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Ainsi va la vie
Dans l'abîme de ses yeux (2e partie)
Publié dans Info Soir le 13 - 04 - 2004

Résumé Dans le restaurant où elle travaille comme serveuse, un client fait les yeux doux à Naïma.
Il est vingt-deux heures passées quand elle rentre chez elle. Avec un peu de chance, elle trouvera encore un bus, sinon, elle sera obligée de prendre un taxi. Dans la journée, elle n'hésite pas à faire le trajet à pied, même si cela lui prend une bonne heure, mais la nuit, elle n'ose pas s'aventurer seule dans la ville...
A trente-cinq ans, Naïma est une belle femme qui paraît beaucoup moins que son âge. Brune, de teint clair, la taille élancée, elle a la jolie frimousse d'une étudiante et l'allure d'une sportive. Elle se fait draguer continuellement et, parfois, par des jeunes, mais elle ne répond jamais aux avances. Elle a été assez malheureuse, dans le passé, et aujourd'hui, elle ne pense qu'à une chose : vivre en paix, en gagnant honnêtement sa croûte... et surtout, élever son fils ! Le petit Adlane est, en effet, sa raison d?être. Abandonnée par l'homme qui l'a séduite, rejetée par sa famille, sans amis ni soutien, elle s'est accrochée désespérément au petit garçon comme on s'accroche à une bouée de sauvetage. Refusant de le mettre à l'assistance sociale comme on le lui a conseillé à l'époque, elle a choisi de le garder. Elle a dormi dans la rue, elle a trimé, exerçant divers métiers, avant d'être recueilli par une vieille femme qui, en échange de menus services, a proposé de la loger chez elle. La vieille était elle-même sans famille : Naïma s'en est bien occupée et, pour la remercier, elle lui a laissé son appartement. «Comme ça, lui a-t-elle dit, s'il m'arrive quelque chose, la mairie ne viendra pas t'expulser.» La vieille n'a pas tardé à mourir et Naïma a gardé l'appartement. Elle a même entrepris, dans le cadre de la cession des biens de l'Etat, de l'acheter. Elle pourra ainsi élever son fils et, à son tour, lui laisser, plus tard, un refuge.
A cette heure, Adlane doit dormir. Il promet toujours de l'attendre, en regardant la télévision, mais souvent, il s'endort au milieu du film ou de l'émission. Il faut dire qu'il n'a que huit ans et qu'il se fatigue très vite...
Il a dû manger, bien sûr, mais elle lui a apporté dans son sac une cuisse de poulet. C'est le cadeau du chef cuisinier qui connaît sa situation et qui a pris le petit garçon en sympathie. Au moment où, finissant son service, elle s'apprête à partir, le chef, Ammi Moh, lui glisse un petit sac en plastique : «C'est pour Adlane» ; Côtelette, poisson, boulettes de viande ou, comme ce soir, cuisse de poulet. Si Adlane n'a pas faim, il garde le morceau pour le lendemain.
Naïma soupire... Il n' y a pas de bus et, apparemment, il n' y a pas de taxi non plus. Elle sera obligée d'attendre, en espérant qu'elle ne fera pas de mauvaise rencontre.
? Vous rentrez chez vous ?
Elle sursaute et se retourne. C'est le client bizarre qu'elle a servi tout à l'heure au restaurant. (à suivre...)


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