Journées portes ouvertes sur les écoles et les instituts supérieurs dédiés à la Culture et à l'Art    Hommage à Alger à Kaddour M'Hamsadji, doyen des écrivains algériens    In Salah: 10 morts et 9 blessés dans un accident de la route au sud de la wilaya    Le président de la République reçoit une invitation de son homologue irakien pour assister au Sommet arabe à Baghdad    Gymnastique/Coupe du Monde-2025: Kaylia Nemour brille une nouvelle fois, avec deux médailles d'or et une d'argent en Egypte    Algérie-Canada: perspectives prometteuses pour le renforcement du partenariat économique dans l'énergie et les mines    Attaf reçoit un appel téléphonique de son homologue indien    France : le parti LFI exige le départ du ministre Bruno Retailleau    Une délégation ministérielle qatarie en visite à l'USTHB    Coupure de courant en Espagne et dans d'autres pays européens : aucune interruption du service Internet en Algérie    Merad salue les efforts des services de la Protection civile    Hadj 1446/2025 : Belmehdi appelle à intensifier les efforts pour une saison réussie    Décès de l'ancien journaliste à l'APS Djamel Boudaa: le ministre de la Communication présente ses condoléances    Changer l'approche de la gestion des structures des jeunes pour les rendre plus attractives    Ligue 1 Mobilis/USMA-ASO: les "Rouge et Noir" sommés de réagir    CHAN2025/Algérie-Gambie: les Verts poursuivent leur stage à Sidi Moussa    CIJ: poursuite des audiences sur les obligations humanitaires de l'entité sioniste en Palestine occupée    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Le CS Constantine ne peut s'en vouloir qu'à lui-même    L'USMH conserve la tête, l'IRBO relégué en Inter-Régions    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Premier festival de la cuisine halal    La DSP et les gestionnaires des EPH joignent leurs efforts pour une prise en charge des patients    Patriotisme et professionnalisme    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Présentation à Alger des projets associatifs subventionnés par le ministère de la Culture et des Arts    Saâdaoui annonce la propulsion de trois nouvelles plate-formes électroniques    Les renégats du Hirak de la discorde    Mise au point des actions entreprises    Ça se complique au sommet et ça éternue à la base !    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    Sept produits contenant du porc illégalement certifiés halal    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Un art ancestral transmis à travers les générations    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Quand le Nobel de la paix se met au service de la guerre
Les lauréats du prix sont autant d'alibis pour des politiques coercitives
Publié dans La Tribune le 12 - 10 - 2010

Ces dernières semaines a eu lieu en Australie un vif débat. Dans un article publié par Quartely Essay et en partie anticipé par l'Australian, Hugh White a mis en garde contre d'inquiétants processus en cours : à l'ascension de la Chine, Washington répond
par la traditionnelle politique de «containment», en renforçant de façon menaçante son potentiel et ses alliances militaires ; Pékin, en retour, ne se laisse pas facilement intimider et «contenir» ; tout cela peut provoquer une polarisation en Asie d'alliances opposées et faire émerger «un risque réel et croissant de guerre de vastes proportions et même de guerre nucléaire». L'auteur de cette mise en garde n'est pas un illustre inconnu : il a derrière lui une longue carrière d'analyste des problèmes de défense et de politique étrangère, et fait partie en quelque sorte de l'establishment intellectuel. Ce n'est pas un hasard si son intervention a provoqué un débat national, auquel a aussi participé le Premier ministre, Julia gillard, qui a réaffirmé la nécessité du lien privilégié avec les USA. Mais les cercles jusqu'au-boutistes australiens sont allés bien plus loin : il faut s'engager à fond pour une grande alliance des démocraties contre les despotes de Pékin. Pas de doute : l'idéologie de la guerre contre la Chine s'appuie sur une idéologie de longue date qui justifie et même célèbre les agressions militaires et les guerres de l'Occident au nom de la «démocratie» et des «droits de l'homme». Et voici qu'à présent le «Prix Nobel de la paix» est conféré au «dissident» chinois Liu Xiaobo : un sens de l'opportunité parfait, d'autant plus parfait si l'on pense à la menace de guerre commerciale contre la Chine brandie cette fois de façon ouverte et solennelle par le Congrès états-unien.
