Résumé de la 1re partie n À la fin du XVIIIe siècle, la décision est prise de déplacer les ossements dans une partie des carrières situées hors de la barrière d'Enfer du mur des Fermiers généraux, sous la plaine de Montsouris, appartenant alors au territoire de Montrouge. Ce cimetière prend en 1130 le nom de Saints-Innocents en référence aux «saints Innocents», enfants de Judée massacrés sur l'ordre du roi Hérode ; mais ce nom semble également source de confusion dès cette époque avec celui de Saint-Innocent, à la suite de l'inhumation d'un enfant prétendument crucifié par des Juifs à Pontoise vers 1179, et à l'origine de miracles après son inhumation en ce lieu sous le règne de Philippe-Auguste. Situé entre la rue Saint-Denis, la rue de la Ferronnerie, la rue de la Lingerie et la rue Berger, il reçoit pendant treize siècles des dizaines de générations de Parisiens, décédés dans les vingt-deux paroisses de la ville, ainsi que les cadavres évacués de l'Hôtel-Dieu et de la morgue. D'un petit cimetière de campagne, il devient le plus grand cimetière de Paris, et est progressivement entouré de constructions, jusqu'à devenir partie intégrante d'un des quartiers les plus animés de la ville. Les guerres, les épidémies ou les famines apportent leur lot de milliers de cadavres à inhumer dans cet espace restreint, ce qui rend leur décomposition de plus en plus difficile. Les fosses communes atteignent alors plus de dix mètres de profondeur. À la fin du XVIIIe siècle, le sol du cimetière se situe en conséquence plus de deux mètres au-dessus du niveau de la rue, entraînant des problèmes d'insalubrité, dénoncés de longue date. La décomposition sans cesse renouvelée de milliers de cadavres favorise la propagation de maladies. Dès 1554, des médecins de la faculté de Paris s'indignent en vain contre les risques d'épidémies que fait peser l'existence du cimetière. En 1737, des médecins de l'Académie royale de sciences confirment cette analyse et les plaintes des riverains ne font que s'accumuler au fil des ans. Si les inhumations individuelles ne dépassent pas deux cents par an, les fosses communes, en revanche, accueillent jusqu'à mille cinq cents cadavres. Elles sont périodiquement vidées afin de faire de la place lors de la création de nouvelles fosses, et les ossements placés dans d'immenses charniers entourant le cimetière. Le dernier fossoyeur, François Pourrain, estime avoir enterré aux Innocents environ quatre-vingt-dix mille cadavres en moins de trente ans. Un chroniqueur du XVIIIe siècle note que dans le quartier, le vin tourne au vinaigre en moins d'une semaine et que la nourriture se gâte en quelques jours.