Portrait n Ingénieur de formation, Maher Al-Shawamreh est un danseur chorégraphe palestinien. Attiré très jeune par l'art, il tentera l'expérience de la danse contemporaine. Il donne alors le ton à sa passion. Il laisse libre cours à son inspiration, qui le guide, au fil de ses expériences, à imaginer des pièces chorégraphiques. En 2002, il rejoint la formation «Ramallah contemporary dance group», où il fait un bout de chemin avant d'intégrer la troupe de danse populaire «El Founoun». Il participe à plusieurs reprises à des ateliers de danse contemporaine, qui lui permettent d'exprimer, avec son corps, ce qu'il ne peut dire avec des mots. En 2009, il fonde, avec l'aide de plusieurs danseurs, «Orient & dance theater» à Ramallah, une ONG à but non lucratif et dont il est le directeur. «A travers cette compagnie, nous sensibilisons différents groupes d'âges (enfants et adultes) aux différentes voies d'expression artistique, dont la danse contemporaine», souligne Maher Al-Shawamreh. A la question de savoir comment l'idée lui est venue de créer l'Orient & Dance Theater, Maher Al-Shawamreh répond : «Une motivation personnelle m'a poussé à créer en 2009 l'Orient & Dance Theater. D'abord, c'est pour exister en tant qu'artiste, c'est-à-dire vivre ma passion et continuer à créer. Je voulais laisser plus tard derrière moi, aux nouvelles générations, un legs, une référence. Je voulais donner, partager. J'ai créé l'Orient & Dance Theater pour être à l'écoute des jeunes, répondre à leurs besoins artistiques.» Notons que la particularité de l'Orient & Dance Theater tient de l'engagement de ses membres (les danseurs) à travailler également avec des individus à des sourds-muets. «En effet. Nous travaillons avec cette frange de la société. C'est pour dire que, eux aussi, ont le droit d'avoir une vie artistique, de vivre pleinement leur passion, de vivre l'art comme tout le monde», dit-il, et de renchérir : «L'idée de m'intéresser aux sourds-muets vient de ce moment où j'ai commencé à approfondir la question des sens et à les intégrer dans mon travail de création. Et ce qui est extraordinaire lorsque je travaille avec eux, c'est ce que cela se fait facilement. Ils sont intelligents et réceptifs. Le lien qui nous lie tous, c'est le langage du corps, car on n'a pas besoin de parler ou d'entendre. Avec le corps, on peut dire et comprendre.» L'autre question qui revient d'une manière récurrente est : y a-t-il une pratique dans le domaine de la danse contemporaine en Palestine ? A cela, Maher Al-Shawamreh répond : «Au début, lors que j'ai commencé en 1996, ça été difficile. Pour survivre artistiquement, il fallait surmonter l'obstacle de la tradition. On se heurtait à des mentalités très peu ouvertes à ce genre d'art. Mais peu à peu, avec les années, les choses commençaient à changer. Les mentalités ont commencé à changer. De plus en plus de jeunes s'intéressent à la danse contemporaine, et il y a une demande du public. Il y a un environnement favorable au développement de la danse contemporaine en Palestine.» Yacine Idjer Dire la Palestine par le corps ♦ Par le langage corporel, de jeunes danseurs palestiniens, des talents confirmés, tiennent, à chaque fois, saisir la réalité, pour dire leur vécu, raconter leur histoire. Dans Voyage, à titre d'exemple, une pièce chorégraphique signée Maher Shawamra, les danseurs, en usant du langage corporel, racontent «l'histoire d'un lieu de provenance avec toute sa densité historique, patrimoniale et culturelle, vivant dans ses tourments existentiels». Ils racontent la quête de la terre d'origine, qu'est la Palestine, donc l'espoir de l'affranchissement du joug colonial sioniste. «La pièce dévoile l'attachement à la patrie et ce désir d'y retourner, elle exprime ce désir de transcender les frontières et s'arracher de toute contrainte politique», dira Maher Shawamra, qui souligne que le sentiment viscéral pour la patrie est illustré à travers la gestuelle, le tout se voulant métaphorique. «Le corps est soutenu par le chant et la musique. C'est pour illustrer l'aspect identitaire de notre quête», explique-t-il. Y. I.