« On cherche des armes, des munitions ». A l'entrée du Parc national d'Ivindo, dans le nord-est du Gabon, une poignée d'éco-gardes en tenue paramilitaire traque les braconniers sur la rivière. Sacs de vieux vêtements, boîte d'appâts... chaque recoin de la pirogue du pêcheur est fouillé. Au cœur du deuxième bassin forestier de la planète après l'Amazonie, cette région sauvage frontalière du Cameroun et du Congo abrite trois parcs nationaux, Minkebe, Ivindo et Mwagna, où le braconnage d'éléphants a explosé ces dernières années. Environ 14.000 pachydermes ont été abattus en moins de 10 ans dans le seul parc de Minkebe (extrême nord-est), le plus menacé, selon l'Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). C'est du « braconnage industriel », estime Luc Mathot, de l'ONG Conservation Justice, selon qui « 150 à 200 kg d'ivoire » sortent chaque semaine de la réserve, ce qui correspond à environ 15 à 20 éléphants tués. A cheval sur des frontières poreuses, ce massif dense de 7.000 km2 sans routes ni villages, parcouru seulement de rivières, est devenu un repaire de braconniers très difficile à surveiller. Sur une superficie aussi vaste, une guerre inégale oppose des chasseurs à l'armement de plus en plus sophistiqué à une cinquantaine d'éco-gardes escortés par quelques militaires et gendarmes débordés.