«La lutte mondiale contre les drogues a échoué, avec des conséquences dévastatrices pour les individus et les sociétés du monde entier […]. Cinquante ans après la signature de la Convention de l'ONU sur les drogues et quarante ans après que le président Nixon eut lancé la guerre antidrogue du gouvernement nord-américain, il est urgent de réformer les politiques nationales et mondiales de contrôle des drogues», peut-on lire dans le dernier rapport de la Global commission on drug policy qui est composée d'illustres noms de la politique et de la littérature mondiale dont l'ancien SG de l'ONU, Kofi Annan, les anciens présidents de Colombie, César Gaviria, et du Mexique, Ernesto Zedillo. Les signataires du rapport préconisent notamment de cesser «la criminalisation, la marginalisation et la stigmatisation des personnes consommant des drogues mais qui ne causent pas de dommages aux autres», au bénéfice d'une approche plus humaine qui considérerait «les personnes dépendantes comme des patients et non comme des criminels». Ce rapport, qui ébranle des idées reçues, précise, en citant les exemples du Portugal et de la Hollande, que la décriminalisation n'aboutit pas «à une augmentation significative de la consommation de drogues» et recommande aux gouvernements d'encourager l'expérimentation «avec des modèles de régulation légale des drogues (en particulier le cannabis) afin de réduire le pouvoir de la criminalité organisée et protéger la santé et la sécurité de leurs citoyens». Entre autres mesures, les rédacteurs du rapport préconisent des amendes aux possesseurs de substances illégales et l'hospitalisation des personnes dépendantes dans des centres spécialisés sans ouverture de casier judiciaire. «Il est clair que l'actuel système de criminalisation de l'usage personnel et de la possession de drogues a échoué [...]. A l'inverse, les dégâts causés par cette approche ont été importants», affirment-ils. Ce document a suscité, de nombreuses réactions dont celle du président colombien, Juan Manuel Santos, qui a exprimé sa volonté d'étudier une «nouvelle orientation» de la lutte contre la drogue, et l'adhésion de différentes personnalités, comme en Angleterre où des stars et d'anciens chefs de police ont appelé le Premier ministre Cameron à revoir l'efficacité des lois antidrogue en vigueur. Sans compter parmi les pays grands consommateurs de drogues (on serait classé à un niveau de consommation inférieur à celui de tous les autres pays arabes, selon une enquête nationale), l'Algérie est, cependant, confrontée au phénomène de l'addiction aux drogues qui prend de l'ampleur d'année en année. D'après l'Office national de la lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT), l'Algérie compterait entre 250 000 et 300 000 consommateurs de drogue (dont 60% auraient entre 20 et 39 ans) et voit transiter de plus en plus de quantités de cannabis (75 tonnes en 2009 contre 4 tonnes dix années plus tôt). Pour lutter contre les ravages de la drogue, l' ONLCDT préconise le triptyque répression-soins-prévention qui s'appuie sur la nouvelle démarche qui privilégie la «désintoxication volontaire», mais on relèvera l'absence de réactions au rapport de la Global commission on drug policy. L'Algérie semble préférer rester en marge du débat et poursuivre sa propre politique de lutte contre la drogue, même si les résultats ne sont pas si patents et que la consommation semble gagner des franges plus larges et surtout plus jeunes de la société. S. O. A.