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Syrie - Liban : le Hezbollah, machine de guerre
Il est aussi une force politique capable d'imposer son agenda sur la scène nationale

Depuis son entrée en guerre aux côtés de Bachar Al-Assad en Syrie – officielle en 2013 –, l'organisation chiite libanaise armée a pris de l'envergure. Le «Parti de Dieu» n'est plus seulement l'acteur militaire le plus puissant du Liban
Jamais le Hezbollah ne s'était livré à pareille démonstration de force. Le 13 novembre, l'organisation chiite libanaise exhibait, en grande pompe, des colonnes de chars, mitrailleuses pointant vers le ciel, des véhicules blindés pavoisés de jaune vif, couleur du «Parti de Dieu». La pléthore d'engins militaires à la provenance inconnue a frappé les esprits, ainsi que le lieu choisi pour parader : Qoussair, en Syrie. Tout un symbole.
C'est en effet à Qoussair, à la fin du printemps 2013, que le Hezbollah lançait sa première offensive officielle contre les rebelles syriens. Sa victoire avait permis à son allié de Damas de récupérer une zone stratégique. Le Hezbollah n'était alors qu'une force supplétive, venue soutenir les efforts de guerre d'un régime ami. Avec ce défilé, c'est en armée qu'il s'affiche.
A Beyrouth, l'entrée en guerre du Parti de Dieu aux côtés des troupes de Bachar Al-Assad a provoqué l'indignation de ses adversaires, puis l'acceptation fataliste devant le fait accompli. Pour l'organisation chiite libanaise, c'est sans conteste un tournant de son histoire : au fur et à mesure de son implication militaire en Syrie, elle a pris du galon. De l'envergure.
Le Hezbollah n'est plus seulement l'acteur militaire le plus puissant du Liban, une force politique capable d'imposer son agenda sur la scène nationale, dictant, par exemple, le tempo de la récente élection de Michel Aoun à la présidence du pays. Il s'impose désormais, selon le politologue Ali Mourad, comme un «acteur régional non étatique» incontournable du Proche-Orient.
«Mort aux Saoud !», «Mort à Israël !»
Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, l'a bien compris. Ce leader charismatique, lunettes cerclées sous un austère turban noir, se pose aujourd'hui en adversaire direct du roi d'Arabie saoudite, vilipendant la guerre menée par Riyad au Yémen et le soutien financier des Saoudiens aux factions anti-Assad en Syrie.
Lors de manifestations de ses sympathisants, le slogan «Mort aux Saoud !» est devenu aussi fréquent que celui de «Mort à Israël !». Le champ d'action du Hezbollah s'est élargi. Outre la Syrie, ses combattants sont déployés en Irak, des conseillers militaires ont été envoyés au Yémen. Le parti entretient d'étroites relations avec des opposants à Bahreïn…
Les objectifs qu'Hassan Nasrallah avait fixés en 2013 pour justifier son engagement militaire en Syrie sont outrepassés depuis longtemps. A l'origine, il s'agissait de sauver le mausolée de Sayyida Zeinab, lieu saint chiite situé aux portes de Damas, et protéger une douzaine de villages chiites syriens frontaliers du Liban.
Alep, «la plus grande des batailles»
Aujourd'hui, le Hezbollah entretient une présence dans les régions de Damas et de Homs (Centre), et dans la province de Deraa (Sud). Plus significatif, ses troupes sont à la pointe de l'offensive à Alep, pour reprendre les derniers bastions rebelles des quartiers est de la ville. Alep, répète Nasrallah, est «la plus grande des batailles». Il y a renforcé ses effectifs et envoyé des unités spéciales qui, depuis l'été, ont permis des avancées décisives.
Selon des estimations crédibles, il y aurait en Syrie entre 5 000 et 7 000 combattants du Hezbollah, dont près de 3 000 personnels d'élite. Auxquels doivent s'ajouter les miliciens des Brigades de la résistance, une force paramilitaire affiliée au Hezbollah.
