De notre envoyé spécial à Béjaïa Fodhil Belloul La neuvième édition des rencontres cinématographiques de Bejaia s'est clôturée vendredi dernier par la diffusion d'un film musical sénégalais Un transport en commun. Une semaine durant, le public bejaoui a pu profiter d'une programmation riche et éclectique suivie de débats parfois intéressants concernant les films projetés et la pratique cinématographique en général. C'est aussi pour nous l'occasion d'un retour sur les moments forts de ces rencontres en dressant le bilan d'un évènement désormais ancré dans le paysage culturel de la ville. Coté algérien, les organisateurs ont affiché une préférence marquée pour la jeune génération, avec pas moins de dix réalisateurs présents. Si la qualité des œuvres proposées est forcément inégale, il n'en reste pas moins certain qu'un jeune cinéma algérien tente de se mettre en place et ce malgré les nombreuses difficultés de production et de distribution dont il souffre. Le documentaire de Mounia Meddour, que nous avions évoqué dans une précédente édition l'illustre d'ailleurs assez bien. Quelques noms se distinguent cependant. Citons Lamine Ammar-Khodja qui a présenté Comment recadrer un hors la loi en tirant sur un fil, un court métrage qui ne laisse pas de doute quant à l'avenir prometteur de ce jeune cinéaste capable d'évoquer des sujets aussi polémiques que l'identité nationale ou l'immigration avec une vision décalée, drôle et intelligente. Ou encore Amel Kateb avec On ne mourra pas, un court métrage ayant pour contexte les tragiques années 90. Avec une certaine maladresse, il faut le dire, Amel Kateb réussit quand même une plongée dans cette période difficile de notre histoire en produisant une œuvre intéressante et une esthétique tout en finesse. Nos voisins tunisiens furent aussi de la partie avec un grand nombre de réalisations. Nous avons pu constater que malgré l'énorme diversité des regards, l'inquiétude quant aux lendemains des évènements du 14 janvier est partagée par les réalisateurs. Non sans une fierté toute légitime, les cinéastes tunisiens tentent à travers une critique sociale lucide comme chez Walid Tayaa avec Vivre d'interpeller par l'image sur les dangers, celui islamiste ici, qui menacent une société en pleins bouleversements. Les débats, sous forme d'échanges à chaud après les projections entre les réalisateurs et le public, ou encore de cinés cafés, organisés chaque matinée, ont montré le grand intérêt des Bejaouis pour le cinéma avec des interventions de haut niveau. Il suffit d'entendre les réalisateurs exprimer leur joie d'avoir eu des retours aussi riches et intéressants. Petit bémol, la table ronde «Ou va le cinéma ?» organisée mercredi dernier autours du réalisateurs libanais Ghassan Selhab et du tunisien Jilani Saadi. En effet, en choisissant un thème aussi vaste, les organisateurs ont sans doute manqué de pertinence. Plus généralement, il est grand temps que les rencontres cinématographiques de Bejaia aient un véritable «cachet». Autrement dit, à trop vouloir offrir un large panel cinématographique, les rencontres souffrent d'un manque de vision globale du cinéma et plus généralement d'une «idée» de la pratique culturelle. L'effet «patchwork» n'est pas loin. Souhaitons que la prochaine édition, la 10ème, marque l'entrée effective de ce festival dans la tradition des grandes rencontres qui, en plus de donner à voir, permettent de mieux réfléchir sur le monde en assumant un parti pris. N'est-ce pas le rôle premier du cinéma ?