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L'histoire de Rachda
Les randonnées d'Aliouat
Publié dans Horizons le 27 - 09 - 2016


« Je te promets d'écrire ton histoire en veillant à l'anonymat. » Appelons-la Rachda. J'ai choisi ce prénom parce que cette histoire s'est déroulée à Constantine et que le Saint de cette ville est Sidi Rached. Je l'ai rencontrée dans le bus au départ d'Alger. Elle avait une fillette d'à peu près quatre ans et je ramenais ma petite-fille en vacances chez sa grand-mère. Et les enfants, c'est connu, ça tisse des liens avec l'innocence de leur âge. Alors on échange des sucreries, des sodas et on finit inévitablement par engager la discussion. Il faut que je précise que du haut de ma soixantaine largement passée, j'ai acquis cette quiétude de ceux-là qui ont bien vécu leur jeunesse et s'apprêtent à entamer le crépuscule de leur vie avec toute la sagesse que leur confère un passé riche, parfois tourmenté, souvent aventureux, avant de jeter l'ancre quelque part dans les yeux tranquilles et assez grands pour abriter la grande solitude qui fut la mienne. Cette femme, qui devait devenir la mienne, m'a donné de beaux enfants qui ont grandi et fait leur vie chacun de leur côté. La maison s'était donc vidée et nous ne pouvions nous passer de nos petits-enfants qu'on allait chercher régulièrement pour les vacances. J'étais donc parti à Alger où ma fille aînée s'était mariée et je ramenais sa petite dernière comme on ramène un trésor. Je savais que la maison allait devenir une ruche avec l'arrivée de mes deux autres petits-enfants, que j'allais devoir supporter leurs interminables chamailleries, leurs pleurs, leurs caprices, que j'allais même me passer de ma sieste quotidienne, mais j'acceptais cet ultime sacrifice devant les joies immenses que me procurait leur présence. Le bus était en train d'avaler les kilomètres d'asphalte de l'autoroute et le froid était terrible, mais ce qui m'indisposait le plus, c'était la musique ou plutôt le bruit infernal que diffusait le lecteur de disques du chauffeur. J'étais là à évoquer avec nostalgie les belles chansons qui ont bercé ma jeunesse. A l'époque, il n'y avait pas de bruit, les paroles étaient plus recherchées et la musique plus douce. Nourri à la double culture comme ceux de ma génération, je vibrais à la fois en écoutant Brel et Abdelhalim Hafez, Ferré et Oum Keltoum, et toutes mes idoles étaient comme mes souvenirs, mortes. Les enfants étaient bruyants et je peinais à lire mon journal, mais je n'en avais cure. J'étais trop heureux d'avoir ramené mon précieux trésor. Ce fut elle qui parla la première. Je lui répondis avec politesse car je n'avais pas vraiment envie d'engager la discussion, étant d'un naturel peu bavard. Je lui dis ce qu'elle voulait savoir, que j'étais un grand-père qui ramenait sa petite-fille chez lui, que j'étais un enseignant à la retraite et qu'il m'arrivait d'écrire des histoires que des journaux publiaient à mon grand plaisir. Elle m'apprit qu'elle était fonctionnaire dans une administration publique et qu'elle était venue à Alger « pour affaires, afin de régler de la paperasse ». Elle était jeune et belle et pouvait aisément passer pour ma fille. Je me replongeai dans ma lecture et cette évasion fut de courte durée car ma petite-fille était intenable. Elle fouilla alors dans son sac et sortit deux barres chocolatées pour calmer les enfants. A l'heure du déjeuner, le chauffeur gara son autocar devant un restaurant d'où s'échappait la fumée épaisse des grillades. Je connaissais les combines des transporteurs sur longs trajets. Ils s'arrangent toujours avec un gargotier pour lui ramener la clientèle de tout le bus et mangent ainsi à l'œil. Le gargotier en question profitait alors de cette aubaine pour fourguer sa marchandise en doublant le prix. Je m'installai à une table et, constatant sa gêne, je l'invitai