La Chine, l'Iran et la Palestine
Parmi les premiers à se réjouir du choix des Messieurs d'Oslo s'est trouvée Shirin Ebadi, qui a immédiatement surenchéri : «Non seulement la Chine est un pays qui viole les droits de l'homme mais c'est aussi un pays qui appuie et soutient de nombreux autres régimes qui les violent, comme ceux qui sont au pouvoir au Soudan, en Birmanie, en Corée du Nord, en Iran…» ; en outre,
c'est un pays qui est responsable de la «grande exploitation des ouvriers». Donc, il faut boycotter «les produits chinois» et «limiter au maximum les échanges économiques et commerciaux avec la Chine». Et une fois de plus : la contribution à l'idéologie de la guerre conduite au nom de la «démocratie» et des «droits de l'homme» est claire, et la déclaration de guerre commerciale est ouverte. Mais alors, pourquoi Shirin Ebadi a-t-elle eu en 2003 le «Prix Nobel de la Paix» ? Le prix a été attribué à une femme qui a une vision manichéenne des relations internationales ; dans la liste des violations des droits de l'Homme il n'y a pas de place pour Abou Ghraib et Guantanamo, pour les complexes carcéraux dans lesquels Israël enferme en masse les Palestiniens, pour les bombardements et les guerres déclenchées sur la base de prétextes faux et mensongers, pour l'uranium appauvri, pour les embargos à tendance génocidaire mis en acte en défiant l'écrasante majorité des membres de l'ONU et de la communauté internationale… Et pour ce qui concerne la «grande exploitation des ouvriers» en Chine, Shirin Ebadi parle sans nul doute à tort et à travers : dans le grand pays asiatique, des centaines de millions de femmes et d'hommes ont été soustraits à la faim à laquelle ils avaient été condamnés en tout premier lieu par l'agression impérialiste et par l'embargo proclamé par l'Occident ; et ces jours-ci on peut lire dans tous les organes de presse que les salaires des ouvriers sont en train de progresser à un rythme assez rapide. En tout cas, si l'embargo contre Cuba fait rage exclusivement contre les habitants de l'île, un éventuel embargo contre la Chine provoquerait une crise économique planétaire, avec des conséquences dévastatrices même pour les masses populaires occidentales, et bien le bonjour aux droits de l'Homme (du moins aux droits économiques et sociaux). Il n'y a pas de doute : en 2003, celle qui a reçu le «prix Nobel de la paix» est une idéologue de la guerre, médiocre et provinciale. A-t-on voulu récompenser une activiste qui, si ce n'est sur le plan international, du moins sur le plan intérieur à l'Iran, entend défendre la cause des droits de l'homme ? Si cela avait été l'intention des Messieurs d'Oslo, ils auraient dû récompenser Mohammed Mossadegh qui, au début des années 1950, s'engagea à construire un Iran démocratique mais qui, ayant eu l'audace de nationaliser l'industrie pétrolière, fut renversé par un coup d'Etat organisé par la Grande-Bretagne et les USA, ces pays qui se dressent aujourd'hui en champions de la «démocratie» et des «droits de l'homme». Ou bien les Messieurs d'Oslo auraient-ils pu récompenser quelques courageux opposants de la féroce dictature du Shah, soutenu par les habituels, improbables champions de la cause de la «démocratie» et «des droits de l'Homme». Mais alors, pourquoi en 2003, le «prix Nobel de la paix» a-t-il été attribué à Shirin Ebadi ? A ce moment-là, tandis que l'interminable martyre du peuple palestinien subissait un nouveau tour de vis, la croisade contre l'Iran se profilait clairement. Une reconnaissance attribuée à une militante palestinienne aurait été une contribution réelle à la cause de la détente et de la paix au Proche-Orient. Les militants palestiniens «non-violents» manquent-ils ? Il est difficile de qualifier de «non-violent» Obama, le leader d'un pays qui est engagé dans diverses guerres et qui dépense à lui seul en armements autant que tout le reste du monde pris dans son ensemble. En tout cas, les «non-violents» ne manquent pas en Palestine, et non-violents sont en tout cas les militants qui arrivent de tout pays en Palestine pour défendre ses habitants d'une violence déferlante, et qui, parfois, ont été balayés par des tanks ou par des bulldozers de l'armée d'occupation. Sauf que les Messieurs d'Oslo ont préféré récompenser une militante qui depuis lors n'a de cesse d'attiser le feu de la guerre en premier lieu contre l'Iran, mais maintenant contre la Chine aussi.
Après la consécration et la transfiguration de Liu Xiaobo, le président états-unien est tout de suite intervenu et a demandé la libération immédiate du «dissident». Mais pourquoi, en attendant, ne pas libérer les détenus sans procès de Guantanamo ou au moins faire pression pour la libération des innombrables Palestiniens (parfois à peine adolescents) emprisonnés par Israël, comme le reconnaît même la presse occidentale, dans des complexes carcéraux terrifiants ? Avec Obama, nous tombons sur un autre «prix Nobel de la paix» aux caractéristiques assez singulières. Quand il l'a obtenu, l'an dernier, il avait déclaré qu'il avait l'intention de renforcer en Afghanistan la présence militaire des USA et de l'OTAN et de donner une impulsion aux opérations de guerre.
