Comme Oran ou Tizi-Ouzou, Annaba s'étale au pied d'une montagne verdoyante. L'Edough toise de ses 1.000 m de hauteur la ville qui plonge ses pieds dans l'eau. Le cœur de la cité bat surtout dans le Cours. Pas la peine de préciser de la révolution. Tout le monde, à la seule évocation de l'endroit, aura compris. C'est un terre-plein ombragé et parsemé de kiosques où, jusqu'à une heure avancée de la nuit, des familles viennent déguster une glace ou siroter un café ou un jus de fruits. Les terrasses débordent de femmes et d'hommes. A deux pas du port, du théâtre régional, des venelles de la vieille ville, le « cours » demeure le lieu des rendez-vous de toutes sortes. Une ville qui plonge ses racines dans l'histoire L'un des monuments qu'il faut visiter demeure la basilique Saint Augustin (354- 430), le plus renommé des évêques de l'Afrique du Nord chrétienne. La bâtisse, bâtie au XIXe siècle et inaugurée en 1900, domine les ruines de l'ex Hippone. Outre les vitraux, de nombreuses statues et de multiples styles architecturaux, dont l'arabo-mauresque, ornent les lieux. On peut y voir surtout un os de Saint Augustin dont la dépouille fut transférée en Italie par peur des Vandales. Les restes de l'Hippone antique n'ont certes pas l'éclat et la richesse de Djemila ou Timgad, mais ils valent bien un détour. La basilique a été rénovée et accueille des visiteurs « dont une majorité de musulmans », nous dit un étudiant d'Afrique noire rencontré sur place. Avant les événements qui ont secoué la Tunisie, des touristes séjournant dans ce pays voisin y faisaient un crochet, mais le flux semble s'être tari. L'Algérie, qui a consacré un colloque international au théologien, a pris part à la restauration de la basilique qui abrite dans une de ses ailes une maison pour le troisième âge. La ville compte aussi des mosquées de valeur historique comme celle de Sidi Abou Marouane dont la construction remonte au 11e siècle. Les pieds dans l'eau Sur 80 kilomètres, le littoral d'Annaba compte de nombreuses plages et attire des milliers de touristes qui viennent de toutes les régions du pays. Les hôtels et campings affichent complet et les prix des locations s'envolent. Jusqu' à 10 000 DA la nuit dans un appartement d'une cité populeuse. Des plages très fréquentées, prolongeant le long d'une belle corniche la ville, des complexes, une enfilade de restaurants glaciers s'étendent sur près d'une dizaine de kilomètres à l'ouest de la cité. La côte vers Aïn Berbar demeure encore vierge et à l'abri de la ruée. L'hôtel Sabri, ouvert en 2008, et le Rym El Djamil accueillent une clientèle huppée différente de celle qui prend d'assaut les plages populaires. « Ce sont ces lieux de détente et de plaisir comme Saint Cloud, Belvédère, la Caroube, et plus loin Aïn Achir, qui ont fait de notre ville la coquette », explique un habitant qui se dit Annabi depuis cinq générations. Mais un tour sur ces lieux suffit pour découvrir que la coquette fut mais n'est plus. Il est par exemple inconcevable pour une femme de se baigner en maillot de bain, et bien des jeunes femmes nous ont avoué qu'elles ne se rendent plus à la plage et qu'elles « se rattrapent », une fois les frontières tunisiennes franchies. Des lieux d'un charme époustouflant, comme le Cap Garde, sont amochés par les détritus de toutes sortes. « C'est le plus gros problème dans notre pays. Même mon fils de dix ans s'en est rendu compte », confie un émigré de la Petite Kabylie habitant Fontainebleau. « Le reste est magnifique. L'accueil des gens, la nourriture, mais l'hygiène dans l'espace public est catastrophique »,se désole-t-il. Seraïdi, un village menacé Une montée vers Seraïdi fait quelque peu oublier le déclin d'Annaba. La route en épingle à cheveux, qui y mène sur 12 kms, offre de très beaux panoramas. Les automobilistes ne manquent pas d'ailleurs de marquer des haltes pour admirer la mer. La ville en contrebas s'étire sur les rivages d'une magnifique baie. Il est difficile de se montrer indifférent devant une telle beauté. Beaucoup immortalisent cette escapade dans un paysage de carte postale. Mieux valorisé, le site féerique est une destination touristique de choix. Les quelques « cafés » au milieu de la forêt suintent pourtant l'ennui sans les cris des enfants et les couleurs des femmes. A toutes les tables lors de notre passage, seuls les hommes s'y étaient attablés. Il y a quelques années un téléphérique reliait le petit village bucolique à Annaba, mais il « est à nouveau retombé en panne », se désole un de ses habitués. Le village qui, avant l'indépendance, portait le nom du sinistre Bugeaud, était le lieu de villégiature des colons séduits par ses forêts de chênes-liège et ses sources d'eau. Les premiers habitants furent, au milieu du XIXe siècle, des bûcherons des Vosges. Le long de la route, la fraîcheur fouette le visage, et des vaches paissent tranquillement. Les habitants sont essentiellement de petits agriculteurs qui viennent, en pareille saison, vendre des figues, des fruits cueillis dans leurs propres jardins. A près de 900 mètres, la terre gorgée d'eau est fertile. Malheureusement dans ce village ceint de forêts, au cachet original quelques nouvelles constructions tendent à rompre l'harmonie des lieux. De véritables verrues sur un beau visage. Des projets dont un centre de préparation pour les sportifs sont en voie de construction, mais l'urgence est peut-être dans le sauvetage de ce beau village qui ne doit pas devenir comme tous les autres. Ce n'est nullement un choix fortuit d'avoir bâti l'hôtel El Mountazah sur un tel promontoire élevé. C'est dans cet établissement, qui a connu des heures de gloire, qu'on a tourné quelques scènes du célébrissime « les vacances de l'inspecteur Tahar ». De sa terrasse, on a une vue imprenable sur la région d'Annaba le bleu et la lumière vibrante de la mer. Il fait partie des hôtels étatiques qui seront rénovés. Les visiteurs découvriront une nouvelle piscine couverte et une salle de remise en forme de 250 places. Et comme partout à Seraïdi, de toutes les crêtes, la mer qui tend la main au ciel.