L'association Machaâl Chahid et le forum d'El Moudjahid ont rendu hommage, hier, à l'occasion de la commémoration du 20 août 55 et du 20 août 56, qui marquent la grande offensive dans le Nord-Constantinois et la tenue du congrès de la Soummam, aux deux stratèges que furent Zighoud pour l'attaque du Nord-Constantinois et Abane Ramdane pour la tenue du congrès. Cet hommage a eu lieu en présence de Chama, la fille unique de Zighoud, et de la petite-fille d'Abane, Amira, auxquelles des gerbes de fleurs ont été remises, à titre symbolique, par des petites filles de Tamanrasset et In Salah. Elles ont reçu également, à cette occasion, des médailles de reconnaissance des mains de Lamine Khan, ancien membre du GPRA (gouvernement provisoire de la République) et de Karim Younès, ancien président de l'APN. Pour ce qui est de l'organisation de ces deux événements et de la personnalité aussi bien de Zighoud que d'Abane, architecte de la plateforme de la Soummam, le Dr Lahcène Zeghidi, historien, affirme que les deux hommes étaient « des politiques et des stratèges hors pair ». « C'est la confrontation et la supériorité de tactique de l'école du peuple face à celle des grandes écoles militaires », en faisant allusion aux généraux français, tels que Jacques Soustelle. Zighoud était forgeron de métier, et a su comment « forger au sein du peuple la fibre patriotique », poursuit l'historien. Zeghidi nous rappelle, aussi, le parcours d'Abane, scolarisé dans un lycée de Blida, qui a été le vivier de l'élite algérienne. « C'est une génération d'hommes exceptionnels » qui avaient « une grande maturité et une vision futuriste », précise-t-il. Ces hommes ont forgé leur éveil politique au sein du mouvement national, notamment le PPA-MTLD, pour lancer plus tard l'Organisation spéciale (OS) qui allait déclencher le 1er Novembre. Ainsi Zighoud, qui avait remplacé Didouche Mourad à la tête de la zone 2, suite à sa mort, était parmi les membres du groupe des 22 qui ont décidé de préparer et lancer la Révolution. Il avait déjà participé aux élections locales de 1947 et « a pu rafler les suffrages », explique cet historien qui souligne, ainsi, à travers cet exemple, « la sympathie dont jouissait cet homme auprès des populations ». Le congrès de la Soummam... prévu à Collo L'historien revient sur les détails de la préparation et l'organisation du congrès de la Soummam, citant quelques dispositions contenues dans la plateforme qui portent sur la restructuration de l'ALN, la création d'un commandement unifié, la création des wilayas au lieu de zones, de grades. Des choses connues déjà, sauf que, il y a une certaine jonction qui se profile entre le 20 août 55 et le congrès de la Soummam. Selon le Dr Lamine Khan, Si Ahmed (Zighoud) avait pensé à une réunion des chefs de la Révolution qui devait se tenir quelques mois après novembre. Il avait donc chargé le défunt Brahim Chibout, un élément de son groupe (ancien ministre des Moudjahidine), de préparer les contacts. Selon lui le conclave devait se tenir dans un petit village de Bouzarour, à Collo, mais l'endroit de la réunion a été changé à la demande de responsables, « probablement Boussouf » qui voulaient un lieu plus au centre, en Kabylie, à Ifri. Ce sera un choix judicieux, selon Zeghidi, car il était plus intéressant de « montrer que cette Wilaya dont on prédisait une pacification dans les mois qui viennent menait une résistance encore plus forte... » Pour ce qui est de l'offensive de Zighoud dans le Nord- Constantinois, point de chiffres, là aussi, mais juste le rappel des objectifs des responsables de cette zone dont l'intention était de « relancer » la Révolution qui « passait par une période difficile ». Elle venait de perdre trois de ses grandes figures, qui, en effet, ont été soit emprisonnées, soit tuées. Didouche est tombé au champ d'honneur le 18 janvier, Ben Boulaïd et Bitat arrêtés respectivement en février et en mars. Seul Krim restait sur le terrain. L'offensive du Nord-Constantinois permettait aussi de desserrer l'étau sur les Aurès et marquer par la même occasion, à travers cette date, la solidarité maghrébine de l'Algérie avec le Maroc dont le sultan avait été déporté, le 20 août 1953, par les Français.