Créées par Imad Moughnieh, chef militaire du Hezbollah avant d'être assassiné en 2008, ces brigades sont censées absorber des volontaires libanais de toutes confessions. Elles intègrent aussi des chiites ne répondant pas aux critères de discipline militaire et religieuse prônés par le parti, voire des zaaran, les «voyous» qui tiennent les murs de Beyrouth ou d'ailleurs. Utiles, mais guère présentables selon la doxa du parti. Leur rôle en Syrie se limiterait à la surveillance des zones reprises par les forces prorégime, et à du soutien logistique.
Le «Parti de Dieu» soigne son image
Car le Hezbollah soigne son image d'armée «propre», indispensable vis-à-vis de son public. Ce n'est pas un hasard s'il a réagi – geste rare – aux accusations de l'opposition syrienne qui, début 2016, le rendait responsable de l'étranglement de Madaya, ville proche du Liban, assiégée et affamée par les troupes pro-Assad. Le démenti s'adressait surtout à ses sympathisants.
«Les opposants syriens préfèrent être prisonniers sous la garde du Hezbollah, qui les traite mieux que le régime». Il s'agit aussi de se démarquer de l'armée d'Assad, corrompue, pillarde, sans motivation, selon les confidences d'hommes ferraillant sous la bannière jaune. Tandis qu'un diplomate international s'alarme de «rumeurs persistantes sur l'existence de centres de détention gérés par le Hezbollah dans les régions de Hama et de Damas», un de ces combattants reste persuadé que «les opposants syriens préfèrent être prisonniers sous la garde du Hezbollah, qui les traite mieux que le régime». Les hommes de Nasrallah ne se perçoivent pas non plus comme une force d'occupation ; ils combattent, disent-ils, des «terroristes», selon un vocabulaire partagé à Damas, Téhéran et Moscou.
Les confidences sont rares, car le Parti de Dieu interdit à ses soldats de parler à la presse. C'est donc sous le pseudonyme de «Hussein» que l'un d'entre eux, étudiant de 24 ans qui a combattu dans quatre régions de Syrie, accepte de dire quelques mots.
Sentiment de puissance
La rencontre a lieu dans un café branché de Dahiyeh, la banlieue sud de Beyrouth, majoritairement chiite, qui abrite les bureaux du Hezbollah. A l'écart des volutes de narguilé et des rires d'adolescents, Hussein évoque les jeunes Syriens qu'il a vus «mener une vie normale [à Damas], plutôt que de se battre pour leur pays». Et de s'interroger : «Pourquoi nous, Libanais, combattons à leur place ?» Puis cette conviction : «Ce n'est pas seulement pour la Syrie que le Hezbollah fait la guerre, c'est aussi pour se défendre et défendre le Liban.»
Si leurs faits d'armes valent aux combattants libanais une terrible réputation auprès de l'opposition syrienne, ils ont surtout renforcé le sentiment de puissance de l'organisation.
La «guerre des 33 jours» menée contre Israël en 2006, qui, à défaut d'une victoire franche du Hezbollah, avait illustré la déroute de Tsahal, avait déjà construit un imaginaire d'invincibilité. Mais à la différence de la guerre de 2006, le conflit syrien n'est pas seulement l'occasion de se mesurer à un ennemi, mais aussi à des alliés, milices pro-iraniennes – irakiennes ou afghanes – ou armée syrienne.
Au sein de cette dernière, ne trouvent grâce à leurs yeux que «la 4e division (dirigée par Maher Al-Assad, frère de Bachar), les hommes du colonel Souheil Al-Hassan (à la tête de troupes d'élite) et les alaouites, qui sont forts», selon «Ali», un ex-combattant rencontré dans la vallée de la Bekaa, qui se souvient avoir écrit le nom de son village sur le mur d'une banlieue damascène. «Les autres n'ont pas le niveau du Hezbollah, qui contrôle aujourd'hui les trois quarts de la Syrie !», fanfaronne-t-il. «Tu n'as pas honte ?, l'interrompt la mère de son meilleur ami, un Libanais sunnite. Tu n'as donc pas honte d'être allé tuer des Syriens ? Est-ce que c'est ton pays, là-bas ?»
