Rentrée scolaire: l'Etat engagé à assurer les fondements du développement cognitif pour une génération éveillée    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    L'Algérie dénonce un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    L'école algérienne demeure un pilier essentiel pour bâtir une société unie    Rentrée scolaire 2025-2026: M. Sadaoui donne le coup d'envoi officiel depuis Alger    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    Le veto américain prolonge le génocide    Des abus graves contre les écolières    Ligue 1 Mobilis (5e journée) L'OA et le MBR creusent l'écart et confirment leurs ambitions    inter-régions : La FAF prolonge le mercato estival jusqu'au 30 septembre    L'Algérien Yasser Triki termine 4e en finale    Le wali instruit les entreprises chargées de la réalisation au respect des délais    Face aux nouvelles mutations énergétiques régionales et mondiales    Sayoud instruit d'accélérer la réalisation des projets du secteur des ressources en eau    Développement notable et perspectives prometteuses pour la filière pomicole    Arrestation de deux individus en possession de 1.000 comprimés psychotropes à Ammi Moussa    Bendouda inspecte les travaux de réhabilitation et le projet de numérisation des manuscrits    La 20e édition a attiré un public nombreux    Imene Ayadi remporte le prix du meilleur court-métrage de fiction avec «Nya»    Ligue 1 Mobilis: la JSS domine l'USMA (1-0) et rejoint le MBR et l'OA en tête du classement    CAUCT: organisation à Alger de la 2e édition d'Art pour la paix    Construction: ouverture à Alger du salon SIFFP avec la participation d'une centaine d'entreprises    La Gendarmerie nationale met en place un plan sécuritaire spécial pour la nouvelle rentrée scolaire    Belmehdi visite la commission d'audit et de vérification des recueils du Saint Coran    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Attaf signe à New York l'accord relatif à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer    L'attaque des fermes à Tighenif : une stratégie pour asphyxier l'économie coloniale française    Bouden reçu à Kuala Lumpur par le nouveau SG de l'AIPA    Chargé par le président de la République, Attaf arrive à New York pour participer aux travaux du segment de haut niveau de l'AG de l'ONU    Exposition d'Osaka : poursuite des journées portes ouvertes sur la stratégie nationale de développement des énergies renouvelables et de l'hydrogène vert    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    L'Algérie rejoint officiellement l'AIPA en tant qu'unique membre observateur    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.208 martyrs et 166.271 blessés    Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    L'échec du Conseil de sécurité à adopter une résolution en faveur de Ghaza, un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Et si les économistes s'intéressaient au réel ?
Une historienne de l'économie se lance dans une critique acide du travail de ses pairs
Publié dans La Tribune le 15 - 07 - 2017

Marcus Haller est un éditeur rare. Basé à Genève, il édite des essais traduits de l'anglais. Son catalogue ne compte à ce jour qu'une vingtaine de livres, dont la plupart sont excellents. Il a fait paraître il y a peu l'essai Les péchés secrets de la science économique de Deirdre McCloskey, historienne de l'économie et spécialiste d'épistémologie, encore peu connue en France, qui dévoile une première facette de l'œuvre très riche de cette économiste atypique.
Marcus Haller est un éditeur rare. Basé à Genève, il édite des essais traduits de l'anglais. Son catalogue ne compte à ce jour qu'une vingtaine de livres, dont la plupart sont excellents. Il a fait paraître il y a peu l'essai Les péchés secrets de la science économique de Deirdre McCloskey, historienne de l'économie et spécialiste d'épistémologie, encore peu connue en France, qui dévoile une première facette de l'œuvre très riche de cette économiste atypique.
L'ouvrage, qui est paru en version originale en 2002, développe une critique acérée de différents travers de la science économique. Il entre en résonance avec le débat suscité en France ces derniers mois par la publication du pamphlet Le Négationnisme économique, de P. Cahuc et A. Zylberberg. Il pourrait en effet aider à clarifier ce que devrait être la science économique si elle voulait se consacrer à une véritable investigation du réel.