Les Messieurs d'Oslo, les USA et la Chine
Conforté aussi par la prestigieuse reconnaissance qu'il avait reçue à Oslo, il a été fidèle à sa parole : ils sont maintenant bien plus nombreux qu'à l'époque de Bush, ces escadrons de la mort qui du haut du ciel «éliminent» les «terroristes», les «terroristes» potentiels et les suspects de «terrorisme» ; et ces hélicoptères et avions sans pilotes qui font office d'escadrons de la mort font rage aussi au Pakistan (avec les nombreuses victimes «collatérales» qui s'en suivent) ; l'indignation populaire est si forte et répandue que même les gouvernants de Kaboul et d'Islamabad se sentent obligés de protester contre Washington. Mais Obama ne se laisse certes pas impressionner : il peut toujours exhiber son «prix Nobel de la paix» !Ces jours derniers a filtré une nouvelle qui fait froid dans le dos : en Afghanistan se trouvent des militaires états-uniens qui tuent par divertissement des civils innocents, en conservant ensuite quelque partie du corps des victimes comme souvenir de chasse. L'administration états-unienne s'est empressée de bloquer immédiatement la diffusion des détails ultérieurs et surtout des photos : choquée, l'opinion publique états-unienne et internationale aurait pu ensuite faire pression pour la fin de la guerre en Afghanistan ; pour pouvoir la continuer, cette guerre, et la rendre encore plus âpre, le «Prix Nobel de la paix» a préféré infliger aussi un coup à la liberté de la presse. Mais on peut faire ici une considération de caractère général.
Au 20ème siècle, ce sont les USA qui ont été le pays qui a vu couronner du «prix Nobel de la paix» le plus grand nombre d'hommes d'Etat : Théodore Roosevelt (pour qui le seul «bon» Indien était celui qui était mort), Kissinger (le protagoniste du coup d'Etat au Chili et de la guerre au Vietnam), Carter (le promoteur du boycott des jeux Olympiques de Moscou en 1980 et de l'interdiction d'exportation de blé à l'URSS, qui est intervenu en Afghanistan contre les freedom fighters musulmans), Obama (qui intervient, maintenant, contre les freedom fighters, entre-temps devenus terroristes et a recours à un monstrueux appareil de guerre).Voyons sur le versant opposé de quelle façon les Messieurs d'Oslo se positionnent à l'égard de la Chine. Ce pays, qui représente un quart de l'humanité, ne s'est engagé dans les trois dernières décennies dans aucune guerre et a promu un développement économique qui, en libérant de la misère et de la faim des centaines de millions de femmes et d'hommes, leur permis d'accéder en tout cas aux droits économiques et sociaux.
Eh bien, les Messieurs d'Oslo n'ont daigné prendre en considération ce pays que pour attribuer trois prix à trois «dissidents» : en 1989 le «prix Nobel de la paix» est décerné au XIVème dalaï lama, qui avait quitté la Chine depuis déjà trois décennies ; en 2000, le Nobel de littérature est attribué à Gao Xingjan, un écrivain qui était désormais citoyen français ; en 2010, le «prix Nobel de la paix» couronne un autre dissident qui, après avoir vécu aux Etats-Unis et avoir enseigné à Columbia University, retourne en Chine «en vitesse» pour participer à la révolte (tout autre que pacifique) de la Place Tienanmen. De nos jours encore, il parle ainsi de son peuple : «Nous les Chinois, si brutaux». Ainsi, aux yeux des Messieurs d'Oslo, la cause de la paix est représentée par un pays (les USA) qui se croit souvent investi de la mission divine de guider le monde, qui a installé et continue à installer des bases militaires menaçantes dans tous les coins de la planète ; pour la Chine, (qui ne détient aucune base militaire à l'étranger), pour une civilisation millénaire qui, après le siècle d'humiliations et de misère imposé par l'impérialisme, est en train de revenir à son antique splendeur, ceux qui représentent la cause de la paix (et de la culture) sont seulement trois «dissidents» qui n'ont désormais plus grand-chose à voir avec le peuple chinois et qui voient dans l'Occident le phare exclusif qui illumine le monde. Nous voyons sans aucun doute ré-émerger ici dans la politique des Messieurs d'Oslo l'antique arrogance colonialiste et impérialiste. Alors qu'en Australie résonnent des voix inquiètes des périls de guerre, à Oslo, on redonne du lustre à une idéologie de la guerre de funeste mémoire : les guerres de l'opium ont été célébrées en son temps par J. S. Mill comme une contribution à la cause de la «liberté» de l'«acquéreur» en plus de celle du vendeur (d'opium), et par Tocqueville comme une contribution à la cause de la lutte contre l'«immobilisme» chinois. Les mots d'ordre agités aujourd'hui par la presse occidentale ne sont pas très différents ; presse qui ne se lasse pas de dénoncer le despotisme oriental immobile. Il faut en prendre acte : peut-être sont-ils aussi inspirés par de nobles intentions, mais, avec leur comportement concret, les Messieurs du «prix Nobel de la paix» ne méritent à l'heure actuelle que le Nobel de la guerre.
D. L.
*Professeur d'histoire de la philosophie à l'université d'Urbin (Italie).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.