A Rinn-Culuisge (Roaringwater Bay), à l'ouest du comté de Cork, la mer pénètre profondément dans les terres, comme un fleuve, et les garçons qui demeurent dans le voisinage ont l'habitude de se réunir pour jouer sur le bord, pendant les beaux jours. Un jour, un garçon d'environ quatorze ans était seul sur le rivage et regardait la mer où il y avait des lueurs vertes produites par l'éclat du soleil, et pas un souffle de vent dans l'air. Souvent il s'était déjà assis, avant ce jour, au bas des flots qui battaient maintenant contre les pierres en dessous de lui, mais l'eau lui parut plus belle, et il se dit que s'il avait un bateau, il aurait aimé aller faire une promenade ; mais il n'y avait pas de bateau en vue. Après avoir regardé quelque temps alentour, il aperçut une planche de bois tout près de lui, et en même temps il vit trois cygnes nager à la surface du golfe et venir vers lui. Ils tournèrent de-ci de-là, et bientôt ils arrivèrent devant lui. Le garçon fut pris d'une grande joie en voyant la forme des oiseaux. Il rassembla toutes les miettes de pain qu'il avait dans sa poche et les leur donna à manger. Il pensa qu'ils n'étaient pas sauvages ; ils semblaient si doux et si familiers ! Ils s'avancèrent tout près de lui, mais chaque fois qu'il essayait de les prendre, il ne réussissait pas à les toucher. Maintenant qu'ils étaient là, près de lui, ils lui semblèrent encore plus beaux et plus brillants et son désir de les prendre s'accrut. Pour satisfaire son désir, il prit la planche de bois, s'assit dessus et suivit les cygnes. Il dirigea la planche à sa guise en plongeant rapidement les mains dans l'eau, comme on fait d'ordinaire avec les rames. Les cygnes continuèrent à aller devant lui, mais il ne put les atteindre. En peu de temps, il se trouva au milieu de la mer. Il était fatigué et il s'arrêta de ramer ; alors il commença à s'inquiéter, craignant de ne pouvoir regagner la terre. Mais les oiseaux s'approchèrent et se rassemblèrent autour de lui comme s'ils cherchaient à le remettre de son trouble, et ils firent en sorte qu'il oublia le danger dans lequel il était. Plein d'affection pour eux, il étendit rapidement la main pour prendre le plus beau de la bande, mais il s'appuya trop lourdement sur la planche, il manqua son coup et tomba dans les vagues de la mer. Quand il s'éveilla du saisissement qu'il avait éprouvé, il était étendu sur un lit de plumes dans le château le plus beau qu'eût jamais vu œil humain et trois dames se tenaient au pied de son lit. L'une d'elles prit la main du jeune garçon et lui demanda aimablement comment il se faisait qu'il fût là. — Je n'en sais rien, dit le jeune garçon, et il leur raconta le malheur qui lui était arrivé en route. — Consens-tu à rester avec nous, dit la plus jeune. Car si tu restes ici pendant trois jours, tu ne pourras jamais plus demeurer dans ton pays, car le vent et le soleil te gêneraient. «Texte de Douglas Hyde traduit du gaélique en français par Georges Dottin»