Damas, un allié, voire un obligé
Les relations entre le Hezbollah et Damas sont anciennes mais complexes. «Il y a eu des problèmes», reconnaissait Nasrallah en 2012, évoquant l'époque des guerres civiles au Liban (1975-1990) et de l'occupation syrienne, qui a duré jusqu'en 2005.
Tout en ayant favorisé sa création, le régime syrien – du temps de Hafez Al-Assad – n'a pas hésité à châtier le Hezbollah, histoire de lui rappeler qui était le maître. Ainsi, les combats interchiites qui opposèrent, en 1988 à Beyrouth, le Hezbollah aux miliciens d'Amal, eux aussi manipulés en sous-main par Damas, répondaient à une injonction syrienne : affaiblir le Parti de Dieu. De même, lorsque, sur ordre d'Hafez Al-Assad, l'armée libanaise tire sur des partisans du Hezbollah qui manifestent contre les accords d'Oslo, en 1993, le message est clair : les questions de guerre et de paix au Moyen-Orient, en particulier le dossier israélo-palestinien, restent l'apanage de Damas.
Mais les relations changent avec l'arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad en juin 2000, au moment même où Israël se retire au sud du Liban, mettant fin à une occupation de plus de vingt ans.
En 2004, sous l'impulsion du président américain George W. Bush, qui rêve de refaçonner le «grand Moyen-Orient», les pressions occidentales s'accentuent sur la Syrie et le Hezbollah.
Le 14 février 2005, l'ex-premier ministre Rafic Hariri est assassiné à Beyrouth. Une enquête internationale impute d'abord l'attentat à la Syrie, puis au Hezbollah, dont cinq de ses membres sont jugés – in absentia – au Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Nasrallah a toujours démenti. Mais qui pourrait dire, entre commanditaires et exécutants présumés, lequel est le vrai coupable ? Le Hezbollah n'a jamais cessé d'être le «joker» de Damas, à l'heure des confrontations armées.
C'est sans doute dans cet esprit que furent menées les premières opérations de la milice libanaise en Syrie. Selon un observateur qui se rend régulièrement dans ce pays, les cercles prorégime sont «rassurés par la présence du Hezbollah : ce sont des Libanais, il y a une proximité (historique), alors que les Iraniens et leurs visées expansionnistes suscitent la méfiance.»
Lors de la bataille du Qalamoun (2014-2015), ce sont les chiites libanais qui mènent l'offensive au sol… avant de s'effacer au profit des troupes syriennes. En avril 2014, le Hezbollah reprend le village chrétien de Maaloula aux rebelles dominés localement par les djihadistes du Front Al-Nosra, mais garde profil bas. Bachar Al-Assad s'offre une promenade triomphale sous les caméras. Les apparences sont sauves.
Des rapports de force inversés
Mais au fil de l'aggravation du conflit, les rapports de force se sont inversés. Damas n'est bientôt plus le «parrain», mais un allié, voire un obligé. «Avant 2011 (et le début du conflit), la Syrie était un Etat souverain. Elle contrôlait le transit d'armes destinées au Hezbollah en provenance d'Iran, rappelle Hussein, le combattant. Certains officiers syriens nous étaient hostiles. Cela a changé : jamais autant d'armes ne nous sont parvenues via la Syrie »
Plusieurs convois d'armes présumés, à destination du Hezbollah, ont été bombardés par Israël, qui garde un œil attentif sur le potentiel militaire de sa bête noire libanaise.
Signe de son affranchissement, le Hezbollah s'est attribué une sorte de «pré carré», dans la région de Qouneitra, au sud de Damas : là, près du Golan occupé par Israël, il chercherait à organiser des milices anti-israéliennes. Début 2015, un raid de Tsahal dans cette région tue un général iranien des gardiens de la révolution, ainsi que Jihad Moughnieh, fils de l'ex- «vedette» du Hezbollah, Imad Moughnieh. Samir Kantar, rallié au Parti de Dieu après sa sortie des geôles israéliennes en 2008 et qui aurait eu le rôle de superviser ces milices, a été assassiné peu après.
