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Qui se souvient de Rabah Belamri ?
Poète parmi les plus talentueux de la littérature algérienne de graphie française
Publié dans La Tribune le 05 - 06 - 2008

C'est presque une malédiction que d'écrire, de défaire et refaire le monde à sa guise. La condamnation de l'exil est au bout du tunnel, elle pointe frénétiquement sur l'étendue blanche de cette terre en feuille et en chair et abat de toute sa force les quelques bourgeons que la plume taille et défend. Comme par infraction, écrire devient un interdit et c'est pour cette raison que l'encre débusque la sécheresse et noie le vacarme du monde dans sa coupe et par ailleurs, les gueules des inhumaines geôles s'ouvrent et les revolvers des brigands mitraillent l'intelligence. De toute sa généalogie, la poésie est un domaine où la question d'exil et de mort semble hanter ce profond gouffre dont l'épitaphe s'émiette à force de fortifier l'oubli. C'est ainsi, depuis la nuit des temps, le naufrage est la dernière station du train poétique où le goût inachève le Départ vers l'absolu. Rabah Belamri est de ce pays frappé de plein fouet par la ruine et les départs, l'un des poètes les plus talentueux de la littérature algérienne de graphie française, l'une des voix qui ont perduré malgré les affres de l'exil et la bêtise de la marginalisation d'un système inique et barbare ; vite jeté dans les poubelles de l'oubli des nouveaux tsars qui assurent la survie des mercenaires de la mémoire et légitime ainsi la mafia du grand souk. Son nom ne figure que dans la nécrologie des chercheurs d'os, car «nous marchons dans une mémoire qui saigne», écrit-il et la poitrine du souvenir continue à s'égoutter et arroser les vergers de Dar Seltan où l'on ne se souvient que de la loi de l'exclusion. Non-voyant, il a vu le monde d'une implacable lucidité et a dessiné son pays au geste subtil de cette main coupée de la terre qui refuse d'abdiquer à la férocité de la fausse modernité et de ce chant pur et récalcitrant venant de l'enfance revendiquer l'alphabet des errances et les fables où la verdure chante l'homme vrai. Nourri aux vraies sources de l'homme, l'enfance, bercé par les contes auxquels il rendra un énorme bonheur en les sauvant du péril de l'oubli, cet humble homme à la barbe hirsute, marque d'affiliation poétique avec Sénac, le grand cheikh assassiné par les hordes de l'intolérance, qu'il célèbre dans cet émouvant poème : «Tu défais les vertèbres pour débusquer le père» et dont il questionne l'œuvre en publiant un essai sur Yahia El Wehrani Jean Sénac : entre désir et douleur, a lutté jusqu'à l'ultime goutte de ses forces à la sauvegarde de la culture orale et pas seulement, il restitue toute la beauté de ce pays mis en index par les ci(r)vilisés tout en quêtant son propre chemin dans la création qu'elle interroge sans cesse. Défricheur infatigable et vanneur insatiable de lumière et de pain d'amour, il sondait le monde avec son œil du dedans et libérait de ce regard d'enfant qu'il ne quitte pas une fraîcheur d'être souvent rattrapé par l'éclair. «Une mémoire de larmes me prend par les épaules.» Son univers ciselé aux rebelles signes de l'oralité met en marche la comète de l'enfance et hammam Guergour retrouve le scintillement de ses eaux sauvages et les danses folles des roseaux de l'arrière-pays pour s'éterniser dans une parole intransigeante. Givré par la solitude et le froid de l'exil, son écriture est comme cisaillée par une insondable blessure, cette dernière se nomme à diverses voix : soif, oubli, absence et sang ; il reconstruit sa propre mythologie et son propre espace de rêve dont les mots tracent la voie à une solidarité exemplaire et portent la voix de ceux qui n'en ont pas.
Le lecteur se souviendra des Belles lettres à ma sœur éclaboussées par l'imbécillité virile de la fausse redjla dans le Valet et l'hirondelle. Quand les cicatrices refusent de jaillir, il écrit, car, pour l'enfant de Bougaa, «chaque page est une blessure où la plume dépose une aurore». Seule la plume panse et les mots repensent la profondeur de la plaie. L'olivier boit son ombre, pour ne citer que ce joyau, est un recueil de poèmes qui se démarque aussi bien par la qualité de son écriture et la symbolique qui forme la trajectoire de signes ponctuée par l'écorchure de l'arbre, les fables défendues et le désir ardent de l'Amant. «Ta bouche où mon feu tombe goutte à goutte lézarde la nuit me réinvente incandescence du jour.»
En ces mauvais temps d'absence de mythes, de déliquescence de sens et de frigidité symbolique, parler de l'olivier est le site même d'une bataille qu'il faudra engager pour les uns et redoubler pour les autres, car ce qui fonde un pays, ce n'est pas le nombre des pizzerias qui bordent les boulevards et la qualité des strings qui surpeuplent les marchés, c'est la force des mythes et des symboles qui le propulsent vers un meilleur avenir qu'il faudra réinvestir. Car la dynamique d'un mythe est la fondation de tout acte de libération. De sa puissance allégorique Nedjma de Kateb Yacine, a donné naissance à l'Algérie. Ce recueil, accompagné des dessins de Pierre Omcikous -notons que, dans son édition originale, il est orné d'une eau-forte de Abdellah Benanteur, l'autre exilé- replonge son auteur dans ce monde dont la mère et la sœur façonnent le pain, et l'amoureuse n'apaise les syllabes de son auteur que pour «avancer dans la trace du poème».
La complainte est aussi une prière à l'amante : «Soigne-moi ô mon amour dans ta main que je brûle folie mûrie par la nuit que je brûle je mangerai les mots de charbon pour ne pas mourir avec les lucioles.» Dévoré par l'exil, il succomba à la mort loin des lieux qu'il habitera désormais dans une terre froide où le Quai aux fleurs ne répondra jamais.
Le chapelet barbelé de l'innommable maladie d'exil rouille à force de jeter la noble progéniture dans ses invisibles chaînes. Meurtri et cassé par le givre du lointain, mais reste «l'âge d'or des questions», comme l'écrit Michaux, la voix vive de l'enfant traquant les nausées qu'imposent les méchants. L'âge du poème, l'âge de l'homme, refuge d'éternité.
A. L.


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