Les spécialistes de l?enfant ont, de tout temps, dénoncé la surcharge de travail imposée aux élèves. Hubert Montagner, l?un des pionniers de la chronobiologie, a observé deux temps faibles dans la journée : - le premier vers 10 h - 10h 30 mn, - le second entre 14h et 15 h. Selon ce chercheur, certaines fonctions intellectuelles, comme la mémoire à long terme, semblent favorisées à partir du milieu de l?après-midi. Il précise encore que la charge de travail ne devrait pas dépasser deux à trois heures/jour en 1re AF, trois à quatre heures/jour en 5e AF, etc. Ce qui est loin d?être le cas en Algérie. D?autres médecins sont venus apporter leur pierre à l?ouvrage. Ils estiment que la capacité d?attention et d?assimilation des enfants ne dépasse pas 20 à 30 minutes pour les 6-8 ans, 25 à 35 minutes pour les 8-10 ans, 45 minutes pour les collégiens... C?est dire toute la «bêtise pédagogique» du bourrage de crâne des programmes surchargés de notions ? souvent abstraites ? à faire mémoriser par l?enfant. - Un autre spécialiste en chronopsychologie, François Testu, chercheur dans un laboratoire de psychologie en France, a abouti aux mêmes conclusions. L?ennui, l?état de fatigue et d?énervement de l?élève ? mais aussi de l?enseignant ? influent beaucoup plus sur les fonctions mentales du jeune (de l?adulte aussi) que sur ses fonctions motrices. François Testu a observé avec pertinence que les résultats dans des activités scolaires ou autres diffèrent et varient selon le cadre où elle sont accomplies. A ce sujet, il écrit : «Le fait d?accomplir une tâche différente de celle habituellement exécutée dans un lieu, lui aussi inhabituel, serait un facteur motivant.» Voilà qui permet de s?interroger sur ces emplois du temps immuables et ces salles de classe suffisamment impersonnelles pour être totalement interchangeables. François Testu observe aussi que les variations, selon les moments de la journée, sont bien moindres lorsque l?on propose aux élèves d?effectuer des activités qu?ils dominent bien, ou qu?ils peuvent effectuer de façon quasi automatique. A l?inverse, les situations de «recherches contrôlées» ? celles de début d?apprentissage, par exemple ? demandent efforts et concentration. Il est certainement regrettable de voir des enseignants de cours préparatoires (1re AF et 2e AF) programmer des leçons de lecture en début d?après-midi, l?heure la plus critique. En outre, tous les écoliers n?affrontent pas de la même façon les effets de pics et de creux journaliers. Les élèves en échec scolaire y sont bien plus sensibles que les autres, comme le montre une expérience menée par F. Testu avec des adolescents, les uns scolarisés normalement en collège, les autres en section d?enseignement spécialisé. L?âge est bien un facteur déterminant, ce sont les enfants les plus jeunes qui se fatiguent le plus vite et qui ont le plus de mal à se remettre au travail l?après-midi. Ce ne semble pas là une révélation extraordinaire. N?empêche ! Les petits du primaire continuent d?accumuler plus d?heures de classe que certains élèves du collège. Niveau scolaire, environnement, motivation, tout influe sur la concentration des élèves. F. Testu a observé les «creux» et les «pics» suivants. Après le «creux» de la première heure (de 8h à 9h), le niveau de performance s?élève jusqu?en fin de matinée où se situe un pic (entre 11h et 12h). Ce niveau baisse après le déjeuner puis s?élève, à nouveau, plus ou moins selon l?âge. Ainsi, le meilleur moment serait le début de l?après-midi pour les adolescents des collèges. Dans les pays qui ont tenu compte de ces travaux, les horaires scolaires et l?organisation pédagogique des établissements ont été remaniés (voir exemple). C?est à 9 h que démarrent les cours. - Aniko Husti, autre chercheur, a travaillé à la notion de «temps mobile» avec une quarantaine d?établissements du second degré. Pour elle aussi, réfléchir à la gestion du temps, c?est avant tout un moyen de changer les pratiques d?enseignement. A son avis, on a eu trop tendance, ces dernières années, à écouter le corps médical, on a trop discuté des dates des vacances et pas assez incité les maîtres à penser le temps en tant qu?outil pédagogique. «Il ne suffit pas de chercher quelle est la capacité maximum d?attention à tel ou tel âge. Il faut surtout se demander si les élèves s?ennuient», dit-elle. Dans les lycées et les collèges, l?organisation des cours répond à des normes simples à résumer ainsi : un professeur, une classe, une salle, une heure. Dans ces conditions, la conception des emplois du temps ne peut être qu?administrative, «tayloriste» selon son expression. Cette conception ne répond pas à des objectifs pédagogiques. Comment introduire l?interdisciplinarité, l?alternance de temps forts et de temps faibles, le travail en petits groupes, la diversification des méthodes d?enseignement dans un tel carcan ? Difficile, voire impossible. Comment demander à un élève de réaliser une véritable expérience scientifique, de terminer une tâche tout en tenant compte de son rythme individuel ? Le concept de «temps mobile» conduit à une gestion plus souple du temps et les professeurs doivent pouvoir échanger leurs heures de cours. Pour cela, il leur faut travailler en concertation sur les demi-journées communes. Un rêve longtemps partagé par les pédagogues novateurs, en butte aux archaïsmes des conservateurs. Les responsables en tête. L?espoir est toutefois permis de voir ce rêve prendre corps dans la réalité. Grâce à ces appels répétés lancés par des spécialistes chevronnés et ce, à partir de résultats validés de leurs longues expériences, les autorités scolaires, de par le monde, commencent à revoir leur copie.
