Les nuits hivernales, c'est souvent un froid glacial. A Alger et ailleurs, elles deviennent pénibles durant cette période des pluies. Il faut avoir les moyens d'affronter ce climat rude. Et il y en a qui ne possèdent même pas l'élémentaire, c'est-à-dire un toit pour se mettre à l'abri. Les histoires et le parcours de chacun sont différents. Les personnes contraintes de vivre dehors hiver comme été sont désignées par trois let-tres : SDF (sans domicile fixe). Leur situation est compliquée. Ils sont des centaines à occuper les trottoirs dans la capitale, généralement sous les voûtes des nombreux bâtiments d'Alger-Centre. Une virée nocturne renseigne sur leur situation. Au boulevard Colonel-Amirouche, quelques sans-abri forment un groupe à proximité du ministère de l'Agriculture et du Développement rural. Longeant le chemin jusqu'à la rue Belouizdad, un quinquagénaire, sans abri, se réfugie devant le distributeur automatique de billets de la poste. A la rue Didouche-Mourad, un couple avec enfants passe ses nuits à même le sol. Au square Port Saïd, c'est un autre spectacle qui s'offre. Des familles entières se cachent sous les arcades. Il y a ceux qui investissent les cages d'escalier des immeubles et ceux qui se construisent un abri de fortune en carton. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Selon Saïda Benhabylès, présidente du Croissant-Rouge algérien (CRA), les personnes sans domicile fixe (SDF) ont rompu totalement le lien avec leur famille, elles sont sans toit, ni travail. Etre sans abri, dit-elle, n'est pas seulement dormir dans la rue mais c'est aussi vivre dans des logements temporaires ou insalubres. « Ils sont confrontés à des problèmes de santé, de discrimination, souffrent de l'isolement et des difficultés d'accès aux prestations de service public de base », explique la responsable. « Ce sont des victimes de la société, livrées à elles-mêmes sans aucune ressource financière », ajoute-t-elle. Pour lutter contre ce phénomène, Mme Benhabylès a annoncé que son institution, en collaboration avec le ministère de la Culture et celui des Affaires religieuses et des Wakfs, travaille pour dégager un plan de prise en charge qui commence d'abord par l'identification des personnes concernées pour étudier ensuite la situation de chacun au cas par cas. De la sorte, explique notre interlocutrice, il sera possible de réintégrer certaines victimes dans leurs foyers respectifs, placer celles souffrant de troubles psychologiques dans des structures spécialisées, encourager le volontariat et redoubler les efforts en termes de sensibilisation pour le maintien des valeurs ancestrales. « La famille algérienne n'a jamais connu un tel phénomène qui ne correspond pas à notre culture, ni à notre éducation basée sur l'union, l'entraide et le soutien », s'alarme la responsable. Pour les personnes qui se retrouvent actuellement démunies, Mme Benhabylès indique que le CRA, dans le cadre de ses activités, a mobilisé plusieurs équipes chargées de la distribution de repas chauds et de couvertures au profit des sans-abri. Des actions qui ne se voient pas car elles ne sont pas médiatisées.« Nous sommes contre la médiatisation par respect à la dignité de l'homme », explique notre interlocutrice. Elle explique que le programme du CRA est maintenu tout au long de l'année et non pas durant la période hivernale seulement. La bonne volonté pour venir en aide à un sans-abri ne se limite pas aux institutions spécialisées. Le mouvement associatif y contribue aussi selon ses moyens. Comme c'est le cas du groupe Ness El Khir d'Alger. Une campagne de sensibilisation portant sur la collecte de vêtements à distribuer à ces personnes nécessiteuses a été lancée depuis le 4 du mois en cours. Le but est, précise Khaled, l'un des responsables de ce groupe, de réunir des lots de vêtements propres et en bon état pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. « Ce qui est considéré comme vieux pour certains est nouveau pour d'autres », dit-il. La campagne de collecte et de distribution de vêtements pour l'hiver ne concerne pas Alger uniquement. « Des camions ont été mobilisés pour sillonner quelques zones éloignées, telle la commune d'El Adham dans la wilaya de Djelfa », précise le même responsable. Pour l'association, Kafil El Yatim de Masacara, une campagne de sensibilisation, « Cœur sensible », a été lancée à l'occasion de la Journée internationale du volontariat. Une occasion pour renforcer ses rangs et collecter des vêtements chauds qui seront distribués aux orphelins et démunis de la région. Des denrées alimentaires de première nécessité et des trousseaux scolaires pour parer aux dépenses du second trimestre font partie du lot. Sous le slogan « Faites un don quelle que soit sa valeur », l'association Ouled Bladi s'est engagée à faire de même. Collecte et distribution de vêtements chauds pour les sans-abris d'Alger et ses environs. L'élan de solidarité a également gagné les réseaux sociaux. Les internautes se sont tous donné le mot : « Aider les sans-abri ». Pour Mohamed Laïchi, responsable au bureau d'aide social de la ville d'Alger, des équipes multidisciplinaires sont mobilisées pour la prise en charge des sans-abri en cette époque hivernale. Composées essentiellement de médecins, psychologues ainsi que d'éléments de la Protection civile et quatre membres du bureau d'aide social, ces équipes sillonnent les grandes artères de la capitale à raison de 2 à 3 tournées jour et nuit pour ramasser les SDF. « Les personnes récupérées sont placées au niveau de notre centre d'accueil spécialisé El Ihcène au niveau de Z'ghara où elles bénéficient d'une prise en charge totale : hébergement, restauration, couverture médicale et assistance psychologique, hygiène et vêtements propres et chauds », explique le même responsable. « Après leur réception au niveau de notre structure, une autre équipe se charge de l'étude au cas par cas puis procède à une enquête dans l'espoir de procéder à une réintégration familiale quand cela est possible », ajoute-t-il. Il faut noter que le centre en question est également sollicité par des personnes en détresse. Des femmes battues, parfois une famille entière victime d'un désaccord, enfants errants ont pour habitude de se présenter, volontairement, au centre à la recherche d'un abri. Selon Laïchi, en moyenne, près de 20 à 30 personnes sans abri sont recueillies chaque soir par les équipes spécialisées. « Le bureau des aides sociales de la ville d'Alger s'occupe notamment des personnes aux besoins spécifiques et celles en mauvaise situation telle que le divorce, la répudiation, de conflit, de danger », rassure le responsable.
