La présence des Ottomans, à partir du XVIe siècle, en Algérie et dans presque tous les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, à l'exception du Maroc, fut-elle de nature coloniale ? Il y a plus d'un quart de siècle, El Moudjahid avait ouvert le débat à la faveur d'une polémique entre Mouloud Kassem et Mahfoud Kaddache. Le premier estimait que l'Algérie, même si elle n'existait pas sous sa forme actuelle, était souveraine. Ceux qui soutiennent cette position évoquent surtout les nombreux traités qui furent signés entre la Régence d'Alger et des pays comme les Etats-Unis, la France ou l'Angleterre. L'historien, sans affirmer que les Ottomans étaient des occupants, soutenait que le régime des beys et des aghas s'accompagnait d'exactions à l'endroit surtout de tribus réfractaires au payement des impôts. Des problèmes plus liés à l'actualité qu'à l'histoire font parfois ressurgir cette question. Elle a sans doute sa réponse dans la culture plus que dans la politique. Au Moyen-Orient, des livres comme ceux d'Amine Malouf nous font découvrir une grande animosité envers les Ottomans. Dans la poésie algérienne d'expression arabe ou berbère, vecteur par excellence du sentiment populaire, on ne trouve pas une hostilité de même nature ni du même degré. Avec l'occupation française, beaucoup d'Algériens, surtout de Kabyles, se rendirent au Cham, alors sous domination ottomane. N'avaient-ils pas d'autres destinations ou se sentaient-ils dans un « second chez-soi » ? Le colonialisme dans sa forme « moderne » est lié à l'apparition des Etats-nations. Auparavant, chez les conquistadors ou les Ottomans, le sentiment religieux est prégnant. Etre d'une même oumma, pour faire à l'ennemi qui a chassé le coreligionnaire de l'Andalousie n'exemptait pas sans doute les Ottomans de velléités de domination. Leur longue présence fut-elle pour autant semblable à l'occupation française ? Y avait-il quelqu'un qui a applaudi le général de Bourmont dans sa conquête d'Alger en 1830 pour saluer le départ et le renvoi d'occupants honnis et vomis ?
