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L'écriture de l'Histoire, c'est toute une histoire !
Acteurs historiques et historiens algériens témoignent peu et écrivent
Publié dans La Tribune le 01 - 11 - 2014

Il y a quelque temps seulement, disparaissait Zoubir Bouadjadj, un des membres des «22» qui ont planifié le déclenchement de la guerre d'Indépendance de l'Algérie. Ne sont encore en vie que Mostefa Benaouda, Othmane Belouizdad et Abdelkader Lamoudi. Bien avant Zoubir Bouadjadj, Mohamed Boudiaf est assassiné le 29 juin 1992. Slimane Amirat, un autre acteur de la Révolution, est mort deux jours après, alors qu'il se recueillait sur sa tombe au cimetière algérois d'El Âlia. D'autres figures marquantes de la guerre de Libération ne sont plus de ce monde, disparues avant Si Tayeb El Watani et Dda Slimane, ou après eux. Ces légendes n'ont pas tous le triple statut, reconnu et célébré, d'acteur majeur, de héros de la guerre et de martyr de la Révolution. Certains ont été tués par l'ennemi d'hier. D'autres durant la guerre par leurs propres frères d'armes quand ce n'est pas par d'autres porteurs d'armes du régime post Indépendance. De tous ces grands noms, on sait peu de chose qui soit précis, éloquent et cohérent pour constituer une biographie édifiante ou un récit rigoureusement historique, sous la plume d'Algériens. Bref, quelque chose qui ait une valeur documentaire, un sens et une portée historiques. Alors que la biologie, avec l'aide de la grande faucheuse, fait inéluctablement son œuvre, des bibliothèques entières, c'est-à-dire des mémoires vives disparaissent avec la mort de ces agents et témoins de premier plan de l'Histoire, celle qui s'écrit avec un grand «H». Avec la disparition des uns et des autres, se creuse encore plus le trou noir de l'Histoire. À titre d'exemple, celle des heures ayant précédé le Premier Novembre 1954 et les moments d'après.
Cinquante-deux ans après la fin de la longue nuit coloniale, l'écriture de
l'Histoire, c'est toujours toute une histoire en Algérie ! Un combattant de la liberté qui disparaît sans avoir livré les secrets de sa propre boîte noire, et c'est le disque dur de la mémoire du Premier Novembre 1954 qui en est d'autant amputée. Le président Abdelaziz Bouteflika, lui-même mémoire vive de la Guerre et du demi-siècle de l'Indépendance, s'est déjà plaint de ce défaut algérien qui consiste à ne pas faire l'indispensable débriefing des mémoires. «Toutes les fois qu'un moudjahid disparaît, indépendamment de sa position dans la pyramide de la Révolution, nous enterrons avec lui une partie de l'Histoire, et une information précieuse s'en va si elle ne venait pas à être enregistrée et
répertoriée.» Tous les acteurs de la guerre, encore vivants, ont la même foi : un moudjahid qui s'en va sans avoir fait parler sa propre mémoire, et c'est une ancienne vigie vigilante de la Révolution et une éventuelle bougie éclairante de l'Histoire qui s'éteint.
Cinquante-deux ans après l'Indépendance, l'Histoire tout de même assez récente de la guerre de Libération et de tout le Mouvement national, à défaut d'être rigoureusement écrite par des Algériens, est toujours célébrée avec mémoire fragmentée et séquentielle : la question de l'écriture de l'Histoire par les Algériens eux-mêmes est toujours posée. Plus que jamais, avec une extrême acuité. On fait toujours, cinquante ans après, le même constat de carence, c'est-à-dire du travail historique qui reste encore à faire ou à parfaire lorsqu'il n'est pas entièrement à faire ou à refaire. À observer le chef de l'Etat souligner lui-même l'impérieux besoin de recueillir, répertorier et traiter les témoignages des moudjahidines encore en vie, on en déduit que cet effort n'a pas été entrepris. Ou bien qu'il aurait été effectué de manière partielle, parcellaire et superficielle. On en vient aussi à se poser la question du comment faire, avec quoi faire et avec qui le faire ce travail de dépouillement des mémoires ? Indépendamment de l'exploitation des archives d'Etat, des archives de presse et des archives universitaires disponibles en Algérie. Et, obligatoirement, des archives rapatriées en France, notamment les
documents de sûreté (armée, police) et autres pièces de souveraineté. Sans oublier celles qui touchent à la vie quotidienne et à l'Administration. Mais comment opérer alors même que l'Algérie ne dispose pas d'un nombre suffisant d'historiens dont la recherche est une vocation et la production de travaux une raison d'être universitaire ? Comment justement faire quand perdure une crise de vocations et que les témoins et les acteurs se taisent ou, quand ils se décident à parler, raconte l'Histoire avec le petit «h» de l'anecdote ? Et encore, même l'anecdote se fait rare chez la plupart de ces acteurs et autres témoins mutiques et taiseux en diable, et qui ont un rapport obsessionnel avec la mémoire de la Guerre, considérant que tout est secret et que tout doit rester dans la tombe. Oubliant que la pire des tombes, c'est celle du silence et de l'oubli. À l'exception de Mohamed Harbi et de Mohamed Téguia, historiens dignes de ce nom, et à un ou deux degrés moindres de Ferhat Abbes, Ali Haroun ou de Hocine Aït Ahmed -encore que ce dernier n'a rédigé à ce jour qu'un seul tome de ses mémoires forcément sélectives-, seuls quelques acteurs et témoins de premier ou de second plan, ou encore de troisième rang, ont parlé. Sans pour autant que
leur récit soit d'une indéniable qualité académique, en tout cas assez pour devenir un matériau valable pour la recherche historique. Mais ils ont «parlé» quand même. À l'image d'Abderrezak Bouhara, Ali Kafi, Saad Dahleb, Benyoucef
Benkhedda ou Tahar Zbiri.