La science économique (et les économistes) ne pèche pas par où l'on croit, nous explique tout d'abord l'auteure. Contrairement à ce que l'on lit souvent, la quantification n'est pas un «péché» (l'auteure se décrit notamment comme «chrétienne libertaire», ce qui explique peut-être la quelque peu surprenante pesée à laquelle elle s'exerce dans cet ouvrage). Celle-ci accompagne les sciences sociales depuis leur début. De fait, compter est plutôt une vertu. Les mathématiques non plus ne sont pas un péché. Leur capacité inégalée de déduire à partir de prémisses est en effet très utile. Même si celles-ci ne répondent pas, car il ne faut pas s'y tromper, à la question du «Combien».
De même, le culte du libre-échange n'est pas un péché en soi. C'est une vertu. C'est en tout cas ainsi que voit les choses une économiste libérale, qui plus est de l'Ecole de Chicago, et qui ne se prive pas dans cette section de dénoncer alors quelques travers surtout français (joker!).
«Les économistes se soucient réellement de l'intérêt général»
À peine plus grave serait le fait de recourir systématiquement au modèle de l'individu calculateur, autrement dit, selon ses mots, de considérer les êtres humains «comme des machines à calculer ayant pour seuls objectifs la Prudence, le Prix, le Profit, la Propriété et le Pouvoir». En omettant ainsi d'autres motivations «comme l'Amour et le Courage, la Justice et la Tempérance, la Foi et l'Espérance», que l'auteure regroupe sous le mot de «Solidarité». Même si, bien sûr, on serait plus inspiré de les prendre en compte toutes ensemble; une exigence par rapport à laquelle l'auteure se décrit alors comme une repentie.
D'autres travers sont toutefois plus difficiles à pardonner, même s'ils ne sont pas propres à la science économique, explique-t-elle. L'ignorance du monde en premier lieu, qui se traduit, chez les économistes, par l'absence de recherches de terrain concernant le monde des affaires, est ainsi difficilement pardonnable. Il en va de même de l'absence de culture historique chez la plupart d'entre eux, quand il ne s'agit pas de culture tout court (l'auteure est ici très sévère), ce qui se traduit notamment par des idées plutôt puériles en matière d'épistémologie, en particulier par l'attachement à une version scolaire du positivisme qui sous-estime le problème du contrôle expérimental (ce point s'éclairera ensuite).
La croyance dans la possibilité de séparer questions scientifiques et questions éthiques est également un défaut plus sérieux. L'arrogance en matière d'ingénierie sociale en découle, tandis que la profession fait par ailleurs preuve d'un égoïsme décomplexé, et également trop souvent d'une arrogance personnelle, dont l'auteure reconnaît au passage ne pas être exempte. En revanche, comme elle l'écrit, «les économistes se soucient réellement de l'intérêt général, qu'ils sont souvent seuls à défendre avec lucidité et conviction face aux intérêts particuliers».
Une théorie qui tourne à vide
Mais les deux travers les plus graves qui affectent la science économique renvoient à autre chose. Une investigation du réel doit à la fois observer et théoriser. Les deux à la fois. Ni la théorie pure, ni l'observation pure et non théorisée ne sont à dédaigner pour autant. Mais la science doit trouver le moyen d'associer les deux. Or, ce n'est pas le cas des deux activités auxquelles s'adonne la science économique la plus prestigieuse et la plus universitaire: le théorème qualitatif et la signification statistique, qui ne répondent ni l'une ni l'autre à la double exigence d'une véritable investigation du réel, explique l'auteur, même si elles mettent en œuvre (en apparence) les mêmes mathématiques complexes et les mêmes statistiques complexes que la véritable théorisation et la véritable observation.
«Les théoriciens de l'économie se concentrent sur ce que l'on nomme en mathématiques “les théorèmes d'existence”». Cette activité à base de suppositions purement qualitatives, susceptibles de varier à l'infini, dont on tire par déduction des conclusions théoriques, se développe indépendamment de toute investigation sur le «Combien» (ne se préoccupant que du «Pourquoi/Si»).
«Certes, si vous avez déjà déterminé avec finesse quelles suppositions plausibles il convenait de formuler, en vous appuyant sur quelque investigation du réel, alors la situation peut encore être récupérée par la science et servir d'autres investigations du réel (…). Dans le cas contraire (…), ce n'est que pure spéculation, un simple jeu intellectuel.»
