Pendant qu'en Irak, en Syrie et au Yémen, des guerres confessionnelles font rage, en Egypte un chantre copte interprète en musique une belle poésie soufie. Bel hommage à la tolérance et au respect mutuel. , l'hebdomadaire en français du quotidien égyptien du même nom, revient sur l'aventure d'un chantre copte qui s'est mis aux cantiques (si l'on puit dire) soufis portés par une musique qui peut produire un drôle d'effet dans l'oreille d'un musulman. Expérience réussie, nous dit Névine Lameï, la reporter de l'hebdomadaire. Du sacré en toute liberté Le groupe musical Salib Sufi Project interprète des chants soufis, des louanges du prophète sur une musique inspirée d'hymnes et cantiques coptes. Une première. «Fondée en 2014, par l'artiste touche-à-tout Salib Fawzi (photo), chantre à l'église de la Sainte Vierge, dans le gouvernorat de Minya, le groupe musical Salib Sufi Project lance un appel à la paix et à la tolérance. Les chants soufis et les cantiques coptes se mêlent dans l'œuvre de cet interprète, compositeur et parolier, afin de donner une belle charge émotive à sa liturgie lyrique. L'artiste, ayant toujours rêvé de dépasser la frontière de sa ville natale, Mallawi (au sud de l'Egypte), a réussi à amalgamer les différents styles mystiques. «Mes concerts font office de rencontres spirituelles, où chrétiens et musulmans s'adressent à un seul Dieu. Je n'interprète pas les cantiques coptes dans un esprit soufi, comme le font certains artistes. Mais je fais fusionner les genres et les styles : invocations de Dieu, louanges du prophète, hymnes chrétiens, poèmes ancestraux des poètes mystiques Ibn Arabi ou Ibn Al-Farid», souligne Salib Fawzi. «Pour lui, il y a une grande différence entre les cantiques chrétiens, en langue arabe, récités par les chœurs dans l'église, et les hymnes coptes traditionnels de l'église copte, inspirés des traditions et des rituels de l'Egypte ancienne. Et au musicien d'expliquer : «Les hymnes solennels chantés à la messe dominicale, les hymnes coptes (prières et psaumes), généralement en langue liturgique copte, sont incompréhensibles pour les gens ordinaires, les chrétiens y compris. En fait, ils doivent les étudier, s'ils sont intéressés. Pour rendre mon œuvre plus accessible, j'ai donc pensé les traduire moi-même vers le dialecte égyptien ou l'arabe classique, puis les mixer avec des chants islamiques soufis». «Tout est uni par l'amour divin. Salib Fawzi compare souvent le monde mystique où il puise son art à une mer extrêmement profonde, laquelle renferme plein de secrets et de mystères. «J'aime préserver les rythmes anciens, les mesures utilisées autrefois par les musiciens, les airs ancestraux, coptes ou soufis», dit Fawzi, toujours accompagné d'un luthiste, d'un accordéoniste, d'un violoniste, d'un percussionniste et d'un joueur de cymbale et de triangle. «En concert, Salib Fawzi porte souvent des habits confectionnés à partir des tissus d'Akhmim, en Haute-Egypte. Il n'a aucun souci de se produire côte à côte avec des artistes sympathisant avec la confrérie des Frères musulmans. «Je préfère interpréter moi-même les divers chants. Je suis d'ailleurs le seul à chanter en solo des louanges au prophète et aux saints de l'islam, sur la musique d'hymnes purement coptes. C'est vrai que je suis souvent critiqué sur les réseaux sociaux, même pour le nom de la troupe Salib Sufi, liant littéralement la croix au soufisme, mais j'assume mon choix. La politique divise. La religion divise. Seul l'art peut réunir et apaiser les âmes», conclut Salib Fawzi. remonte aux origines des guerres confessionnelles qui ravagent aujourd'hui le Moyen-Orient. Le site d'information en ligne dirigé par Jean (Marie Colombani, ancien directeur du quotidien Le Monde, constate, comme tous les observateurs, une recrudescence des hostilités armées et des cruautés entre sunnites et chiites pendant ce Ramadhan. Henri Tincq explique que les guerres actuelles ne sont que le résultat du schisme entre les deux grands courants de l'islam né du conflit pour sa succession dès le lendemain de sa mort en 632. «Un Ramadhan de guerre, un Ramadhan de fitna (discorde), cette fitna qui, depuis près de treize siècles, déchire l'islam entre sunnites et chiites et trouve son paroxysme aujourd'hui dans les guerres confessionnelles du Moyen-Orient. A travers la compétition que se livrent, à un niveau jamais atteint, l'Arabie Saoudite et l'Iran – avec ses milliers de morts déjà en Irak, en Syrie, au Yémen –, c'est le leadership dans l'islam qui est en jeu, l'affrontement de deux histoires, de deux visions de l'islam, de deux versions eschatologiques de l'homme affronté à ses fins dernières. «La première fitna oppose, à la mort (en 632) et à la succession du Prophète, les compagnons» bien guidés» de Mohamed, futurs premiers califes, et le parti (shia) d'Ali, son cousin et gendre, qui défend les droits de la «maison du prophète», la tribu koraïchite. Cette première guerre de légitimité donne naissance à la légende sanglante des chiites, pour qui le califat devrait revenir de droit à Ali. Si le cousin du prophète finit par se hisser au pouvoir en 656, il est assassiné à Koufa d'un coup d'épée empoisonnée. Ses deux fils, Hassan et Hussein, sont également tués, en 680, sur le champ de bataille de Kerbala (image ci-dessus), l'un des lieux saints les plus fameux du chiisme. «L'histoire de l'islam commence ainsi dans le sang entre les héritiers des premiers califes omeyyades et les partisans de la lignée d'Ali. La piété doloriste des chiites, qui s'exprime encore aujourd'hui dans les lieux saints d'Irak et d'Iran, naît du souvenir de ces premiers «martyrs», célébré, amplifié, mythifié par la tradition.