Une mesure anti-Trump ? Ernest Moniz, le ministre de l'Energie de l'administration Obama vient de modifier les règles de communication pour protéger les chercheurs des interférences politiques. Notification : «Les dirigeants du département de l'Energie ne devraient pas et ne demanderont pas aux scientifiques d'orienter leur travail vers une quelconque conclusion particulière.» Ernest Moniz a ainsi résumé la philosophie de son plan destiné à clarifier les relations entre les chercheurs, les médias et l'opinion publique. Désormais, les scientifiques peuvent exprimer publiquement leur opinion sur les sciences et la politique pour peu qu'ils précisent qu'ils ne parlent pas au nom de leur administration ou du gouvernement. Les chercheurs n'ont plus que l'obligation de notifier à leur hiérarchie qu'ils vont parler de leurs travaux dans les médias ou publier leurs résultats, mais ils n'ont plus besoin de leur demander l'autorisation. C'est un changement essentiel par rapport à la précédente réglementation datant de 2012. Celle-ci imposait aux employés du département de l'Energie de se coordonner avec leurs supérieurs avant toute interview dans les médias et ils devaient même obtenir l'approbation de l'administration avant de publier leurs travaux dans les journaux scientifiques à relecture par les pairs. De plus, le ministère devra embaucher un médiateur pour traiter des conflits et plaintes. «L'ancienne réglementation était extrêmement vague et n'avait pas de structure pour son application, se réjouit Michaël Halpern, directeur du Centre pour la science et la démocratie au sein de l'Union of concerned scientists (UCS) à l'université de Cambridge (Massachusetts). Quand des droits ne sont pas clairement exprimés, des scientifiques qui partagent des opinions personnelles peuvent être attaqués.» De nombreux scientifiques estiment cependant qu'il est bien tard pour introduire de nouvelles règles plus libérales. Dès son intronisation, Barack Obama avait promis de «remettre la science à sa vraie place». En mars 2009, Obama avait publié des instructions aux agences fédérales pour réduire les interférences politiques et améliorer la transparence pour la recherche utilisée en appui des politiques publiques. La plupart des administrations ont mis en place cette politique sans pour autant couper les liens. Ainsi, Barack Obama lui-même a été épinglé par l'UCS pour avoir supprimé en 2011 le plan de réduction des émissions d'ozone présenté par l'agence fédérale de l'environnement (EPA) basé sur des recommandations scientifiques. Le Président avait jugé que ces nouvelles normes étaient trop contraignantes pour une économie américaine se relevant à peine de la crise de 2008. Ce plan a été mis en œuvre en 2015 seulement. L'UCS ne cesse de dénoncer les pressions politiques qui influencent la Maison-Blanche. Les employés des agences fédérales sont tout aussi sceptiques. Selon une enquête de l'UCS auprès de 4 agences fédérales, près de la moitié des salariés du Centre de contrôle et de prévention des maladies estime que leur agence donne trop de poids aux intérêts politiques, tout comme 73% des employés du Fish and Wildlife service. 60% des chercheurs des 4 agences pensent qu'ils ne peuvent exprimer leur avis sur leur administration sans craindre d'être contredit. Entre 2012 et 2015, l'EPA a reçu 81 plaintes pour atteinte à l'intégrité scientifique. L'UCS a publié juste avant l'élection de Donald Trump des recommandations au 45e président pour préserver l'indépendance de la science. Les résultats du scrutin alarment les chercheurs. Une première escarmouche a eu lieu avec la demande de l'administration Trump d'obtenir les mails de tous les chercheurs ayant apporté leur contribution aux négociations sur le réchauffement climatique. Les climatologues américains ont organisé la sauvegarde de leurs données sur le climat dans des serveurs indépendants internationaux. C'est peut-être une sage précaution. Le nouveau dirigeant de l'EPA, Scott Pruitt, attorney général de l'Oklahoma, avait porté plainte en octobre dernier contre les nouvelles normes d'émissions d'ozone de cette administration. Et Rick Perry, ex-gouverneur du Texas, a été nommé à la tête du département de l'Energie. C'est ce climato-sceptique revendiqué qui sera en charge d'appliquer le nouveau règlement édicté par Ernest Moniz. L. C. In sciencesetavenir.fr