Il y a, en revanche, des relations immuables. Si Damas n'a plus la stature de «parrain» du Hezbollah, l'Iran demeure sa matrice originelle. En 1982, dans le sillage de l'invasion du Liban par Israël, ce furent les gardiens de la révolution iranienne, dépêchés dans la vallée de la Bekaa – sous l'œil attentif de Hafez Al-Assad –, qui formèrent les premiers bataillons de ce qui allait devenir le Hezbollah.
Sont enrôlés de jeunes chiites libanais, grisés par la révolution islamique iranienne, en colère contre le mouvement Amal (alors principale force chiite, qui avait accepté l'expulsion par Israël de la guérilla palestinienne du Liban) ou désireux de combattre l'occupant israélien. C'est autour de cette lutte contre «l'ennemi sioniste» que le Hezbollah bâtit son identité. S'il entendait exporter la révolution de 1979 à travers cette nouvelle milice chiite, l'Iran escomptait aussi, en s'insérant avec elle dans le conflit israélo-arabe, gagner le cœur du monde arabe.
Des centaines d'hommes tués
Ce lien ne s'est pas affaibli. En témoigne l'allégeance des partisans du Hezbollah à l'ayatollah Ali Khamenei comme marja (guide spirituel). A Alep, comme ailleurs en Syrie, les troupes d'élite de Nasrallah ne combattent pas tant sous le commandement de Damas que sous celui de Téhéran. «Sauver le régime syrien est une nécessité stratégique et logistique, explique le politologue Ali Mourad, de l'université arabe de Beyrouth. Sans lui, le Hezbollah se retrouverait handicapé : “l'autoroute” Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth doit rester ouverte (pour le passage d'armes).»
Avec l'aide des «conseillers» iraniens, en contact avec l'état-major syrien, le Hezbollah participe aussi aux décisions. «L'exercice ne pose pas de problème, car avec les Iraniens, ils partagent la même idéologie», explique Hicham Jaber, ancien général de l'armée libanaise.
Fort de son expérience des champs de bataille syriens, le jeune milicien Hussein précise : «Les chiites du Liban sont différents des autres chiites, même iraniens. Les hommes du Hezbollah sont les seuls à combattre avec la foi religieuse.» Il moque les miliciens irakiens, qui «fuient» devant le danger. Le général Jaber souligne, lui aussi, que «le Hezbollah est numériquement la plus petite (des milices prorégime) présentes en Syrie, mais elle est la plus efficace».
Le Parti de Dieu nie cependant avoir répondu à un ordre iranien. «Il n'a pas pris seul sa décision d'aller en Syrie, assure pourtant Hicham Jaber, mais en coopération avec ses alliés.»
«Ali Khamenei a pu éprouver au long cours la loyauté d'Hassan Nasrallah, juge un diplomate en poste à Beyrouth. Le Hezbollah a engagé des ressources militaires, des combattants. Il a pris des risques.»
Le tribut est en effet élevé. Le parti a perdu, selon des estimations, plusieurs centaines d'hommes dont les portraits s'alignent sans fin sur les routes des régions chiites du Liban. Dahiyé compte peu de familles qui n'aient pas un proche mort en Syrie. Certains «martyrs» sont des célébrités, comme le footballeur Kassem Chamkha, 19 ans, qui évoluait dans le club national Al-Ahd, l'équipe du Hezbollah. Sa mort a été révélée début novembre.
Autre conséquence, l'image que projette le parti au-delà de ses membres a radicalement changé. Il n'est plus véritablement «la résistance» qui harcelait Tsahal au sud du Liban, et qui tirait de sa lutte contre Israël sa légitimité ainsi qu'une grande popularité auprès d'une partie du monde arabe. «En Syrie, avant la guerre, se souvient le politologue Ali Mourad, les Syriens affichaient dans leur salon les portraits de Hafez et de Bachar Al-Assad, et celui d'Hassan Nasrallah dans la cuisine. Dans le salon, ce qu'il fallait montrer ; dans la cuisine, ce qui tenait à cœur !»
«Le coût à payer : le sentiment arabe, sunnite, de rejet»
Mais, à partir de février 2012, alors que les quartiers de la ville de Homs tenus par les rebelles étaient pilonnés jour et nuit, et que Nasrallah déclarait qu'il ne «s'y pass(ait) rien», «il s'est produit une rupture avec les Syriens (hostiles à Assad)», poursuit M. Mourad.
