Débat ■ «Une langue algérienne», voilà ce à quoi s'attache dans son écriture littéraire le romancier Amine Zaoui afin d'imprégner un cachet à la littérature algérienne. Cette langue, dite algérienne, avec laquelle il compose dans chacun de ses livres, qu'elle soit exprimée en français ou en arabe et qui, semble-t-il pose problématique dans certains milieux intellectuels, a été également revendiquée par, notamment Boudjedra et Kateb, ainsi qu'un certain mouvement universitaire soucieux d'uniformiser une linguistique spécifique à la culture algérienne. L'homme de lettres, fécond et imaginatif dans ses créations livresques, s'attache à défendre son choix d'écriture bilingue tout en plaidant pour un langage littéraire qui soit l'outil créatif à l'écoute de la société algérienne, de son histoire et de ses émotions. Utiliser «la langue algérienne», selon Zaoui, qui intervenait lors d'une rencontre au centre culturel Azeddine-Medjoubi à Alger, initiée par l'association El-Kalima, est le fait d'exprimer par la plume créatrice et libératrice l'existence d'une littérature algérienne. Une volonté de justifier la pérennité d'un champ littéraire avec ses propres expressions et ses sonorités. Amine Zaoui, fort de ses arguments quant à l'usage de «la langue algérienne», insiste sur le fait qu'il n'est ni le premier ni le dernier à vouloir utiliser un verbe et des expressions d'essence algérienne. Il n'hésite pas à faire remarquer qu'il existe des précurseurs en la matière tant au Maghreb qu'en Afrique. Une intelligentsia ayant opté pour cette catégorie d'écriture d'essence populaire, qui n'amoindrit en rien le génie créateur de l'écrivain. «Dans mes écrits, j'opte pour un arabe différent de celui utilisé au Moyen-Orient ou dans le monde arabe de façon générale puisqu'il s'appuie sur notre imagination algérienne qui véhicule ses particularités amazighe, méditerranéenne et africaine». Par conséquent, son ouverture à de nouveaux critères d'écriture, autres que ceux prônés par les fidèles d'une langue arabe unificatrice, trouve une certaine résistance de ces derniers, dictée par la crainte d'une remise en question identitaire «arabo-musulmane» dans un monde de globalisation. L'autre problématique littéraire à laquelle fait face l'écrivain et universitaire est l'écriture «provocatrice » portant préjudice au sacré. L'aile traditionnaliste fait référence à des textes portant atteinte à «la morale». Amine Zaoui s'en défend en avançant : «Tout homme de lettres se doit de faire dans la provocation à condition que celle-ci soit mue par un souci culturel, voire pédagogique». N'est-ce pas aux femmes et hommes de lettres d'être les témoins de leur temps et leur ère et de transmettre à travers le récit romanesque ou autre, des portraits, des situations, des émotions et des sentiments propres au contexte socioculturel où ils évoluent ? L'écriture du roman c'est la part du mirage, de la fable, de l'illusion que porte en lui le romancier. L'homme de culture a avoué, lors d'une précédente rencontre avec son public, qu'écrire pour lui c'est être comme baigné de «folie», un état second. La place de la poésie dans l'écrit romanesque, les droits de la femme, l'amour dans toute son acceptation, le machisme des Algériens, le trouble émotionnel, sa relation avec le mysticisme, tout est introspection suggestive pour l'homme de lettres. Et c'est cela l'écriture de Zaoui.