Le nouveau maître, fraîchement investi par la Haute cour constitutionnelle (HCC), a été intronisé, hier, au cours d'une cérémonie grandiose à laquelle près de 400.000 personnes ont assisté. Après trois mois d'un bras de fer, conclu par le départ et la destitution de Ravalamanana, la transmission du pouvoir consacre la montée en puissance d'André Rajoelina, promettant « la bonne gouvernance » et proclamant « la fin de la dictature, de la gabegie et la pensée unique ». Mais, quoique nanti des « pleins pouvoirs » consentis par la HCC et symboliquement exercés lors du premier conseil des ministres tenu le jour même de son investiture, l'ère « TGV », c'est le surnom donné au nouveau président, reste précaire. La fragilité institutionnelle, aggravée par les manquements à l'ordre constitutionnel, pèse sur le devenir de celui qui veut incarner les idéaux de changement démocratique et de bien-être social. Son pouvoir est miné de l'intérieur par les dissensions qui existent entre la caste des colonels placés au premier plan de la contestation bousculant la vieille hiérarchie militaire. Dans un communiqué, publié sur le site Topmada.Com, un avertissement est lancé par les troupes navales, basées à Invato, dans le district de la capitale où est situé l'aéroport, ordonnant à « TGV » de quitter le pouvoir dans 7 jours à compter du 18 mars, date de son investiture. Mais, le désaveu cinglant mobilise la communauté internationale faisant bloc contre le « coup d'Etat » largement exprimé dans la dissolution des assemblées parlementaires. Si, concernant notamment l'ancienne métropole, un mouvement de sympathie s'est déclaré, le refus de la dérive anti-constitutionnel marque le pas et préfigure d'un isolement accéléré. Ainsi, en déficit de légitimité, le Madagascar a été suspendu, vendredi, par l'Union africaine de ses instances. La Grande île est menacée de sanction par la SADCC, l'Union européenne et les Etats-Unis décidant de l'arrêt de « l'aide non-humanitaire » (45% du budget de l'Etat). Dans l'œil du cyclone, la Grande île est désormais mise au banc des accusés. Elle incarne la malédiction africaine que la nouvelle Afrique, unie et aspirant à une intégration dans la société internationale pour mieux combattre le statut de marginalisation, veut à tout prix effacer et dépasser. En 9 mois, la « série noire » de la conquête du pouvoir par la force, en Mauritanie, en Guinée et en Guinée Bissau, rappelle la face sombre de l'Afrique de la décadence et de tendances totalitaires. Le combat de la bonne gouvernance, inscrite depuis le sommet d'Alger en priorités incontournables, reste l'enjeu central et décisif. Larbi Chaâbouni.