Encourager la lecture, démocratiser l'accès au livre et offrir un cadre de travail adéquat aux élèves en classe d'examen et aux étudiants, voilà les trois objectifs principaux de la louable initiative publique qui consiste à doter chaque commune d'une bibliothèque. Le projet lancé au début des années 2000 sur la base du fonds commun des collectivités locales (FCCL) a bénéficié aussi de l'appui du ministère de la Culture qui se charge de la dotation des structures en question en ouvrages. Ce programme a eu un écho positif à travers tout le pays, et l'objectif tracé est en train de se réaliser progressivement. Dans une wilaya comme Béjaïa, une vingtaine de municipalités sur les 52 existantes disposent déjà de ce service culturel, et nombre d'entre elles sont aussi pourvues en médiathèques. La bibliothèque municipale de la ville de Béjaïa, qui renfermait à son ouverture un fonds documentaire de 53 163 ouvrages, en est la plus importante. Cependant, elle ne totalise que 462 lecteurs sur une population de 150 195 âmes. En ce qui concerne le chef-lieu de wilaya, il y a lieu de mentionner que la bibliothèque de la maison de la culture (8 000 ouvrages) et l'annexe de la bibliothèque nationale (19 550 ouvrages) ne regroupent que 842 habitués. Viennent ensuite celles de la commune d'Akbou 1 924 titres, Kherrata 1 919 références, Tazmalt 1 489, El Flay 1 363, Chemini 1219, Amizour 1 114, Darguina 1000 et la liste est encore longue. Dans toutes ces localités qui comptent des dizaines de milliers d'habitants, le nombre de lecteurs inscrits ne dépassent que très rarement le seuil des 100 personnes. Construire des bibliothèques est incontestablement une très bonne chose. Les animer pour rassembler les gens autour d'elles, c'est l'objectif final recherché. La gestion de ces espaces, généralement confiée à des fonctionnaires locaux sans réelle connaissance dans le domaine, compte des carences largement soulevées. Il y a aussi un manque flagrant de communication. A l'inauguration, par exemple, aucune réception n'est organisée pour tenir tout le monde au courant de cette nouvelle acquisition. Les dotations en nouveaux livres se font dans l'anonymat. Aucune manifestation n'est initiée pour sensibiliser les gens au sujet de la lecture. Les rapports avec les milieux scolaires sont inexistants. Conséquence : ces nouveaux établissements restent pour l'essentiel méconnus du lectorat potentiel. Les bibliothécaires et les archivistes qui chôment sont pourtant nombreux. La performance d'une bibliothèque se mesure par le nombre de ses lecteurs et la qualité de son service. La défaillance des bibliothèques municipales se situe à ce niveau-là.