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Le Venezuela implose sous l'effet des pénuries alimentaires
Au pays de la révolution bolivarienne
Publié dans La Tribune le 31 - 05 - 2016

«Il n'y a plus de riz.» La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans la file d'attente qui s'étire devant le supermarché Plansuarez de Caracas. La tension monte. Le ton aussi, pendant quelques minutes, avant que la rangée de consommateurs n'opte pour la résignation. Un groupe de policiers de la Garde nationale bolivarienne est planté à l'entrée du magasin. En bout de queue, une dame exaspérée interroge ses voisins : «Combien de temps allons-nous supporter cela sans rien faire ?» Elle s'est levée à trois heures du matin. Pour rien.
«Il n'y a plus de riz.» La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans la file d'attente qui s'étire devant le supermarché Plansuarez de Caracas. La tension monte. Le ton aussi, pendant quelques minutes, avant que la rangée de consommateurs n'opte pour la résignation. Un groupe de policiers de la Garde nationale bolivarienne est planté à l'entrée du magasin. En bout de queue, une dame exaspérée interroge ses voisins : «Combien de temps allons-nous supporter cela sans rien faire ?» Elle s'est levée à trois heures du matin. Pour rien.
A Maracaibo le 26 avril, à Guarenas le 17 mai, dans le quartier de Carapita à Caracas, mardi 24 mai, des citoyens en colère ont pris d'assaut les magasins. Au pays de la révolution bolivarienne, les pénuries de produits de base ne cessent de s'aggraver. L'Observatoire vénézuélien de conflictualité sociale (OVCS) a enregistré 166 cas de pillages ou de tentatives de pillages au cours des quatre premiers mois de l'année. «Le pillage est une forme extrême et condamnable de mobilisation sociale», rappelle le sociologue Rafael Uzcategui, directeur de l'organisation des droits de l'homme Provea.
Dans la file d'attente du supermarché, la dame continue : «Si les mères n'ont pas de lait ni de couches pour leurs bébés, si les gens ont faim, si les jeunes ne peuvent plus rien acheter parce qu'il n'y a rien à acheter, la situation va exploser.» Ses voisins sont d'accord. Et de rappeler que le Venezuela est un pays pétrolier «qui a été très riche et devrait encore l'être».
«Les gens consacrent tellement de temps et d'énergie à faire la queue pour acheter de la nourriture ou des médicaments qu'il n'en ont plus pour protester», ironise Isaura Flores, psychologue. Elle est de toutes les manifestations contre le président Nicolas Maduro. Dans un pays à l'économie dévastée par la chute des prix du pétrole «et la gabegie du gouvernement», Isaura s'étonne que ses concitoyens ne descendent pas massivement dans la rue. «La logique du chacun pour soi s'est imposée, au détriment de l'action collective», se désole-t-elle. La coalition d'opposition, qui a emporté haut la main les élections législatives de décembre 2015, a encore du mal à mobiliser sa base pour contraindre les autorités à organiser un référendum de destitution contre le successeur d'Hugo Chavez.
Les rayons vides d'un supermarché de Caracas, le 28 mai 2016.
«Dix-huit manifestations par jour»
Les chiffres de l'OVCS démentent l'apparente apathie de la rue. Le directeur de cette organisation non gouvernementale, Marco Antonio Ponce, constate que, «dans l'ensemble du pays, le nombre de mobilisations sociales est en augmentation constante depuis cinq ans». L'OVCS a répertorié 2 138 manifestations au cours des quatre premiers mois de l'année, soit en moyenne dix-huit par jour. «Mais la télé publique et les médias acquis au pouvoir ne parlent pas de ces manifestations locales, dont le rythme augmente. Beaucoup n'apparaissent pas dans nos statistiques, parce que l'information ne nous arrive pas», rappelle M. Ponce. Le gouvernement, lui, ne publie plus aucun chiffre depuis cinq ans.