La physique pour modèle
Seul un type de théorie auquel on pourrait assigner des chiffres réels pourrait contribuer réellement à une investigation du réel. Ce qui n'est pas le cas des théorèmes qualitatifs qui prolifèrent dans les revues universitaires de science économique depuis la révolution que l'auteure date de la parution de la thèse de Samuelson, Fondements de l'analyse économique, en 1947, qu'elle désigne ainsi comme le principal fautif de cet état de fait, et qui ne font aucune place aux chiffres réels.
On notera que ce n'est absolument pas le cas en physique, où les auteurs des revues universitaires s'efforcent toujours de répondre à la question du «Combien». «Même les physiciens qui se spécialisent en théorie (plutôt qu'en expérimentation) passent leur temps à imaginer des façon de calculer des ordres de grandeur.»
Point important, le partage du travail, qui pourrait à la rigueur être imaginé entre des économistes théoriciens, d'une part, et des économistes qui pourraient se consacrer à la recherche empirique, d'autre part, bute sur le fait que les théorèmes qualitatifs que produisent les premiers ne posent en réalité aucune question à base de «Combien», auxquels les seconds pourraient s'atteler à chercher des réponses.
Une recherche empirique préoccupée de signification statistique
«Mais la situation ne serait pas aussi catastrophique (…), si tout allait bien du côté empirique –plus humble– de l'économie universitaire. (Ces) empiristes (…) pourraient assembler de véritables hypothèses scientifiques et se contenter d'ignorer le “travail” des théoriciens qualitatifs (…). En réalité (…), les “théories” énoncées par les “théoriciens” ne sont jamais mises à l'épreuve des faits. Au lieu de cela, on utilise des modèles linéaires qui s'efforcent tant bien que mal de contrôler tel ou tel effet», dénonce l'auteure.
Mais, aussi curieux que cela paraisse, les économistes empiriques se sont, eux aussi, détournés de la question du «Combien».
«La confusion et l'absence de sens sont le fruit d'une technique particulière des études statistiques, dite “signification statistique”. Depuis que les coûts du calcul informatique ont commencé à baisser, dans les années 1970, celle-ci afflige la science économique, la psychologie et, ce qui est plus inquiétant, la science médicale.»
Les arguments empiriques se fondent sur des études de très grandes ampleur, mais les données comportent beaucoup d'informations parasites ou de «bruit», si bien qu'il est difficile d'atteindre, faute d'échantillons encore plus importants, les seuils communément admis de signification statistique de 5%, 1%, 0,1%, correspondant à la probabilité que le résultat soit produit uniquement par le bruit. Le problème, explique l'auteure, est que cela revient à nier des effets tout à fait réels, au motif qu'il ne serait pas possible de les établir avec certitude, parce qu'ils n'atteignent pas les seuils en question.
Un défi à relever
La plupart des articles empiriques publiés dans les revues confondent signification statistique et signification substantielle. Or, «la signification statistique n'est ni nécessaire, ni suffisante pour qu'un résultat soit scientifiquement significatif. Dans la plupart des cas, elle ne présente aucune pertinence».
«Déterminer si une chose compte ou non, (…) est une affaire humaine (…) La pertinence n'est pas inhérente aux chiffres.»
«La physique et la chimie (…) recourent très rarement à la signification statistique (…). Les économistes et les autres scientifiques cités plus haut y recourent, eux, de manière compulsive, mécanique et erronée.»
On voit bien la similitude entre ces deux travers: «Dans les deux cas, il s'agit de trouver sur un mode binaire (…) des résultats qui n'exigent aucune investigation laborieuse de type: Combien? Quelle ampleur? Qu'est-ce qu'une variable importante? Quel en est précisément le mordant? Théorie et recherche empirique recherchent ici des machines à produire des articles publiables. Et elles y parviennent», au détriment d'une production scientifique conçue comme une réelle investigation du réel. Cela laisse du pain sur la planche pour tous ceux qui voudraient relever le défi.
J. B.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.