Les espoirs de Vienne II tardent à se concrétiser en dynamique irréversible dans le dur chemin de la paix et de la stabilité syrienne. Une avancée réelle a permis de rassembler « autour d'une même table tout le monde sans exception », se félicite le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. La locomotive du quartette (Etats-Unis, Russie, Arabie saoudite et Turquie) s'est renforcée par la participation d'une vingtaine de délégations des deux principaux camps rivaux désormais acquis au principe cardinal de la préservation du pays en tant qu'Etat unifié, mais également à la nécessité du lancement du processus de transition, la perspective d'élections et le rôle des Nations unies. Il s'agit là des acquis majeurs du premier round de Vienne II arrachés après huit heures de négociations appelé à trancher le « point de divergence numéro un » relatif au sort de Bachar El Assad qui continue de diviser les protagonistes de la crise syrienne. A la sortie de l'hôtel Impérial, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a estimé que « nous avons suffisamment avancé pour que nous nous retrouvions, dans la même configuration, dans deux semaines ». Toutefois, la manœuvre occidentale, visant à inclure dans le calendrier le départ de Bachar El Assad, a avorté. « Avec les efforts faits, cette partie a été supprimée », s'est félicité le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, à l'issue de la réunion. Cette prise « en otage de tout le processus politique » a été dénoncée par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui juge la démarche « totalement injuste » et « inacceptable », dans un entretien publié hier par quatre journaux espagnols. « L'avenir du président Assad doit être décidé par le peuple syrien », a déclaré Ban. « A cause de cela (les divergences), nous avons perdu trois ans, il y a eu plus de 250.000 morts, plus de 13 millions de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie (...), plus de 50% des hôpitaux, des écoles et des infrastructures ont été détruits. Il n'y a plus de temps à perdre », a déclaré le secrétaire général des Nations unies. Face à cette impasse, Pékin est sortie de sa réserve, en lançant une initiative en 4 étapes qui passe par la conclusion d'un cessez-le-feu entre les parties pour s'engager dans la lutte contre le terrorisme. Aux pourparlers de Vienne II, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Li Baodong, a plaidé pour que « les parties belligérantes de Syrie engagent un dialogue global, inclusif et égalitaire sous les auspices de l'Organisation des Nations unies afin de prendre des dispositions pour la transition politique ». Il a, en outre, appelé à « lancer le processus de reconstruction en Syrie » afin de permettre « aux belligérants de constater les bénéfices de la paix une fois la guerre terminée ». L'autre fait dominant a été incontestablement la décision américaine de procéder à l'envoi d'une cinquantaine de soldats des forces spéciales ainsi que l'acheminement d'avions d'attaque au sol A-10 et de chasseurs F-15 sur une base aérienne turque voisine. Pour la première fois, le revirement d'Obama, légitimé par la lutte contre Daech, a jeté un voile sur les pourparlers de Vienne II crédités de progrès confortés par le récent accord américano-russe sur la coordination militaire dans l'espace syrien. Il a été condamné par Lavrov affirmant qu'« une opération militaire — que ce soit dans les airs ou au sol — a besoin du consentement des gouvernements concernés et du Conseil de sécurité de l'ONU ». Son homologue américain plaide pour la thèse de la « pure coïncidence », évoquant une décision « en discussion depuis des mois » et démentant toute tentative d'influencer les pourparlers en cours à Vienne. Les armes du dialogue ou le dialogue des armes ? Difficilement conciliables.