Les manifestations sociales traditionnelles, organisées à l'appel de syndicats ou d'organisations professionnelles, ont largement cédé le pas à des mobilisations spontanées et informelles : les citoyens protestent contre les pannes d'électricité et les coupures d'eau quotidiennes, contre les problèmes d'approvisionnement, contre l'insécurité. «Ces manifestations sont autonomes, inorganiques, et souvent coupées des revendications politiques», souligne M. Ponce. M. Uzcategui s'inquiète de la crise de la représentation politique : «Les partis ne canalisent plus le mécontentement populaire.»
Toute la nourriture d'Antonio Torres et sa famille est étalée sur une table, dans leur maison, à Caracas, vendredi 22 avril.
Fin mars, le vice-président de la République, Aristobulo Izturiz, admettait que vingt et un pillages avaient eu lieu au cours de la seule semaine de Pâques, un chiffre bien supérieur à toutes les estimations non officielles. «C'est un fait nouveau dans l'histoire du pays : la province proteste plus que la capitale», note Inti Rodriguez, de l'organisation Provea. Caracas échappe au rationnement électrique, les pénuries y sont moins graves que dans le reste du pays, qui s'en agace.
Le «Caracazo» est dans tous les esprits. C'était en février 1989 : l'annonce de mesures d'ajustement économique – dont une hausse brutale du prix de l'essence et des transports – provoque la colère des quartiers populaires de la capitale. L'armée réprime dans le sang le soulèvement populaire, faisant plus de 3 000 victimes. Le pouvoir socialiste en place et ses médias ne cessent de rappeler la violence de cette répression «néolibérale».
L'impunité, une règle
M. Maduro considère que la crise actuelle résulte de la «guerre économique» qui serait organisée par la droite pour faire chuter son gouvernement. Et que les pillages sont, eux, aussi pilotés par l'opposition. Isaura s'insurge : «Les chavistes qui sont au pouvoir depuis dix-sept ans ont gaspillé la plus phénoménale manne pétrolière de toute l'histoire du pays et ils ont le culot de se poser en victimes.»
Les pillages sont-ils tous aussi spontanés qu'ils en ont l'air ? Ou sont-ils, pour certains, provoqués par la mafia des bachaqueros ? Ce sont les revendeurs qui soustraient les marchandises du circuit de distribution contrôlé par l'Etat pour les revendre à prix fort au marché noir. Les bachaqueros à grande échelle disposent évidemment de complicités au sein de l'Etat et de la force publique. «Les actions menées non pas contre des supermarchés mais contre les camions d'approvisionnements augmentent, raconte M. Ponce. On peut penser que ces pillages-là ne sont pas complètement improvisés. Les pilleurs doivent disposer d'un minimum d'informations sur les trajets et les horaires des camions.»
L'impunité est la règle au Venezuela, où l'immense majorité des crimes et des délits n'est pas sanctionnée. C'est d'autant plus vrai pour les pillages – ou les lynchages – qui sont des délits collectifs, difficiles à verbaliser. Quand ils arrivent à temps, militaires et policiers réussissent à contenir les accès de colère de la foule. Mais une fois que les pillards sont à l'œuvre, les forces de l'ordre laissent faire… quand ils n'y participent pas. M. Ponce continue : «Souvent, la colère populaire éclate à la vue d'une scène de corruption : des policiers ou des soldats qui coupent la queue ou participent au détournement d'aliments.»
Même la base du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) proteste à l'occasion. «Les chavistes eux aussi font la queue pour acheter du riz. Et râlent quand ils n'en trouvent pas», explique Inti Rodriguez. Mais les déçus du chavisme, tout mécontents qu'ils soient, rechignent encore à rejoindre la coalition d'opposition. Pour Rubne, retraité, «ni les chavistes au pouvoir ni les leaders de la MUD (la plate-forme de l'opposition) ne savent ce que c'est que de faire la queue».
M. D.
In lemonde.fr


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