aussitôt à se joindre à moi. Je commandai des brochettes rachitiques pour tout le monde, une bouteille d'eau et des fruits. L'addition était assommante et j'insistai pour la régler. J'avais pris en sympathie cette jeune femme qui avait de la pudeur dans le regard et baissait les yeux pour me parler. De retour dans le bus, les langues se délièrent davantage et je lui demandai si elle avait d'autres enfants. « Non, c'est la seule », me répondit-elle. Elle me regarda droit dans les yeux et me dit : « Je l'ai adoptée après l'avoir mise au monde. » Je demeurai sidéré. Alors, elle me raconta son histoire. A l'âge de vingt-cinq ans, elle avait connu un jeune homme et avait filé le parfait amour. Ce qui devait arriver arriva et elle tomba enceinte. Le jeune homme disparut aussitôt dans la nature et elle ne le revit plus. Elle accoucha sous X dans un hôpital algérois, loin de ses parents, et prit soin de laisser son nom pour pouvoir suivre l'itinéraire de son enfant. Elle dut se résigner à abandonner sa fille et revint à Constantine la mort dans l'âme. Elle rencontra alors un collègue bien sous tous rapports et, échaudée par sa première expérience, elle exigea de lui le mariage. Ce qui fut fait dans de grandes noces et les jeunes mariés s'installèrent dans un coquet trois-pièces qu'ils meublèrent avec goût. Ensuite ils attendirent d'avoir des enfants. Vainement. Ils durent recourir aux plus grands spécialistes pour enfin se résigner à la cruelle vérité qui s'imposait à eux : le mari était stérile et après une longue discussion, ils décidèrent d'adopter une fillette. Ils entreprirent alors les démarches nécessaires et elle contacta secrètement une assistante sociale à Alger pour lui demander s'il était possible de retrouver son enfant abandonné. Après de longs mois, elle finit par apprendre que sa fille vivait toujours à la pouponnière et qu'elle n'avait pas été adoptée. Elle fournit alors tout le dossier demandé et, suite à maintes démarches, elle put enfin avec son mari aller chercher celle qui était sa fille biologique et qui allait devenir sa fille adoptive ! Le jour où elle la serra enfin dans ses bras, elle ne put contenir ses larmes et son mari mit cette effusion sur le compte de l'émotion. Il n'en sut rien et la vie devint riante dans ce petit appartement de banlieue soudain peuplé des rires de l'enfant. Son père adoptif se mit à la chérir à mesure qu'elle grandissait et la mère se garda bien de lui confier ce lourd secret jusqu'au jour où il le découvrit au hasard d'analyses médicales qui révélèrent le caractère héréditaire d'une maladie bénigne. Elle prit alors son courage à deux mains et lui raconta toute l'histoire. Il resta longtemps silencieux et c'est la fillette qui vint le sortir de son silence en lui demandant de lui acheter le jouet qu'il lui avait promis. Il la prit alors dans ses bras et l'embrassa très fort en lui disant : « Viens, allons l'acheter ensemble. » Elle me raconta cette histoire incroyable et, de temps en temps, elle essuyait une larme. J'avais vraiment envie de voir de près cet homme d'une si grandeur d'âme et qui ne pouvait se résigner à abandonner cet ange qui avait habité son cœur. Le bus arriva enfin à Constantine qui somnolait sous le crachin. Je lui demandais si je pouvais écrire cette histoire dans un journal. « Bien sûr ! », me répondit-elle, « à condition de changer les noms ». Elle disparut dans la foule non sans m'avoir embrassé sur les deux joues comme on embrasse un proche. Il faisait si froid et j'avais les joues en feu. Une vague impression de mon enfance m'envahit. C'était comme si j'avais retrouvé la brusque réalité après la sortie du cinéma comme au temps lointain de mon enfance quand j'avais vu un très beau film. Je la vis fendre la foule et disparaître dans la fumée opaque des autocars et des brochettes.

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