Le chambardement qui secoue, aujourd'hui, le continent noir, les pays du Sahel en premier chef, (terrorisme, lutte anti-terroriste, émigration clandestine, trafic de tout genre, misère socio-économique...) a ouvert la voie chez nous à certains écrivains d'expression arabe. Ils tiennent, eux aussi, à dire leur mot. Parmi eux, Seddik Hadj Ahmed, connu aussi par son surnom Ezziouani (inspiré du titre de son premier roman paru en 2013 « Le Royaume Ziouane »). Romancier algérien de talent, enseignant de littérature arabe à l'université d'Adrar, il vient de signer chez « Dar Al-Fadhaates » une maison d'édition jordanienne, son second roman « Camarade, compagnon de l'injustice et de l'égarement ». L'œuvre a été aussitôt saluée par les critiques et les journalistes, qui y ont vu une nouvelle voie peu empruntée jusqu'ici par les écrivains algériens. Dans ce livre, l'auteur, d'un œil microscopique, braque tous ses feux sur la « ruée » clandestine d'immigrants africains vers l'eldorado européen. L'histoire gravite autour de Mamadou, un jeune Nigérien, candidat, comme bien d'autres malheureux, à ce long et périlleux « voyage ». Durant sa « traversée du désert » depuis la capitale Niamey, il tente le tout pour le tout. Il se déclare malien, de foi chrétienne et change carrément de nom, « Coulibaly ». Il obtient un faux passeport pour tromper la vigilance de l'armée marocaine aux frontières, après avoir traversé, non sans peine, l'immensité du Sahara algérien. Le coup réussi, il s'enfonce jusqu'à El Fnideq, près de la ville espagnole de Ceuta avec l'espoir de surmonter le mur massif de barbelés et gagner la côte espagnole. Malheur lui en prit. Désemparé devant le dispositif de sécurité, il tombe entre les mains de la garde marocaine. Son aventure prend fin. Son rêve aussi. D'une plume raffinée et avec beaucoup de philosophie, l'auteur entraîne ses lecteurs dans ce « bas » monde africain où la misère tient pour elle seule le rôle central. « Ezziouani a savamment usé de la fiction et de la réalité. A travers ce roman, il met en scène l'homme africain en contradiction avec sa culture ancestrale dans sa quête de la modernité » remarque, dans la préface du livre, le critique Saïd Boutadjine en soulignant les lourds sacrifices, culturels, religieux, matériels, financiers... « rien que pour fuir pour de bon la misère et la famine ». Comme tout homme de lettres, l'auteur ne propose pas de solutions à ce « cancer » qui ronge en plus des milliers de jeunes perdus, les vieilles cultures africaines, devenues « obsolètes ». Il met en scène la décrépitude de l'homme africain et les drames qui en découlent. Textuellement, cette deuxième prose de Hadj Ahmed est une pure innovation remarque Saïd Boutadjine, en évoquant de nouvelles techniques narratives, basées, notamment, sur l'alternance entre deux cultures, celle de la photo littéraire et celle de l'écrit.