On a beau dire et écrire sur un ton alarmiste ou dépité, le bac, encore et toujours, reste, malgré tout, un examen à forte valeur symbolique. Il procure d'abord fierté aux lauréats qui éprouvent, à l'annonce de leur réussite, un immense sentiment de satisfaction. Les recalés sont immanquablement chagrinés comme si à l'ultime épreuve, ils ont failli. Le bac couronne des années d'apprentissage et décrocher ce diplôme, quels que soient « la suite des événements » ou le cours que prendra la vie, suffit à de nombreux prétendants. Cela explique qu'on n'a pas d'âge pour se présenter et que chaque année des personnes âgées viennent encore à tester leurs capacités dans l'espoir d'être « bacheliers ». Ni les soupçons avérés de fraude qui ont entaché le déroulement des épreuves depuis quelques années ni la baisse du niveau, réelle ou exagérée, n'ont conduit à sa dépréciation définitive. Pour les candidats et les familles, ils ne ressemblent à aucun autre. Ils demeurent sourds ou indifférents à ceux qui s'évertuent, tantôt au nom d'impératives réformes pédagogiques, à « démonitiser » le bac. Il a cette valeur qu'ont les choses qui font partie du patrimoine d'une nation. Les lauréats ont ce sentiment d'avoir rempli en premier lieu un contrat et nulle famille ne se privera de fêter comme il se doit un succès qui a valeur de consécration. C'est que l'obtention du bac détermine aussi, pour une large part, l'avenir de leur progéniture. Et s'il n'est sans doute plus le sésame qui ouvre toutes les portes, il demeure un diplôme indispensable pour aller loin dans sa vie. Le bac entrouvre en premier lieu les portes de l'université et de nombreux instituts de formation. L'accès à l'une ou aux autres demeure, pour une large part, une ambition de tous ceux qui étudient ici ou ailleurs. Et s'il n'est plus une garantie de promotion sociale, l'Algérie ne diffère en rien d'autres pays où le bac ne suffit pas pour une insertion dans le tissu économique et social. Partout, la généralisation de l'enseignement et les mutations sociales ont ouvert d'autres voies d'ascension et de réussite. L'Algérie connaît aussi le phénomène des « chômeurs diplômés ». Le bac de cette année ne ressemble pas totalement à celui des années précédentes. Certes, les pouvoirs publics vont de nouveau mobiliser de grands moyens, humains et matériels pour son organisation, mais le contexte est également différent dans la mesure où les autorités paraissent déterminées sur deux fronts. Il s'agit d'une part de prendre des mesures pour lutter contre la fraude qui, ces dernières années, a défrayé la chronique dans certains établissements. D'autre part, il fallait mettre un terme à cette exigence anachronique d'établir un seuil au-delà duquel quelques élèves croyaient pouvoir refuser de subir le test. L'examen, assure-t-on, portera sur tout le programme de l'année. C'est un premier et un important pas dans le rétablissement du crédit du bac « décribilisé » par des années d'atermoiements quand certaines conjonctures n'ont pas favorisé des résultats de complaisance. Rétablir la confiance entre la société et son école est à ce prix.