger - 1990. —Cdt. Azzedine. Et Alger ne brûla pas. ENAG Editions. Alger - 1997. —Remi Kauffer. OAS. Histoire d'une organisation secrète. Fayard. Paris - 1986. — Axel Nicol. La bataille de l'OAS. « Les 7 couleurs ». 1963. — Abderrahmane Farès. La cruelle vérité. Mémoires politiques. 1945-1965. Plon. Paris - 1982. — Mohamed Yousfi. L'OAS et la fin de la guerre d'Algérie. Editions ENAL. Alger - 1985.


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