Changement La structure d?Al-Qaîda se ramifie. Aujourd?hui, des groupes régionaux poursuivent des objectifs distincts tout en partageant les moyens d?action. Ce qui complique la lutte antiterroriste. Les récents attentats commis en Turquie et en Arabie saoudite montrent que les organisations de dimensions plus modestes, dont la plupart des dirigeants ont été formés dans les camps d?Al-Qaîda en Afghanistan, se sont éparpillées, imprégnées d?idéologie radicale et dotées des moyens de créer ou de redynamiser les groupes terroristes locaux. Ils contribuent également à élargir les horizons de groupes qui s?étaient, jusque-là, concentrés sur des questions régionales. Les membres de sa direction ayant été en grande partie éliminés ou capturés, sa structure financière faisant de plus en plus l?objet d?une étroite surveillance, le réseau d?Oussama ben Laden, désormais commandé par des agents subalternes, s?appuie de façon croissante sur ces groupes pour mener le djihad contre les Etats-Unis et leurs alliés. Al-Qaîda se contente maintenant d?inciter à commettre ce genre d?attentats et de les inspirer. «Aujourd?hui, la menace dépasse le cadre d?Al- Qaîda», commente Rohan Gunaratna, spécialiste du terrorisme à l?Institut des études stratégiques et de défense de Singapour. «Al-Qaîda est effectivement l?instigateur des derniers attentats, mais très peu d?entre eux ont été véritablement perpétrés par le réseau proprement dit.» Si deux des opérations les plus retentissantes, les attentats- suicide du 12 mai et du 9 novembre à Riyad, en Arabie saoudite, semblent bien être l??uvre d?Al-Qaîda, la plupart des autres ne peuvent lui être directement attribuées. Un nouveau groupe, le Front islamique des combattants du Grand Orient, a revendiqué les deux attentats à la voiture piégée du 20 novembre à Istanbul. La Djamaâ islamiya, l?une des organisations les plus connues parmi celles affiliées à Al-Qaîda, a revendiqué l?explosion qui a tué plus de 12 personnes à Jakarta le 5 août dernier. Deux jours après l?attentat du 12 mai à Riyad, quatre autres attentats importants ont été perpétrés par des groupes obscurs au Pakistan, au Maroc et aux Philippines. Selon un responsable du FBI, ce qui semble surtout relier ces groupes, c?est leur expérience commune dans les camps d?entraînement afghans d?Al-Qaîda. Quelque 20 000 personnes venues de quarante-sept pays, seraient passées par ces camps depuis le milieu des années 90 jusqu?à l?invasion américaine de l?Afghanistan, en octobre 2001. Les combattants y étaient formés et endoctrinés, devenant ainsi la clé de futurs réseaux en rentrant chez eux. M. Gunaratna dépeint les camps d?Al-Qaîda comme une sorte de «Disneyland terroriste, où se croisaient les représentants de tous les groupes islamistes». Pour les services de renseignement, cet essaimage de la terreur s?explique, en partie, par la capture ou la mort des principaux adjoints de Ben Laden, et par le fait que les individus et les institutions qui finançaient le mouvement sont désormais sous pression. L?une des principales contributions de l?ex-citoyen saoudien à l?extension du terrorisme, explique Paul Pillar, analyste de la CIA, a été « de faire passer au premier plan la perspective antiaméricaine. A tel point que même les groupes plus orientés sur des objectifs régionaux en sont affectés... L?antiaméricanisme, ça marche, surtout au Moyen-Orient ».