« Techniquement il n'y a aucune raison valable, encore moins un facteur objectif pouvant justifier une éventuelle flambée des prix des légumes et fruits pendant le Ramadhan ». Des spécialistes du secteur le confirment. Pour étayer cette analyse, ils avancent deux données de taille influençant directement le cours de la mercuriale. Le premier a trait à l'abondance de la production, et ce compte tenu du fait qu'on est en pleine saison de récolte, notamment des produits maraîchers ». La deuxième raison invoquée, et aussi paradoxale que cela puisse paraître, est que cette année le mois de jeûne coïncide avec l'été, saison réputée pour ses grandes chaleurs. « Les prix des fruits et légumes affichés dans le marché de gros de Attatba n'ont pas connu une hausse vertigineuse, alors qu'on est à moins de trois jours du mois sacré. J'insiste sur trois jours du mois de ramadhan, car d'habitude c'est à ce moment là que la mercuriale commence à s'affoler. Or, hormis une légère augmentation relevée sur deux ou trois spéculations proposées en vente, la tendance générale est stable » rassure M. Semsar, le directeur général de MAGFEL (Marché de Gros des fruits et légumes de Attatba). Si certains prix de produits proposés dans ce marché qui rayonnent sur une grande partie de la région centre, ont augmenté en moyenne de 10 à 15 DA, ceci, assure notre interlocuteur, est conjoncturel. « On constate une forte demande ces jours-ci sur des légumes, tels que l'haricot vert, la courgette, la carotte. En réaction, les prix ont légèrement augmenté, selon la loi de l'offre et de la demande. Toutefois, à partir du Ramadhan, les prix vont reculer sensiblement » prévoit-il. Et d'ajouter « la disponibilité des produits et le climat actuel favorisent à tous points de vue une baisse des prix. D'ailleurs, tous les produits de maraîchage qui connaissent une forte demande pendant le mois de ramadhan sont des légumes de saison, donc à la base leurs prix sont abordables, dans la mesure où les coûts de production sont minimes par rapport aux produits hors saison. Aussi, les commerçants sont tenus d'écouler leurs marchandises généralement le jour même de leur achat, sous peine que leur qualité se détériore sous l'effet de la chaleur » explique-t-il. S'il arrive que des spéculateurs essaieraient de stocker des produits maraîchers dans des chambres froides dans le but de provoquer une pénurie, synonyme d'une hausse des prix, il n'est pas sûr que l'effet escompté se réalise, et ce pour la simple raison que le marché est régulièrement alimenté en quantité. « Il est illusoire de penser que des spéculateurs tenteraient une emprise sur le marché des légumes, car toutes les conditions ne s'y prêtent pas » souligne un mandataire du marché de gros d'Attatba. En revanche, il conseille le consommateur de s'approvisionner normalement pendant le ramadhan, surtout en ses débuts, souvent marqués par une tendance haussière de la demande. LA SPECULATION DANS LE « DETAIL » Toutefois, tout risque de spéculation n'est pas à écarter et ce, même si les fruits et légumes vendus en gros sont abordables. « On constate souvent une importante marge entre les prix de vente dans les marchés de détail par rapport aux marchés de gros. Cette différence qui peut atteindre les 150 et même les 200 % ne peut être justifiée par la loi de l'offre et de la demande » constate un spécialiste du secteur. « J'ai moi-même fait l'expérience. Alors que la laitue coûtait 30 DA, dans le marché de gros, des détaillants la proposaient à 80 DA » témoigne-t-il. « Par définition, le marché c'est le lieu de concentration de l'offre et de la demande. Or, lorsqu' il y a dispersion de l'offre, phénomène amplifié en partie par la prolifération de marchands informels, sur les routes et en dehors des circuits commerciaux formels, on s'attendra fatalement à la non-maîtrise de la mercuriale, donc, des prix échappant aux règles élémentaires du marché, notamment l'offre et la demande », insiste, à ce propos, M. Ali, un autre opérateur du secteur. Pour juguler le phénomène de la dispersion de l'offre et partant, imposer les véritables règles du marché, ce dernier préconise l'élargissement du réseau des marchés de proximité. « Ouvrir des marchés de proximité n'est pas un choix, mais une nécessité urgente pour réguler le marché des produits de maraîchage. Encore faut-il que ces places de négoces soient implantés dans des endroits stratégiques attirant à la fois le vendeur et le consommateur » prévient-il.