Horreur n Ayant quitté leur pays il y a plusieurs mois pour fuir la misère, des centaines d?Africains, âgés d'une vingtaine d'années pour la plupart, ont souffert le martyre dans le pays du roi Mohammed VI. Misè El-Hadj Mané Diallo est l'un des 140 Sénégalais rapatriés par avion, lundi, à Dakar. Ce jeune homme de 25 ans a raconté son parcours jusqu'au Maroc, puis le cauchemar que ses «frères» et lui ont vécu ces derniers jours. «Je suis parti en juin pour le Mali, puis je suis allé en Algérie avant d'arriver au Maroc», raconte El Hadj à son arrivée à l'aéroport de la capitale sénégalaise. Ces souvenirs déjà lointains se sont effacés devant l'horreur de la répression qui a frappé les candidats à l'immigration lorsqu'ils ont tenté de pénétrer illégalement dans les enclaves espagnoles situées dans le nord du Maroc, entourées de grillages. «Dans les grillages, il y a des gens qui sont morts. Les Espagnols ont tiré, ils ont tué des gens. A chaque attaque, il y a eu des morts», se souvient-il. Le calvaire d'El Hadj ne faisait alors que commencer. «Les Espagnols nous ont donnés aux Marocains et les Marocains nous ont d'abord envoyés à Nador (sud de l'enclave espagnole de Melilla), puis ils nous ont amenés dans le Sahara, prés de la frontière algérienne.» «J'étais avec mes amis. L'un d'eux a été blessé au pied pendant l'attaque. Il ne pouvait plus marcher et les Espagnols l'ont mis dehors», se rappelle-t-il. «Les gendarmes marocains nous ont alors jetés dans le désert. Moi et un ami, on a pris le blessé et on l'a aidé à marcher doucement jusqu'à ce qu'on arrive dans un camp algérien», poursuit-il. «Les Algériens nous ont divisés en petits groupes de dix et, depuis ce jour, je n'ai plus revu mon ami. Les Algériens nous ont ensuite réexpédiés dans le désert marocain.» D?autres clandestins de retour à Dakar sont également choqués par leur expérience: «J'ai laissé tout mon argent au Maroc. Au Sénégal, je n'ai que ma mère et elle ne peut pas m'aider, je ne sais pas ce que je viens faire ici», explique Adama, jeune peul de 25 ans, un immigrant clandestin sénégalais qui témoigne encore. «Ce que nous avons vécu au Maroc, je ne peux pas le raconter. J'ai perdu beaucoup d'argent. On m'a fait, très, très, très mal. Ils nous ont traités comme des chiens, des bêtes, des vauriens, ils ont pris nos portables, notre argent, et puis ils nous ont lâchés dans le désert» près de la frontière algérienne, raconte-t-il. Sur le front diplomatique et en pleine crise de l'immigration, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos est arrivé dans la soirée d?hier à Rabat pour rencontrer son homologue marocain Mohamed Benaïssa. Les deux ministres ont convenu lundi soir de créer un mécanisme destiné à étudier le problème des émigrants clandestins africains dans «tous ses aspects», a déclaré un responsable marocain. Selon la même source, MM. Moratinos, Benaïssa et le ministre délégué marocain aux Affaires étrangères Taeib Fassi Fihri ont estimé que la question de l'immigration illégale «n'est pas une affaire maroco-espagnole mais afro-européenne qui concerne toute l'Afrique et l'Europe».