L a statistique la plus largement connue est qu'un viol est commis toutes les 20 minutes. Dans les rues, la violence sexuelle est un fait avéré. Un des guides touristiques les plus courus en Occident, Lonely Planet, dans son édition sur l'Inde, consacre pas moins de cinq pages aux risques de harcèlement sexuel et d'attouchements auxquels s'exposent les femmes qui voyagent dans ce pays. Pourtant, ce pays, qui semble avoir un vrai problème avec les femmes, n'en est pas des moins avancé en matière de représentation politique des femmes. Une femme Premier ministre est une banalité dans ce pays. Alors des femmes qui étudient et qui travaillent, qui occupent l'espace public, rien d'extravagant. Pourtant, le viol collectif et le meurtre barbare d'une jeune étudiante dans un bus à New Delhi a révélé une autre image de l'Inde. Par ailleurs, chaque année, les mouvements féministes ne manquent pas de dénoncer la violence sexuelle subie quotidiennement par la moitié de la population du pays. Mais jusque-là, le fait était quasiment sans écho. Mais, ce viol parmi les 25.000 commis chaque année, serait le viol de trop. L'analyse des médias indiens souligne la violence de l'acte. La victime était accompagnée d'un jeune homme qui a été battu par les agresseurs avant d'être jeté nu avec elle dans la rue. Les agresseurs ont voulu également écraser avec le bus la jeune fille. « Même les animaux ne se comportent pas ainsi » a raconté le survivant devant le tribunal. Mais on souligne en Inde aussi que la jeune fille issue de la classe moyenne a été agressée par des hommes d'une classe inférieure, ce qui a chiqué encore plus semble-t-il. Réminiscence des castes ? Incidemment, ou par commodité d'explication, il est toutefois difficile de croire qu'un tel mouvement n'ait pas des répercussions à long terme. Face aux manifestations imposantes, quasi quotidiennes depuis trois semaines, le gouvernement indien a créé un tribunal spécial à New Delhi pour les cas de viol et réduire les délais de traitement de ces crimes. Le parti du Congrès, chef de file de la coalition au pouvoir, propose que le viol soit sanctionné par la castration chimique des fautifs assortis de 30 ans de prison. Les manifestants demandent, quant à eux, la peine capitale. Une hyper sexualisation Mais au-delà des manifestations de colère, on comprend que le plus urgent c'est surtout les contradictions fondamentales et perturbantes qui minent la société dont on ne pourra se départir tout de suite. Une enquête menée en juin par TrustLaw avait classé l'Inde comme le pire pays – sur vingt étudiés - pour les femmes. L'enquête soulignait les mariages des mineures, les meurtres pour dot insuffisante et l'esclavage domestique qui frappaient les femmes. Une situation qualifiée pire qu'en Arabie Saoudite, pays où les femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'en 2011 et sont considérées légalement comme mineures à tout âge de leur vie et ne sont toujours pas autorisées à conduire une automobile. L'enquête pointait du doigt les contradictions particulièrement perceptible en matière sexuelle. Au pays du Kamasoutra, le sexe est partout. Cinéma, publicité, graffitis vulgaires, pilules, potions artisanales pour augmenter les performances au lit. Google Trends, le compteur statistique des requêtes internet indique que l'Inde est l'un des sept pays où l'on tape le plus souvent le mot « sexe » dans le moteur de recherche Google. Une enquête autre menée par un fabricant de préservatifs indiquait que l'âge moyen du premier rapport sexuel en Inde était passé de 23 ans en 2006 à 19,8 ans en 2011. Cela étant, le sexe demeure un sujet tabou dans la société. Un sondage mené en 2011 par India Today, le premier journal d'informations du pays, avait montré qu'un quart des sondés voudraient avoir des relations sexuelles avant le mariage tant que cela ne concernait pas leur famille. Malaise Une enquête sur l'égalité sexuelle menée par l'International Centre for Research on Women, basé à Washington, révélait, en 2011, qu'un Indien sur quatre avait déjà commis dans sa vie des violences sexuelles et qu'un sur cinq avait déjà forcé sa partenaire à avoir des relations sexuelles avec lui. Dans la même enquête on trouvait que plus de 65% des Indiens interrogés considéraient que les femmes méritaient d'une façon ou d'une autre d'être battues et devaient tolérer cette violence pour le bien de l'unité familiale. Le Bureau indien des statistiques criminelles indique pour sa part que les cas de viol ont augmenté de près de 900% ces quarante dernières années quand les meurtres ont augmenté de 250% en soixante ans. Des viols devenus courants et totalement acceptés au point où en octobre, après une vingtaine de viols enregistrés dans le petit Etat d'Haryana, la ministre en chef du Bengale occidental, Mamata Banerjee, avait attribué cette augmentation des violences sexuelles à la mixité ambiante. « C'est comme un marché ouvert, aux options ouvertes », avait-elle alors déclaré.Un conseil communal d'anciens avait demandé aussi de baisser l'âge légal du mariage pour les femmes de 18 à 15 ou 16 ans, pour diminuer les viols.