Lieu mythique et incontournable de la ville, le plus ancien et le plus connu des cafés de Constantine est toujours là, un passage obligé pour les touristes et les enfants de la ville qui viennent pour siroter un thé à la menthe et redécouvrir la magie de cet établissement. Le café Nedjma, appelé aussi par le passé El-Goufla, a été inauguré en 1928 par son premier propriétaire, Hadj Khoudja-Ladjabi, aujourd'hui tenu par un de ses neveux de la famille Beldjoudi. Avec son emplacement idéal, dominant la place Ladjabi (ex-Molière) entre la fameuse Médersa, le quartier EChatt et la ruelle Arbaïne-Chérif (les quarante saints) où se trouvait l'imprimerie de l'association des oulémas, le café était un lieu de rencontre pour les artistes, les médersiens et les disciples de Cheikh Benbadis. A côté de Nedjma, on comptait aussi deux autres cafés très prisés à l'époque : celui de « Bouarbitt » et « Benyamina » (fermé dans les années 1950). De grands noms fréquentaient les lieux tels que Kateb Yacine, Makek Bennabi,Tahar Ben Lounissi, Zouaoui Fergani (frère aîné de Mohamed-Tahar), Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf, Smail Hamdani, Tahar Ouettar, l'ancien Président Houari Boumediene, Abdelmoumène Ben Tobbal, Mahieddine Bachtarzi ou encore M'Hamed El Anka. La « sedda », sorte de mezzanine, petite annexe du café, servait d'espace de rencontre et lecture pour les médersiens et les étudiants. Elle est fermée depuis environ dix ans reconvertie en studio de photographie. 86 ans après son ouverture, la même ambiance règne au café Nejdma qui continue d'ouvrir ses portes aux artistes. Et même si le décor a beaucoup changé, les actuels propriétaires que sont Hadj Beldjoudi et son fils le jeune Yazid sont déterminés à conserver le lieu comme il l'est : « Si nous étions tentés par l'argent, nous aurions pu le reconvertir en restaurant chawarma ou en bazar, mais nous tenons vraiment à ce café » nous dira Yazid. Avec les moyens du bord, les propriétaires tentent de recréer l'atmosphère qui régnait il y a plus d'un demi-siècle. L'oncle de Yazid, Abdelmadjid Koutchoukali, nous assure que le café est un repère des artistes : « Il sert de rendez-vous pour les artistes, malgré toutes les difficultés, il y a beaucoup de touristes et de curieux qui viennent s'attabler à la terrasse et boire un thé. Dans les années 1980, le café restait ouvert 24h24, parce qu'à l'époque, les commerçants grossistes de chaussures et de tissus venaient de tous les coins s'approvisionner ici, à la rue Benmhidi. Aujourd'hui encore, nous organisons des soirées animées par des orchestres de malouf ou de Aissaoua. C'est surtout durant le Ramadhan que nous ouvrons nos portes aux artistes dans la pure tradition constantinoise en servant du thé et des plateaux de gâteaux traditionnels. Lors de festivals internationaux de malouf, les artistes tunisiens, marocains ou algériens venaient chaque soir pour découvrir l'ambiance du café et donnaient des petits concerts. Nous sommes très fiers de cela. » Au mois de janvier dernier, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, a effectué une visite surprise au café El-Goufla et est restée plus d'une demi-heure accompagnée par toute une délégation. Mme Toumi a bien évidemment siroté un thé et s'est engagée à restaurer le café dans le cadre de la manifestation Constantine capitale de la culture arabe, une promesse que les propriétaires voudraient bien se concrétiser : « La ministre nous a promis d'essayer de le rénover dans la pure tradition constantinoise, au même titre qu'un autre café mythique à Tlemcen. Nous espérons vraiment que cela se concrétise » souhaite Yazid.