Dans l?orgueilleuse Philippeville, tous les chemins mènent à l?hôpital, jouxtant l?hôtel Essalam, où logeait Chakib Khelil après une courte visite au service des urgences qui a vu un défilé des ambulances de la Protection civile. Les policiers arrivent difficilement à contenir la marée humaine qui afflue de tout bord. Dans le parking, des voitures aux différentes immatriculations. Les couvertures et les draps arrivent presque au même moment que les blessés. Les donneurs de sang retroussent déjà leurs manches, même devant un portail hermétiquement fermé. Protocole oblige, il fallait attendre la fin de la visite du ministre. Et à chaque fois qu?on ouvrait le portail, c?était dans l?attente d?un mort. «Ce n?est pas la peine de le regarder, il est méconnaissable.» Une femme, les larmes se déversant comme un long ruisseau, veut identifier le cadavre. «Ils m?ont dit qu?il est mort, je veux le voir?», parlant de son mari qui faisait partie des «caristes» qui ont vécu la catastrophe. Skikda était calme. Un calme sobre. Un silence de cimetière régnait dans chaque recoin de la ville. On se dépêche d?aller enterrer vingt- trois glorieux hommes qui sont morts parce qu?on a refusé de les écouter et qui ne sont plus là pour témoigner dans une énième «commission d?enquête».