Fervent défenseur de la presse aux Etats-Unis d'Amérique, Kevin W. Goering, avocat aux lourds bagages et distinctions honorifiques entre 2003 et 2008, a fait une intéressante conférence hier, au siège de l'ambassade, sur la liberté de la presse et la diffamation. Devant un parterre de journalistes, M. Goering a fait le tour des articles qui protègent la liberté de la presse, que ce soit aux Etats-Unis, à travers le deuxième amendement de la Constitution, dans le monde à travers l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ou en Europe, à travers l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Pour lui, le débat sur les limites de la liberté de la presse n'est pas clos, du fait que beaucoup estiment aujourd'hui que « c'est la compétition du marché qui impose ces limites et non pas les décisions du juge ». Au vu de sa longue expérience dans le domaine de la défense des journalistes, il a estimé qu'aujourd'hui le problème de l'obligation faite par les juges aux journalistes pour identifier leur source est une menace dans la mesure où elle pourrait décourager les sources à révéler des informations à la presse ». L'avocat n'a pas manqué de relever que les mesures instaurées depuis la guerre en Irak, telles que les écoutes téléphoniques et le contrôle de internet, constituent aussi des atteintes aux libertés, même si les lois de son pays interdisent formellement la prison pour un journaliste. « Mais il existe une seule situation où le journaliste peut être mis en prison. Lorsqu'il refuse de donner le nom de sa source », a-t-il noté. Le journaliste est libre, sauf quand il s'agit de la sécurité de l'Etat Selon lui, il est très difficile aux Etats-Unis de porter plainte contre un journal ou un journaliste et, lors du procès, c'est au plaignant d'apporter les preuves des accusations et non pas aux journalistes. « Ce qui explique que les procès contre la presse sont très rares. De même qu'il est interdit au gouvernement d'ester un journaliste en justice. Il faut savoir également qu'en Amérique un avocat ne peut pas défendre un journaliste et ensuite défendre quelqu'un qui dépose plainte contre la presse. Il faut faire un choix. Ou être défenseur de la presse et ne jamais être constitué dans une affaire contre un journal ou se mettre de l'autre côté de la barrière. » Lors du débat, le conférencier a été interrogé sur l'entretien avec le chef terroriste du Gspc, Droukdel, que le New York Times a publié récemment. « Le journal est libre de publier ce qu'il veut sauf dans le cas où l'entretien peut porter atteinte à la sécurité des Etats-Unis, que ce soit sur son territoire ou ailleurs. Par exemple, si dans cet entretien, il y a des informations sur un attentat contre les intérêts des USA, le journaliste pourra être sommé de ne pas le diffuser. Mais il ne peut être poursuivi », a-t-il répondu. « Pourtant, le cameraman de la chaîne qatarie Al Jazeera a été incarcéré à la prison de Guantanamo, sous le prétexte qu'il était en contact avec Al Qaïda, tout comme Taysir Allouni, journaliste de la même chaîne », a lancé un journaliste. M. Goering a répondu : « Je sais qu'il y avait une histoire de message mail, mais il reste à savoir si ce sont de vrais messages ou pas. Nos lois interdisent la prison aux journalistes. » Un autre journaliste a demandé à l'avocat si l'entretien avait été réalisé par le même journal, mais avec un Oussama Ben Laden qui fait l'apologie du terrorisme. « Je pense qu'il aurait été publié, mais l'auteur aurait été convoqué pour connaître les sources de cet entretien. » Interrogé sur les restrictions imposées dans le cadre du Patriot Act, le conférencier a expliqué que les dirigeants US « ont considéré ces attentats comme un acte de guerre, qui a mis le pays dans une situation particulière. Mais la situation n'est plus ce qu'elle était auparavant ». Pour lui, la liberté de la presse est « relative » et « c'est aux gouvernements » de voir comment la préserver sans toucher à la vie privée des gens. Il a cité comme exemple le fait qu'en Allemagne, il est interdit de faire l'apologie de certains faits du nazisme ou encore dans certains pays, où le fait de remettre en cause l'holocauste conduit directement à la prison. A ce sujet, il a été un peu froissé lorsqu'une consœur l'a interpellé sur les limites de la liberté d'expression dans le cas de l'affaire des caricatures diffamatoires à l'égard du Prophète. « Dans ce cas précis, la responsabilité du journaliste est pleinement engagée. » A signaler que le conférencier est membre du comité de communication et de la loi sur les médias au barreau de New York, du forum de la loi et de la communication au barreau américain, de New Media Association de New York et de Copyright Society des USA. Il a été élu meilleur avocat des Etats-Unis en 2004, 2005, 2006 et 2008, meilleur avocat en médias et divertissement en 2006 et 2007 et super avocat de New York, en 2007.