Ajoutons à toutes ces carences le fait que le Département d'Histoire de l'université, au lieu de réels historiens, produit surtout des rhéteurs dont la formation au rabais est sanctionnée par un diplôme semblable à de la monnaie de singe ! Aussi, ne peut-on pas éviter de se demander de combien de Mohamed Harbi, de Mahfoud Kaddache, de Gilbert Meynier ou de Benjamin Stora l'Algérie dispose-t-elle en ce premier Novembre 2014 ? Sur combien d'historiens dignes de ce nom elle peut compter pour écrire son Histoire, autrement que par la célébration ritualisée et magnifiée d'une mémoire officielle ? Ou encore à travers l'interrogation émotionnelle du vécu. Tout aussi bien par l'évocation d'anecdotes sans valeur scientifique, de bribes d'histoire qui circulent sans être recoupés, d'itinéraires personnels ou de tradition familiale.
L'Etat des lieux est affligeant : il n'y a pas encore d'école algérienne de l'Histoire. Des Hassan Remaoun, Dahou Djerbal et autre Slimane Hachi sont de beaux exemples. Mais de jolies exceptions qui confirment la règle de pénurie. Plus d'un demi-siècle après l'Indépendance, le pays n'a pas d'historiens qui font autorité et qui ont une grande notoriété. Reconnus, au sens d'études rigoureuses des faits et des événements du passé, d'une construction objective, d'une recherche approfondie et d'une exploitation critique des sources.
Il n'y a pas, au présent, des Mahfoud Kaddache, des Mohamed Harbi, des
Mouloud Gaid ou encore des Mohamed Téguia (lui-même acteur de la Révolution, au même titre que Mohamed Harbi), même si certains d'entre eux ne sont pas aussi prolifiques que les Français Charles André Julien, Charles-Robert Ageron, Gilbert Meynier ou Benjamin Stora. La carence et le défaut se conjuguent aussi, pour ne pas dire surtout, au féminin. Il n'y a pas non plus de Madeleine Rébérioux ou d'Annie Rey-Goldzeiguer algériennes. Le vide, presque parfait, du champ de l'écriture historique en même temps que la faiblesse de l'historiographie, sont d'autant plus attristants que s'était affirmée durant la période coloniale une école de contre-histoire typiquement algérienne. D'abord en arabe, sous la plume d'auteurs issus du mouvement des Ulémas comme Moubarak El Mili, Ahmed Tewfik El Madani et Abderrahmène El Djilali. Ensuite, en français, sous la signature d'intellectuels de haute volée du PPA-Mtld, tels Mohamed Chérif Sahli et Mustapha Lacheraf.
En ce qui le concerne, lorsqu'il appelle à consigner les témoignages des
moudjahidines, l'ancien commandant Abdelkader El Mali exprime là une
exhortation qui participe, malheureusement, d'une généreuse profession de foi. Le fond du problème est complexe. Il réside dans le statut officiel de la recherche historique. Notamment, dans les moyens qui lui sont alloués, sans omettre la qualité de l'enseignement de l'Histoire, le nombre d'historiens qualifiés et surtout la philosophie qui sous-tend l'écriture historique. En 2014 l'Histoire reste une affaire d'Etat dans un pays où le débat historique, quand il a lieu, se fait souvent sans les historiens, même quand ceux-ci sont regroupés dans des centres de recherches publiques. Plus d'un demi-siècle après l'Indépendance, l'Algérie demeure un pays amnésique dont l'Etat pratique une politique de la mémoire et une politique de l'Histoire. Une mémoire qui reste celle de la célébration et de la glorification.