Pour une grande part de l'opinion arabe sunnite, le Hezbollah n'est plus désormais perçu que comme une milice confessionnelle chiite et «properse». «Le Hezbollah savait qu'il y aurait un coût : le sentiment arabe, sunnite, de rejet, qu'il était prêt à payer», avance le politologue.
En revanche, les opérations en Syrie n'ont pas suscité de forte contestation au sein de la communauté chiite du Liban, dont le Hezbollah demeure le principal représentant politique. La menace d'attentats, depuis une série d'explosions meurtrières (les dernières datent de fin 2015), attribuées ou revendiquées par des groupes djihadistes syriens, frappant la banlieue sud de Beyrouth, a raffermi la conviction des habitants que combattre le «terrorisme» en Syrie était une nécessité.
Ces quartiers, avec ses blocs de béton, ses portiques de fer ou ses miliciens armés, ressemblent parfois à une zone de guerre, verrouillée par l'armée. «Cela me met en colère de voir des jeunes revenir dans des cercueils, dit une enseignante chiite, critique envers le Hezbollah. Mais s'ils n'étaient pas là-bas, est-ce que nous (les chiites) serions encore en vie ?»
Les angoisses existentielles de cette minorité, forte au Liban mais fragile dans la région, imprègnent et soudent la communauté. Les voix discordantes d'intellectuels chiites, à la pointe du soutien à la révolution syrienne, comme celles de Yahya Jaber ou de Youssef Bazzi, «n'ont pas d'impact politique, analyse Ali Mourad. Tant que le Hezbollah gagne en Syrie, ou tant qu'il ne perd pas, il n'y aura pas de remise en question, malgré un nombre élevé de morts».
L'avenir de la région
Cette exacerbation du confessionnalisme laisse planer une ombre douloureuse sur l'avenir de la région. «Le Hezbollah a posé pour le long terme un problème entre les chiites libanais et leur entourage sunnite. Dans l'imaginaire populaire, les chiites du Liban resteront ceux qui ont soutenu Damas», s'émeut le politologue.
Une lecture qui rencontre peu d'écho parmi les sympathisants du Parti de Dieu. Pour eux, l'équation se pose en termes de survie. La lutte, ainsi que le martèle Hassan Nasrallah, ne vise pas une communauté spécifique, mais les takfiri, ces extrémistes «excommunicateurs» au sein de la religion musulmane : un «ennemi» mortel qu'il est légitime de combattre. «Le Hezbollah et le régime syrien réécrivent l'Histoire, conclut Ali Mourad. Ils ont gommé les six premiers mois de la révolution non violente de 2011. La montée en puissance des groupes djihadistes a servi leur discours.»
Attablé dans le café beyrouthin, Hussein le combattant voudrait «que la guerre s'arrête», mais il repartira se battre en Syrie, tant que le conflit durera. Il croit cependant que le Hezbollah est pris dans un engrenage «plus grand que lui» et constate, avec dépit, que, dans la région d'Alep, où des dizaines de Libanais ont déjà perdu la vie, c'est la Russie, avec ses avions, qui s'est imposée en nouveau maître dans ce jeu régional sans pitié.
Si le conflit prenait fin, d'une façon ou d'une autre, il pense – et c'est aussi l'avis du général Jaber – que le «Hezbollah ne partira pas du jour au lendemain. Il participera à la transition en Syrie», quelle que soit cette transition, et quelle que soit la Syrie de demain.
L'autre combattant, Ali, qui a quitté le front pour des «raisons personnelles» et à cause de ses blessures, se flagelle de ne pas avoir «une foi aussi ardente» que ses ex-compagnons d'armes. Il n'attend qu'une chose : la victoire «du peuple syrien, du Hezbollah, de l'Iran, de l'Islam». Il dit aussi qu'il ne reprendra le combat qu'à une seule condition : «Si Israël vient sous mes fenêtres.»
L. S. / C. H.
In lemonde.fr


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