Quand il invite à interroger la mémoire des seuls moudjahidine, le chef de l'Etat confirme implicitement que l'Histoire est toujours l'objet d'enjeux politiques. Les historiens qui œuvrent au pays travaillent toujours sous multiple surveillance. Celle de la Présidence de la République, du
gouvernement, des services de sécurité et de l'ONM. Une organisation des
moudjahidine, gardienne sourcilleuse du temple mémoriel, qui délivre les bons à tirer pour les publications et les visas de tournage pour les films historiques.
L'Histoire en Algérie, c'est tout un film, c'est toute une histoire, mais quelle
histoire !
N. K.
Questions posées à l'historien et acteur de la guerre de Libération, Mohamed Harbi, le 5 juillet 2010
Quelle est la place des ouvrages écrits par des non-historiens (mémoires d'acteurs des événements, essais, romans inspirés de faits historiques, etc.) dans le récit sur le mouvement national et l'indépendance de l'Algérie ?
MOHAMED HARBI : D'une manière générale, ces ouvrages ont un avantage, celui de rendre compte de tout l'éventail des itinéraires individuels tout en intégrant les témoignages des acteurs historiques qui ont servi de source aux travaux des historiens. A leur lecture, on décèle un inconvénient : celui de diluer en un
grand nombre d'itinéraires individuels tout ce spectre, sans que l'on puisse dégager de fil directeur dans ce foisonnement d'écrits, d'où la nécessité d'un recours aux sciences sociales pour esquisser une typologie, établir un classement, dater les faits, etc. d'où l'importance des archives. Je trouve qu'on n'y accorde pas l'importance requise. Je me souviens lors d'un séminaire à Oran, j'ai trouvé des chercheurs qui se réjouissaient de l'initiative prise par le défunt Ali Tounsi de détruire le fichier concernant des personnes, sous prétexte que les renseignements qu'il contenait étaient calomnieux et mensongers. Je leur ai fait part de mon étonnement.
Ce geste dont l'intention est sans doute louable créait un blanc dans l'étude de la construction de l'institution policière. Ils n'y avaient pas songé.
Comment devrait-on enseigner l'Histoire à l'école algérienne ? Qu'en est-il aujourd'hui ?
Je reviendrai longuement sur ce sujet un autre jour. Dans l'immédiat, il me semble urgent de repenser le «roman national». Sur quelle vision de l'histoire doit-il reposer ? Celle d'une Algérie, accomplie définitivement en 1830, ou celle d'une Algérie arabo-berbère riche de sa diversité culturelle et ouverte sur l'avenir.
Pour repenser cette histoire, il faut déconstruire les schémas interprétatifs élaborés dans les années 1930. L'introduction de la berbérité dans la Constitution est une avancée incontestable. Il reste à en tirer toutes les conséquences pour donner sens à une Algérie aux racines multiples, berbères, arabes et africaines.
N'oublions pas nos compatriotes noirs et le racisme dont ils sont ici et là l'objet.
Révélation de Mahfoud Kadache sur l'écriture de l'Histoire
Le professeur d'histoire, historien et ancien élu FFS à l'APW d'Alger, Mahfoud Kadache, avait révélé, avant son décès en juin 2006, un des secrets de l'écriture de l'Histoire de la Guerre d'indépendance.
Voici sa confidence : «Je te révèle aujourd'hui un secret : le président de la Radp, Houari Boumediene, nous avait réunis, en tant qu'historiens, un certain jour autour d'un très bon repas. Il nous a exposé alors sa conception
quant à l'écriture convenable de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Il passa, subtilement mais rapidement, du souhait à l'ordre intimé de nous voir écrire cette histoire en l'arrangeant. Cet arrangement devait, selon lui, s'opérer de telle sorte que l'écriture de l'histoire algérienne ne puisse pas exposer des noms de personnes impliquées, ni favoriser la contestation de certains acteurs vivants ou de leurs proches, ni engendrer des troubles de l'ordre public.
Ainsi, il nous invitait ou plutôt nous ordonnait en définitive, d'abandonner la rigueur de l'objectivité scientifique en matière de recherche historique, et d'essayer d'embellir sélectivement la vérité, au risque de la tuer, dans nos écrits sur l'histoire de notre peuple et de sa révolution. Nous étions tellement abasourdis par le raisonnement du chef de l'Etat, dans une ambiance autoritaire et de résignation générale, malgré la succulence du repas. Personne d'entre nous n'avait osé s'y opposer, ni même cherché à comprendre les véritables raisons subjectives, les motivations fondamentales et objectifs réels du président.»


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